« Mes enfants aînés ont dû abandonner l’école parce qu’il n’y avait pas de lycée dans notre village, » raconte Mariam Housein, 64 ans. « Ils devaient parcourir 22 kilomètres à pied jusqu’à l’établissement le plus proche, et dans un pays où la température dépasse souvent les 40 °C, c’était tout simplement impossible. »
Mariam vit à Ali-Addeh, un village d’environ 4 000 habitants situé dans la région d’Ali Sabieh, à environ 70 kilomètres au sud de la ville de Djibouti. Ce village abrite également l’un des plus grands camps de réfugiés du pays. Dans les années 2010, des communautés comme celle d’Ali-Addeh ont été confrontées à des défis croissants, notamment un accès limité à l’eau potable, aux soins de santé et à l’électricité. Les sécheresses ont détruit les moyens de subsistance des éleveurs, tandis que la concurrence accrue pour des ressources rares a aggravé l’insécurité alimentaire.
« Avant, notre village avait un accès très limité à l’électricité. La nuit, nous vivions dans l’obscurité, avec seulement des lampes à huile et des torches », se souvient Mariam. « C’était particulièrement difficile pour les services essentiels. Aider une femme à accoucher après la tombée de la nuit relevait du cauchemar. »
Le Projet d’aide au développement en réponse aux déplacements de population (DRDIP), financé par la Banque mondiale, lancé en 2017 pour relever ces défis, s’est achevé le 30 juin 2024. Ce projet régional visait à renforcer la résilience et à soutenir les populations déplacées ainsi que les communautés d’accueil à Djibouti, en Éthiopie et au Kenya. À Djibouti, il a ciblé des zones mal desservies telles qu’Obock et Ali Sabieh. Le projet reposait sur cinq piliers : l’amélioration des infrastructures économiques et sociales, la promotion d’une gestion durable de l’environnement, le soutien aux moyens de subsistance, le suivi et l’évaluation, ainsi que le renforcement de la coordination et des capacités régionales.
À Ali-Addeh, le DRDIP a permis d’agrandir la centrale solaire du village, passant de 62,1 à 340 kW, et d’alimenter en électricité 354 ménages. Le projet a également étendu le réseau d’eau potable, construit des installations sanitaires et ouvert un nouveau collège.
Dans les zones d’accueil des réfugiés (Obock, Ali-Addeh et Holl Holl), l’initiative a été mise en œuvre en partenariat avec l’Agence djiboutienne de développement social (ADDS). Au total, plus de 110 000 personnes ont bénéficié d’une amélioration des services de base. Environ 54 000 personnes ont eu accès aux énergies renouvelables. Les sous-projets ont généré près de 51 800 journées de travail à court terme, et environ 5 600 personnes ont vu leurs revenus augmenter grâce à des aides telles que des subventions aux petites entreprises, des kits agricoles et des formations.
« Aujourd’hui, mes plus jeunes enfants ont obtenu leur diplôme. Certains sont même devenus fonctionnaires à Djibouti », déclare Mariam, le visage illuminé de fierté. « Autrefois, nous étions désespérés. Mais aujourd’hui, l’avenir s’annonce prometteur. »
Mariam a également rejoint un collectif local d’épargne et de crédit appelé Groupement d’entraide par affinités (GEA). Ses membres versaient 200 francs djiboutiens (DJF) chaque semaine dans un fonds commun, permettant aux participantes de bénéficier de prêts sans intérêts pour lancer ou développer de petites entreprises.
Grâce à ce groupement, Mariam a progressivement augmenté ses revenus. Elle a commencé par vendre des vêtements avant d’ouvrir une boutique d’artisanat. « J’ai lancé l’entreprise lorsque mon mari est tombé malade. Aujourd’hui, ma boutique génère plus de 100 000 DJF (environ 563 dollars) par jour », explique-t-elle.
À quelques kilomètres de là, dans le village de Holl Holl, Fatoumata Assoweh Warsame, 64 ans, construisait elle aussi une nouvelle vie. « J’ai commencé à cultiver en 2005, après le décès de mon mari. Je devais subvenir aux besoins de mes trois enfants », raconte-t-elle.
Au début, le coût du diesel pour alimenter les pompes d’irrigation ne lui laissait que peu d’économies. Grâce au DRDIP, elle a reçu une pompe solaire, ce qui lui a permis de réduire ses dépenses et d’augmenter sa production. Elle a commencé à cultiver des goyaves, des oignons, des pastèques, des tomates et des poivrons.
« Le diesel réduisait considérablement mes revenus. La pompe solaire a tout changé », raconte-t-elle. « Et faire partie d’un groupement agricole féminin m’a aidée à ouvrir un magasin pour vendre mes produits ainsi que d’autres marchandises. »
De retour à Ali-Addeh, l’aventure de Mariam ne s’est pas limitée à une seule boutique. Forte de son succès, elle en a ouvert une deuxième, puis une troisième, cette dernière étant gérée par sa fille. Ses ambitions ont rapidement dépassé les limites du village. Elle vend désormais ses produits dans la ville de Djibouti lors d’événements nationaux comme la fête de l’indépendance, et cherche activement un local commercial permanent dans la capitale. « Notre région possède un riche patrimoine culturel », confietelle en souriant. « Je veux le partager avec le reste du pays — et peut-être un jour avec le monde entier. »