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COMMUNIQUÉS DE PRESSE 25 janvier 2022

La crise libanaise : un grand déni sur fond de dépression délibérée

Beyrouth, 25 janvier 2022 – L’ampleur et la portée de la dépression délibérée dans laquelle est plongé le Liban conduisent à la désintégration des principaux piliers de l’économie politique libanaise de l’après‑guerre civile. En attestent l’effondrement des services publics les plus élémentaires, la discorde politique chronique et débilitante et la fuite massive des cerveaux. Parallèlement, les classes moyennes et pauvres, à qui ce modèle n’a jamais bénéficié, supportent l’essentiel du fardeau de la crise.

Selon la dernière note de conjoncture économique publiée par la Banque mondiale pour le Liban (automne 2021) et intitulée The Great Denial, l'élite libanaise, qui contrôle l’État de longue date et vit de ses rentes économiques, a plongé le pays dans une dépression « délibérée ». Cette situation persiste malgré la gravité de la crise, qui représente l’un des dix, voire des trois effondrements économiques les plus graves que le monde ait connus depuis les années 1850, au point de menacer la stabilité et la paix sociale à long terme du Liban. Le modèle de développement économique de l’après-guerre, qui a prospéré grâce à d’importants apports de capitaux et au soutien international en échange de promesses de réformes, est aujourd’hui en faillite. Qui plus est, cet effondrement se produit dans un contexte géopolitique fort instable, qui rend d’autant plus urgente la nécessité de s’attaquer à une crise désastreuse.

Selon les estimations présentées dans le rapport, le PIB réel diminuera de 10,5 % en 2021, après une contraction de 21,4 % en 2020. De fait, le PIB du Liban a chuté de 52 milliards de dollars en 2019 à 21,8 milliards de dollars en 2021, soit une baisse de 58,1 % — la plus forte contraction enregistrée parmi 193 pays.

Les turbulences monétaires et financières demeurent des facteurs de crise, dans un système de taux de change multiples qui pose de sérieuses difficultés sur le plan économique. Le taux de change a continué de se dégrader en 2021 : au cours des 11 premiers mois de l’année, la livre libanaise a chuté de 211 % par rapport au dollar tandis que le taux de change moyen de la Banque mondiale s’est déprécié de 219 % (sur une base annuelle). Les effets du taux de change sur les prix ont contribué à une inflation galopante, estimée à 145 % en moyenne en 2021, ce qui place le Liban au troisième rang mondial après le Venezuela et le Soudan. L’inflation a l’effet d’une taxe hautement régressive, qui touche démesurément les populations pauvres et vulnérables et, plus généralement, les personnes vivant d’un revenu fixe comme les retraités. La hausse des prix des denrées alimentaires reste préoccupante, sachant qu’elles représentent une part importante des dépenses des ménages les plus pauvres qui ont du mal à joindre les deux bouts du fait du recul de leur pouvoir d’achat.

Les recettes publiques devraient presque diminuer de moitié en 2021 pour s'établir à 6,6 % du PIB, soit le taux le plus faible au monde après la Somalie et le Yémen. La contraction des dépenses a été encore plus prononcée, en partie à cause des réductions drastiques des dépenses primaires, alimentant ainsi la spirale économique. Parallèlement, la dette brute devrait atteindre 183 % du PIB en 2021, plaçant le Liban au quatrième rang mondial des pays les plus endettés, derrière le Japon, le Soudan et la Grèce.

Rare secteur à afficher une bonne tenue en 2021, le tourisme a permis de stabiliser le ratio du déficit du compte courant au PIB.

Le printemps 2021 a marqué le début de l’arrêt des subventions aux taux de change, qui ont été totalement supprimées à l’été. Chaotique, la procédure suivie par les autorités pour mettre fin aux subventions fut opaque, mal coordonnée et dépourvue de mesures d’atténuation opportunes en faveur des pauvres. Dès lors, la levée des subventions a essentiellement profité aux importateurs et aux contrebandiers, tandis que les précieuses et rares ressources en devises se sont épuisées.

« Le déni délibéré sur fond de dépression délibérée provoque des cicatrices indélébiles qui marquent l’économie et la société. Plus de deux ans après le début de la crise financière, le Liban n’a toujours pas tracé et encore moins entamé une voie crédible vers la reprise économique et financière, déclare Saroj Kumar Jha, directeur régional de la Banque mondiale pour le Machreq. Le gouvernement libanais doit de toute urgence s’orienter vers l’adoption d’un plan de redressement et de stabilisation macro‑financier crédible, exhaustif et équitable et accélérer sa mise en œuvre afin de prévenir un effondrement total de ses systèmes socioéconomiques et de mettre immédiatement un terme à la perte irréversible de capital humain. La Banque mondiale réaffirme sa volonté de continuer à aider le Liban à répondre aux besoins pressants de sa population et aux défis affectant ses moyens de subsistance.»

Tel que détaillé et mentionné dans nos précédentes éditions du Lebanon Economic Monitor (LEM), cette stratégie serait basée sur : i) un nouveau cadre de politique monétaire qui rétablira la confiance et la stabilité dans le taux de change ; ii) un programme pour la restructuration de la dette qui garantira une marge de manœuvre budgétaire à court terme et la viabilité à moyen terme ; iii) une restructuration exhaustive du secteur financier afin de recouvrir la solvabilité du secteur bancaire ; iv) un ajustement des finances publiques progressif et équitable pour rétablir la confiance dans la politique budgétaire ; v) des réformes visant à soutenir la croissance ; et vi) une protection sociale renforcée.

En particulier, le lancement d'une réforme globale, bien structurée et rapide du secteur de l'électricité est essentiel pour relever les défis de longue date et complexes auxquels fait face ce secteur au cœur de la reprise économique et sociale du Liban. En outre, le Liban doit redoubler d'efforts pour assurer une assistance efficace et rapide en matière de protection sociale aux ménages pauvres et vulnérables aux prises avec la crise économique persistante.

La section spéciale du LEM intitulée Searching for the External Lift in the Deliberate Depression examine les raisons de l’augmentation plus faible que prévu des exportations, compte tenu de la forte dépréciation de la livre libanaise ; elle analyse l’incapacité actuelle du secteur extérieur à bénéficier de la compétitivité accrue des prix et à devenir un moteur plus robuste de la croissance. Et de conclure que les exportations du Liban sont inhibées par trois facteurs (en dehors de la crise elle-même) : i) les fondamentaux économiques (d’avant la crise) ; ii) la conjoncture mondiale ; et iii) le contexte politique et institutionnel.


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961-1-963-438
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