DISCOURS ET TRANSCRIPTIONS

Allocution de M. Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale au Council on Foreign Relations

08 décembre 2014


Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale Ville de Washington, États-Unis

Tel que préparé pour l'allocution

Bonjour à tous,

Permettez-moi tout d’abord de remercier le Council on Foreign Relations d’avoir bien voulu accueillir cette manifestation. Et merci, Mark, de votre aimable présentation. The Nature Conservancy, qui a toujours été un acteur mondial majeur dans les domaines du changement climatique et de la protection de l’environnement, l’est encore plus aujourd’hui sous votre direction novatrice. Fort de votre longue expérience du monde de la finance, vous connaissez sans doute bien l’un des thèmes de mon allocution d’aujourd’hui, à savoir le fait que la politique économique est la clé d’une riposte mondiale coordonnée au changement climatique.

Bien que je ne puisse me rendre au Pérou pour la tenue, cette semaine, de la 20e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, je suivrai de près les travaux des délégués qui prépareront la voie à un accord devant être conclu dans un an à Paris, un accord qui devrait transformer notre façon de vivre pendant des générations. C’est donc pour moi un plaisir de revenir au Council on Foreign Relations pour vous présenter la façon dont le Groupe de la Banque mondiale conçoit cet accord.

Le Groupe de la Banque mondiale agit dans le domaine du changement climatique parce que celui-ci représente une vraie menace pour le développement des générations actuelles. Nous savons que nous n’avons aucun espoir de mettre fin à la pauvreté ou de promouvoir une prospérité partagée si nous ne nous y attaquons pas. Et plus nous attendrons, plus le coût des mesures à prendre pour protéger notre planète et nos enfants sera élevé. Notre série d’études intitulée Baissons la chaleur ainsi que nos travaux sur la croissance verte et les liens entre le développement et le climat indiquent clairement que les progrès enregistrés ces récentes décennies dans la lutte contre la pauvreté sont menacés.

Le mois dernier, ces points ont été soulignés avec force par la publication du 5e rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Ce consensus scientifique sans précédent a conclu que, pour stabiliser le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius, comme convenu par la communauté internationale en 2009, nous devons réduire à zéro les émissions nettes de gaz à effet de serre avant 2100.

L’IMPORTANCE DE LA CONFÉRENCE DE PARIS

Dans un an, tous ceux qui forment la communauté internationale auront l’occasion d’envoyer un message clair en montrant qu’ils sont déterminés à gérer leur économie dans l’objectif de réduire à zéro les émissions nettes avant 2100. Chaque pays se situant à un stade spécifique de son développement, le rythme auquel s’effectueront les réductions d’émissions et les investissements dans des mesures d’adaptation varieront d’un pays à l’autre. Il n’en demeure pas moins que l’accord de Paris sera l’occasion d’exposer une ambition collective, une ambition qui se traduira par une demande de croissance verte à long terme et par des engagements plus importants en faveur de l’adaptation. Plus grande sera notre ambition, plus forte sera la demande de programmes et de projets qui transformeront les économies. En portant une plus grande ambition, on enverra un message fort aux investisseurs — du secteur public comme du privé, qu’ils soient nationaux ou étrangers — quant à la demande et à la rentabilité d’investissements à long terme dans des systèmes énergétiques et de transport propres, dans une agriculture et une sylviculture durables, et dans de nouveaux produits économes en ressources.

À la conférence de Paris, nous devrons sonner l’heure du ralliement pour une gestion efficace de l’économie au niveau local, national et mondial au service de la lutte contre le changement climatique. De nombreux observateurs s’attendent à ce que l’accord à venir comprenne un certain nombre d’éléments essentiels. Chaque élément devra refléter une ambition à la hauteur du défi, afin d’envoyer un signal fort aux acteurs économiques du monde entier. Pour cela, l’accord auquel aboutira la 21e Conférence des parties à Paris devra comprendre :

  1. Un texte à caractère contraignant qui renforcera notre ambition collective et tracera clairement la voie vers la cessation complète des émissions nettes avant 2100.
  2. Des contributions nationales assorties de trains de mesures portant sur tous les moyens d’action budgétaires et macroéconomiques disponibles pour à la fois fixer les prix de l’énergie à un niveau approprié, augmenter l’efficacité énergétique et promouvoir la décarbonisation, tout en renforçant la résilience.
  3. Un plan de financement reconnaissant que les fonds de développement publics et le financement de l’action climatique doivent être utilisés pour promouvoir de nouvelles formes de financement pour l’adaptation et l’atténuation. En effet, les flux financiers ne pourront atteindre les niveaux nécessaires dans les délais requis sans une forme ou une autre de marché du carbone intégré, celui-ci reposant sur les diverses initiatives qui commencent à voir le jour à travers le monde sous la forme de mécanismes du marché, de taxes ou de réglementations.
  4. Enfin, des coalitions rassemblant des entreprises privées, des pays, des villes et des organisations de la société civile œuvrant à la réalisation d’intérêts communs.

 

Contrairement aux traités du passé, l’accord de Paris doit accorder autant de place à la transformation économique qu’aux objectifs chiffrés de réduction des émissions de carbone et de la pollution.

LA GESTION EFFICACE DE L'ÉCONOMIE

Permettez-moi de vous dire en quelques mots ce que signifie pour nous une gestion efficace de l’économie dans le contexte du changement climatique et ce que nous souhaiterions trouver dans les contributions nationales représentant les engagements que chaque pays estimera pouvoir tenir dans le cadre de l’accord de Paris et au-delà.

Nous comprenons bien qu’un grand nombre de nos clients sont toujours confrontés à d’énormes problèmes de développement, et que de nombreux pays atteindront leur pic d’émissions à des moments différents. Ces pays doivent assurer une gestion économique qui leur permette de décarboner progressivement leur secteur énergétique tout en disposant de l’énergie nécessaire à leur développement, ce qui représente un défi auquel les pays développés n’ont pas été confrontés lors de leur industrialisation. Cela étant, chaque pays, quel que soit son stade de développement, peut s’efforcer de gérer efficacement son économie et de réduire ses émissions tout en mettant fin à la pauvreté et en promouvant une prospérité partagée. Concrètement, il s’agit d’abord d’envoyer des signaux politiques forts afin d’établir clairement les objectifs à long terme, de donner un prix au carbone, de fixer des prix appropriés pour l’énergie en fonction de normes d’efficacité, et de supprimer des subventions néfastes, notamment celles qui concernent les combustibles fossiles.

Tous les pays devraient s’engager à donner un prix au carbone. Il s’agit d’une étape nécessaire, mais non suffisante, sur la voie de la cessation complète des émissions nettes. Une tarification efficace du carbone peut reposer sur les taxes, les mécanismes du marché ou la réglementation. Quelle que soit l’option choisie par un pays, une région ou une ville, la tarification du carbone renchérit le coût de la pollution indésirable et incite à la maîtrise de l’énergie et à des modes de production propres.

Elle peut générer des recettes, qui viendront financer des avantages économiques et sociaux. Nous pouvons par exemple remplacer les « taxes sur les biens » par des « taxes sur les maux » ; utiliser les recettes de la taxe carbone pour réduire les taxes sur l’emploi et les investissements et encourager la création d’emplois et le développement économique ; ou promouvoir l’innovation et le développement des technologies vertes par des subventions à la recherche et au développement.

L’exemple de la Colombie-Britannique est particulièrement éloquent à cet égard. Son mécanisme de tarification du carbone est neutre pour le contribuable et ne représente donc pas d’augmentation de la fiscalité. Le gouvernement a promis aux ménages qu’il ne modifierait pas leur taux d’imposition global. L’introduction de la taxe carbone a été accompagnée d’une réduction des taxes sur l’emploi. Mise en place à l’apogée de la crise financière de 2008, la taxe carbone est passée de 10 dollars canadiens la tonne à 30 dollars aujourd’hui. Pendant cette période, elle a permis de diminuer les émissions tout en offrant aux contribuables une réduction des impôts sur les personnes et les entreprises se chiffrant à 300 millions de dollars canadiens. Il convient de noter que le PIB de la Colombie-Britannique a dépassé celui du reste du Canada depuis l’introduction de cette taxe.

Mais, à elle seule, la tarification du carbone ne suffit pas. D’autres instruments doivent être mis en œuvre en parallèle pour recentrer les investissements vers les technologies et les secteurs propres.

Le renforcement des facteurs d’amélioration de l’efficacité énergétique est une mesure doublement bénéfique qui peut entraîner des économies pour les consommateurs tout en améliorant la qualité de l’air et en réduisant les émissions. Le renforcement des normes d’exploitation peut contribuer à l’amélioration de l’efficacité des appareils, des bâtiments, des transports et de l’industrie. Ces mesures d’amélioration de l’efficacité énergétique sont susceptibles de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 1,5 gigatonne à l’horizon 2020.

Des efforts spécifiques doivent en outre être menés pour développer les énergies renouvelables et le piégeage et le stockage du carbone à un rythme qui nous permettra d’atteindre la neutralité carbone à la fin du siècle. Des investissements dans l’infrastructure seront également nécessaires. La modernisation des réseaux de distribution d’électricité de nombreux pays, de l’Inde notamment, pourrait nettement augmenter leur rendement et permettre de connecter les énergies renouvelables au réseau. Cette année, après avoir réformé la réglementation et amélioré le réseau des Philippines, la Société financière internationale, qui est l’institution du Groupe de la Banque mondiale chargée des opérations avec le secteur privé, a financé la première centrale solaire du pays connectée au réseau. Des investissements dans les transports en commun doivent également être réalisés d’urgence dans les villes en pleine expansion des pays en développement, pour éviter de les enfermer dans un cycle d’inefficacité et de pollution.

La suppression des subventions aux combustibles fossiles n’a que trop tardé. Ces subventions, qui se chiffrent aujourd’hui à 500 milliards de dollars, profitent essentiellement aux plus riches et n’ont aucun effet bénéfique sur les pauvres ni sur l’environnement. Ces fonds pourraient être utilisés pour investir dans la résilience, la santé ou l’éducation, ou pour subventionner des technologies capables de réduire les émissions.

Les dirigeants rechignent depuis trop longtemps à s’attaquer au dossier « politiquement sensible » des subventions. Des pays tels que le Brésil, la République dominicaine, l’Indonésie et le Mexique montrent pourtant que l’élimination des subventions aux combustibles fossiles peut porter ses fruits et profiter aux pauvres lorsqu’elle est assortie de filets de protection sociale et de transferts monétaires ciblés. 

Un train de mesures incluant tous ces éléments assurerait la crédibilité de la transition et augmenterait la confiance et la prévisibilité recherchées par tous les investisseurs et consommateurs pour modifier leurs choix et leurs comportements. Leur inclusion dans les contributions nationales illustrerait l’engagement de chaque pays vers l’avènement d’une économie sans carbone. Elle permettrait également de préparer le terrain avant l’entrée en vigueur de ces contributions en 2020.

La gestion efficace de l’économie nécessite également un investissement accru dans la résilience. Il s’ensuit que les contributions des pays doivent aussi viser l’adaptation. Les pouvoirs publics doivent mettre en œuvre les politiques nécessaires pour renforcer la résilience et veiller à ce que le développement tienne compte des aléas climatiques. Le soutien et l’encouragement apportés par l’État pour inciter les villes à devenir plus propres et vivables peuvent avoir des retombées positives considérables. Les villes en expansion rapide peuvent adopter un modèle d’urbanisme veillant à l’implantation des nouveaux aménagements dans des lieux sûrs, et planifier les transports de sorte à améliorer la résilience et la compétitivité. 

Enfin, nous espérons que les contributions nationales définiront des cadres prescriptifs concernant la manière dont la foresterie et l’agriculture peuvent satisfaire les besoins liés à la nutrition et à la sécurité alimentaire, aux modes de subsistance des populations rurales et à la réduction des émissions liées à l’exploitation des terres. 

En s’engageant sur des contributions de cette ampleur, les États enverront un signal fort aux acteurs économiques. Mais nous devrons trouver des financements suffisants pour que ces efforts se conjuguent et réduisent à zéro les émissions nettes. Il s’agit là d’un élément essentiel de l’accord qui doit être conclu à Paris.

Il ne fait aucun doute que les pays qui utilisent leur capacité de réglementation pour fixer des prix appropriés, promouvoir des investissements propres et utiliser toute la gamme de moyens d’action à leur disposition bénéficieront de flux financiers accrus. 

Le Maroc a par exemple adopté des cibles ambitieuses pour les énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique, réduit les subventions aux combustibles fossiles et créé un cadre juridique bien conçu. À tel point qu’il est en passe de devenir un centre d’innovation pour l’énergie solaire. Ses investissements dans les énergies renouvelables sont passés de 297 millions de dollars en 2012 à 1,8 milliard de dollars en 2013. D’autres marchés émergents tels que le Chili et l’Afrique du Sud appliquent des stratégies ciblées avec des résultats comparables.

La forte demande d’investissements verts, respectueux du climat et bien structurés émanant des investisseurs, se reflète dans l’empressement avec lequel les investisseurs réagissent à la croissance du marché des obligations vertes. On estime à environ 35 milliards de dollars le montant des émissions de titres de ce type enregistré à ce stade pour cette année. En outre, un marché du « crédit vert », robuste et liquide, est en train de prendre forme.

Les obligations vertes ne seront toutefois pas la solution aux problèmes des populations les plus vulnérables, notamment celles qui vivent dans les pays les moins développés et les États fragiles ou touchés par un conflit. À ce niveau, le financement public du développement et de l’action climatique continuera de jouer un rôle essentiel, mais il faudra renforcer ses effets catalyseurs pour répondre aux nombreux besoins existants.

Pour être efficace, le financement du développement doit prendre en compte systématiquement les questions d’adaptation. Nous savons aujourd’hui que le développement est impossible hors du contexte du changement climatique. L’aménagement de terrasses sur les collines de Sainte-Lucie assurera l’efficacité des investissements dans la productivité agricole, car les agriculteurs locaux seront en mesure de faire face à l’intensification des précipitations. Au Népal, la construction d’écoles selon le code du bâtiment protègera l’investissement dans l’acquisition des connaissances, car les infrastructures scolaires résisteront mieux aux intempéries. Il peut être moins coûteux de protéger les côtes du Viet Nam en finançant la restauration des mangroves qu’en utilisant du béton et de l’acier d’armature ; la première méthode, en outre, peut relever les revenus des populations locales en accroissant les ressources des zones de pêche. Chacun de ces projets est un projet de développement, et chacun peut être considéré aussi comme un investissement climatique : c’est là que convergent le financement à long terme du développement et le financement de l’action climatique. 

Cette année, le Groupe de la Banque mondiale a pris une mesure importante : il a introduit un mécanisme de décryptage des risques en matière de climat et de catastrophes naturelles dans ses opérations de prêt en faveur des pays admis à emprunter à l’IDA (l’Association internationale de développement, à savoir le fonds du Groupe de la Banque mondiale dédié aux plus pauvres). Par ailleurs, nous avons élaboré des plans d’adaptation multisectoriels dans 25 pays IDA, pour commencer. Si l’expérience se révèle fructueuse, nous la mènerons sur une plus grande échelle. Nous espérons que les pays pourront utiliser ce type de planification, dans le cadre de l’IDA, pour préparer efficacement leurs propositions de projets au titre de Fonds vert pour le climat (GCF).

LE FINANCEMENT CLIMATIQUE PASSERA PAR DIFFERENTS CIRCUITS

Nous savons que le financement des interventions climatiques passera par de nombreux circuits. Il y a plus de six ans, nous avons créé les Fonds d’investissement climatiques (CIF) pour mettre en œuvre des investissements précurseurs dans des projets porteurs de transformations en matière de changement climatique et dégager des enseignements sur l’optimisation des résultats dans ce domaine. Installations éoliennes raccordées au réseau au Mexique, premières centrales thermiques solaires de grande échelle au Maroc, projets de renforcement des dispositifs de résilience en Bolivie et en Haïti, entreprenariat local dans le secteur de l’énergie solaire en Thaïlande : les projets et programmes des CIF montrent comment les autorités nationales et le secteur privé peuvent utiliser le financement public des actions climatiques et en démultiplier l’impact. L’objectif des CIF est de mobiliser 8,3 milliards de dollars d’actifs afin de dégager 57 milliards de dollars supplémentaires pour financer des investissements, pilotés par les pays, visant à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre et à promouvoir un développement à l’épreuve des aléas climatiques. La semaine dernière, les bailleurs de fonds et d’autres membres du Conseil d’administration ont décidé de prolonger de deux ans les opérations des CIF, et ont accordé des financements supplémentaires pour nous permettre de répondre aux besoins des pays tandis que d’autres fonds sont mis en place.

Nous nous réjouissons que le Fonds vert pour le climat de l’Organisation des Nations unies ait annoncé une contribution initiale de 9,9 milliards de dollars. Son impact sera d’autant plus grand si, comme les Fonds d’investissement climatiques, il utilise ces fonds pour mobiliser de nouveaux investissements en faveur de la réduction des émissions et du renforcement de la résilience. Nous nous réjouissons à la perspective de combiner nos ressources avec celles du GCF pour obtenir le plus grand impact possible.

NOUS DEVONS INVESTIR DÈS MAINTENANT DANS LA RÉSILIENCE

La conclusion d’un accord solide à Paris sera un signal immédiat, même si les dispositions juridiquement contraignantes n’entreront en vigueur qu’en 2020. Cela signifie que les autres volets de l’accord doivent répondre à la nécessité, fondamentale et urgente, d’accroître considérablement, dès maintenant, nos investissements dans le domaine de la résilience.

La logique économique de la résilience est incontestable. Chaque dollar investi dans de domaine peut réduire de quatre dollars le coût des interventions humanitaires. Pour chaque dollar investi dans les systèmes d’alerte rapide, nous pouvons économiser jusqu’à 30 dollars en dépenses de reconstruction. Pourtant, le coût de l’inaction s’alourdit. Les pertes économiques annuelles causées par les aléas naturels sont passées de 50 milliards de dollars durant les années 80 à près de 200 milliards de dollars durant la décennie écoulée. Outre les pertes économiques, le coût des sinistres assurés découlant de phénomènes météorologiques a également fortement augmenté. Selon SwissRe, les pertes assurées dues à des problèmes liés aux conditions météorologiques augmentent depuis dix ans en proportion du PIB mondial. En outre, l’écart entre les pertes globales et les pertes assurées s’accroît aussi : toujours d’après SwissRe, 75 % des pertes causées par les catastrophes naturelles dans le monde ne sont pas assurées.

Le Groupe de la Banque mondiale utilisera son expérience en matière d’innovations financières pour trouver le moyen de procéder à une injection de capitaux ponctuelle et développer les programmes d’assurance de manière à renforcer immédiatement la résilience, sans attendre la prochaine décennie. 

De même que nous devons accélérer dès maintenant notre action en faveur du renforcement de la résilience, nous devons aussi agir sans plus tarder sur d’autres fronts.

Durant les dernières années, nous avons observé un nouveau phénomène, qualifié par certains de « coalitions opérationnelles ». Déçus par le rythme des négociations et la difficulté de parvenir à un consensus parmi les 193 pays membres de l’ONU, des groupes de parties prenantes ont pris les devants. Dossier après dossier, des gouvernements, des entreprises, des membres de la communauté scientifique et des organisations de la société civile ont constaté que les avantages de la collaboration l’emportent sur la difficulté de s’entendre sur des accords exécutoires. En fait, ces coalitions ont ouvert la voie à un accord de plus grande portée et ont accéléré le rythme de l’action, de l’information et du recueil des données d’observation.

Cette démarche a conduit les nations forestières et d’autres parties prenantes à aller de l’avant dans le domaine de l’initiative REDD, dont l’objectif est de réduire les émissions dues au déboisement. Cette volonté de collaboration a également stimulé les efforts déployés pour éliminer de l’atmosphère les polluants à courte durée de vie, ainsi que l’initiative « Une énergie durable pour tous » et, en Afrique, le développement d’une agriculture intelligente sur le plan climatique permettant de maintenir les émissions à un faible niveau, de créer des emplois en zone rurale et de nourrir une population mondiale en expansion. L’accord de Paris, je l’espère, prendra acte de l’importante contribution de ces coalitions aux efforts engagés pour faire avancer les choses. En ce qui nous concerne, à la Banque mondiale, notre participation à ces coalitions est un élément essentiel de notre démarche consistant à trouver d’autres façons d’aider nos clients.

QU’EST-CE QUE CELA SIGNIFIE POUR LE GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE ?

Depuis mon arrivée dans le Groupe de la Banque mondiale il y a deux ans et demi, outre l’examen de tous les projets et de tous les plans nationaux financés par l’IDA sous l’angle des risques liés au climat et aux catastrophes naturelles, nous avons commencé à mesurer les émissions de gaz à effet de serre des projets dans les secteurs essentiels et à définir un prix du carbone en interne pour faciliter la formulation de directives à l’intention des concepteurs de projets. Par ailleurs, nous réfléchissons au taux d’actualisation qui déterminera notre méthode d’évaluation des avantages économiques à long terme et nous avons commencé à travailler à la conception d’un indicateur de résilience.

Nous comptabilisons notre utilisation des financements climatiques avec d’autres banques multilatérales de développement, et notre groupe de banques a élaboré une méthode commune d’évaluation des résultats obtenus en matière d’atténuation grâce à nos financements. Nous sommes près de nous entendre sur un outil d’évaluation des mesures d’adaptation dans le cadre de nos projets. Nous espérons que toutes les banques de développement multilatérales et les organismes financiers bilatéraux membres de l’International Development Finance Club adhéreront prochainement à des normes comptables communes.

Ces solides instruments de mesure nous permettent d’évaluer le risque carbone de notre portefeuille — notre empreinte carbone — et peuvent nous communiquer de précieuses informations pour guider le choix et la conception des projets. Ces instruments aideront aussi la communauté internationale à prendre la mesure des résultats qu’elle obtient en matière d’atténuation et d’adaptation en faisant transiter les financements climatiques par notre institution, ainsi que les résultats que nous produisons à notre propre initiative.

Durant l’année écoulée, nous avons modifié la façon dont nous gérons nos cadres de partenariat avec les pays ainsi que nos études diagnostiques sur les pays. Ces réformes nous amèneront à envisager de plus en plus notre action en faveur de nos clients sous le prisme du changement climatique et pourraient être un moyen d’aider les pays à contribuer à la lutte contre le changement climatique.

Nous devons nous remettre en question de manière à ce que chaque stratégie régionale et nationale et chaque stratégie sectorielle, dans l’ensemble du Groupe de la Banque mondiale, soient guidées par la conviction que nos clients doivent réussir à réduire à zéro leurs émissions nettes de carbone.

La réalisation de cet objectif exigera une réorientation continue de notre portefeuille énergétique afin de promouvoir l’accès à l’énergie pour tous, les investissements dans les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie. Elle suppose aussi un soutien constant aux transports propres, à l’aménagement de villes où il fait bon vivre et au développement d’un marché de l’immobilier vert. Cette démarche implique une réorientation de notre portefeuille agricole en faveur d’une agriculture intelligente sur le plan climatique, un soutien accru aux marchés du carbone en réseau à l’échelle mondiale et des innovations financières permettant d’attirer les investissements dans un développement sobre en émissions.

En cette période cruciale, à Lima ainsi que durant l’année qui s’écoulera entre les conférences de Lima et de Paris, j’ai l’intention de pousser le Groupe de la Banque mondiale et d’autres institutions financières de développement à devenir des partenaires privilégiés à long terme à l’appui de la réduction des émissions de carbone dans le monde. Je propose que les Réunions de printemps et les Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale servent à renforcer nos ambitions en compagnie des ministres des Finances et d’autres acteurs économiques présents. Nous soutiendrons la présidence allemande du G-7 et la présidence turque du G-20 de manière à ce que ces groupes de discussions apportent leur soutien à un accord de Paris à même d’envoyer le signal fort dont nous avons besoin.

Pour ma part, j’envoie mon propre signal, en tant que président du Groupe de la Banque mondiale : je ferai en sorte que notre institution et l’ensemble de ses capacités — financières, techniques et humaines — soutiennent cette transition en matière de développement, à laquelle nous devons tous apporter notre appui, afin de préserver notre planète pour toutes les générations futures. Merci beaucoup.


Api
Api

Bienvenue