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ARTICLE11 novembre 2022

Aux antipodes l'un de l'autre, le Vietnam et le Sahel face aux défis alimentaires du changement climatique

The World Bank

Photo : Linh Pham/Banque mondiale.

LES POINTS MARQUANTS

  • En raison des futurs dérèglements du climat, le Vietnam et la bande sahélienne en Afrique vont devoir relever des défis grandissants en matière de production alimentaire.
  • Le delta du Mékong, région fertile du Vietnam, est menacé par l'élévation du niveau de la mer, tandis que le Sahel, zone au climat historiquement difficile, subira probablement des conditions encore plus extrêmes.
  • Un nouveau plan directeur régional pour le delta du Mékong donne la priorité à l'adaptation. Au Sahel, il est essentiel de renforcer la résilience de la population.

Confronté à la dégradation des sols, un riziculteur du delta du Mékong doit se tourner vers l’élevage de canards et de poissons pour laisser ses champs se reposer et diversifier ses revenus. À l'autre bout du monde, un fermier du Niger se tourne vers des semences résistantes à la sécheresse pour mieux faire face à des précipitations de plus en plus imprévisibles.

Aussi étonnant que cela paraisse, les riches terres agricoles du delta du Mékong, au Vietnam, et la savane tropicale comme les déserts du Sahel, en Afrique, sont face à une même perspective : devoir relever des défis grandissants en matière de production alimentaire dans un avenir marqué par le changement climatique. Les dérèglements du climat affecteront l'agriculture dans de nombreux pays, mais ces deux régions du monde en ressentent déjà les effets par la fréquence et l'intensité accrues des épisodes météorologiques extrêmes et de l'envolée des températures. Cependant, des solutions existent et elles passent notamment par une utilisation plus efficace de l'eau et des innovations pour stimuler la productivité.

Sur le plan économique et environnemental, le Vietnam (a) et les pays du G5 Sahel (a) — Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad — ne pourraient pas être plus différents. Le PIB par habitant du Viet Nam est environ quatre fois supérieur à celui de la plupart des États du Sahel (a). Le « G5 Sahel » a été formé en 2014 afin de renforcer la coopération régionale en Afrique de l'Ouest en matière de développement et de sécurité. Il regroupe des pays qui figurent parmi les plus pauvres de la planète et qui se caractérisent par de faibles indices de développement humain et de longues périodes de conflits.

Projections de pertes agricoles

Le delta du Mékong est la zone agricole la plus productive du Vietnam. Il contribue à la moitié de la production de riz du pays, à 95 % de ses exportations de riz et à un tiers du PIB agricole du pays. Mais ces dernières années, la construction de barrages et d'autres infrastructures en amont a réduit la quantité d'eau douce disponible pour les cultures, incitant les agriculteurs à puiser dans les nappes phréatiques. En conséquence, les terres s'enfoncent et s'érodent rapidement, et l'eau de mer atteint les rivières, les canaux et les terres cultivées qui ont besoin d'eau douce pour prospérer. Avec le changement climatique, les menaces liées à l'élévation du niveau de la mer et à l'intrusion d'eau salée vont probablement s'aggraver, ce qui pourrait rendre certaines cultures impossibles, selon le rapport sur le climat et le développement au Viet Nam (CCDR) (a) produit par le Groupe de la Banque mondiale. Ce nouvel outil de diagnostic de fond a été conçu pour aider les pays à relever à la fois les défis climatiques et de développement et à s'engager sur une voie de développement sobre en carbone et résiliente au climat. 

The World Bank
Photo : Linh Pham/Banque mondiale.

Selon la modélisation économique de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (a), le Vietnam pourrait subir des pertes agricoles de 5,6 % d'ici 2030. Cette modélisation repose sur le profil d’évolution des concentrations de gaz à effet de serre RCP 2.6, un scénario qui suppose que les émissions de CO2 commencent à diminuer d'ici à 2020 pour devenir nulles en 2100. Les pertes atteindraient 6 % dans le cadre du scénario RCP 4.5, suivant lequel les émissions atteignent un pic vers 2040 avant de diminuer, et 6,2 % selon le scénario RCP 8.5, qui prévoit que les émissions augmentent tout au long du 21e siècle. Ces estimations sont à comparer à un scénario sans changement climatique, dans lequel la production agricole augmenterait de 25 % entre 2010 et 2030.

Au Sahel, il est urgent d'accélérer le développement

Le Sahel, zone au climat historiquement difficile, subira probablement des conditions encore plus extrêmes sous l'effet des dérèglements climatiques, ce qui exercera une pression accrue sur la production alimentaire, de même que sur une population qui se déplace fréquemment à l'intérieur des frontières nationales et vers les pays voisins. Depuis 2016, une série de sécheresses a entraîné des pertes agricoles et amplifié l'insécurité alimentaire, et la hausse des prix de la nourriture depuis 2021 a aggravé la situation.

The World Bank
Photo : Vincent Tremeau/Banque mondiale.

Le Sahel est déjà l'un des points du globe les plus exposés au changement climatique. S'il devient plus sec et plus chaud à l'avenir, les modifications des régimes pluviométriques compromettraient les rendements des cultures pluviales, l'ampleur des pertes augmentant avec le temps. C'est ce que souligne le CCDR consacré au Sahel. D'ici 2050, les revenus agricoles pourraient chuter de 5 à 10 % et les chocs climatiques risquent de faire basculer 13,5 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté.

Même en l'absence de changement climatique, il sera difficile de réduire la pauvreté si la croissance économique de la région reste faible alors que la croissance démographique se poursuit à un rythme rapide. L'accélération du développement est donc une priorité impérieuse. Comme l’observe le rapport, « une croissance rapide, résiliente et inclusive est à la fois la meilleure forme d'adaptation au changement climatique et la meilleure stratégie pour atteindre les objectifs de développement de manière efficace, durable et productive. Un pays qui rend son agriculture résiliente et diversifie son économie sera mieux préparé pour faire face aux chocs climatiques. »

Une croissance rapide, résiliente et inclusive est à la fois la meilleure forme d'adaptation au changement climatique et la meilleure stratégie pour atteindre les objectifs de développement de manière efficace, durable et productive. Un pays qui rend son agriculture résiliente et diversifie son économie sera mieux préparé pour faire face aux chocs climatiques.
Extrait du Rapport national sur le climat et le développement au Sahel

L’eau : tirer le meilleur parti d'une ressource vitale

Pour le Viet Nam comme pour le Sahel, une grande partie de la solution commence par l'approvisionnement en eau douce et la gestion hydrique : pour le premier pays, en tirant le meilleur parti d'une ressource autrefois abondante, et pour le second, en s'adaptant à une pénurie qui s'accentue.

Le projet intégré d’appui à la résilience climatique et aux moyens de subsistance dans le delta du Mékong (a), financé par la Banque mondiale, a aidé 1,2 million d'agriculteurs à s'adapter à l'évolution des conditions climatiques. Les cultivateurs des provinces côtières ont appris des techniques pour s'adapter à la salinisation. Ils produisent du riz et des crevettes dans les mêmes champs : ils cultivent du riz pendant la saison humide, lorsque l'eau douce est disponible, et élèvent des crevettes pendant la saison sèche quand l'eau devient plus salée. 

Un nouveau plan directeur régional donne la priorité à l'adaptation et prône une approche intégrée du développement à l'échelle du delta. La combinaison d'infrastructures matérielles et de solutions naturelles permettrait de retenir les eaux de crue dans la partie supérieure du delta pendant la saison des pluies et de les libérer pendant la saison sèche, lorsque l'eau douce peut recharger les nappes phréatiques dans la plaine inondable et contribuer à contrebalancer l'intrusion d'eau salée. Parmi les autres actions clés figurent la protection et la restauration des mangroves qui forment des barrières contre les tempêtes, et le renforcement des écosystèmes des rivières et des zones côtières, tout en veillant à assurer des moyens de subsistance aux populations riveraines.

Le CCDR du Viet Nam recommande également d'encourager les cultures moins émettrices de gaz à effet de serre que la riziculture traditionnelle, ainsi que l'adoption de pratiques plus efficaces de gestion de l'eau, comme l'alternance de l'irrigation et de l'assèchement des rizières qui permet non seulement d'économiser l'eau, mais aussi de réduire les émissions potentielles de méthane.

Au Sahel, les gouvernements devraient intensifier les programmes d'adaptation d'ici 2030, soit plus précisément en investissant dans les réserves stratégiques de céréales, en améliorant le suivi vétérinaire du bétail, en renforçant l'agroforesterie et en généralisant les bonnes pratiques d'irrigation et de récupération de l'eau. D'après le CCDR, il serait aussi utile d'étendre le réseau d'irrigation, dès aujourd'hui et pour demain.

Il est primordial de renforcer la résilience de la population. Pour aider les personnes à faire face aux conséquences des dérèglements climatiques, notamment en cas de sécheresse, le gouvernement du Niger a commencé en 2021 à verser chaque mois des transferts monétaires à 15 400 ménages. En effet, agir rapidement pour faire face à une catastrophe potentielle aura des retombées positives considérables, surtout en évitant aux ménages de devoir prendre des décisions extrêmes pour survivre, comme retirer les enfants de l'école, réduire le nombre de repas ou vendre des actifs productifs. Pour constituer des stocks de nourriture, des milliers d'agriculteurs nigériens ont reçu des semences résistantes à la sécheresse, des aliments pour le bétail, des engrais et une assistance sur les techniques agricoles à même de stimuler la productivité, et ce dans le cadre du projet d'actions communautaires pour la résilience climatique (a) et du projet d'appui à l'agriculture climato-intelligente (a).

Si le besoin de sécurité alimentaire est mondial, tous les pays ne seront pas affectés de la même façon et il n’y aura pas de solution passe-partout. Néanmoins, celles mises en œuvre au Sahel et au Viet Nam peuvent servir d'exemples à d'autres pays qui subissent les impacts de l'évolution du climat. Le Plan d'action du Groupe de la Banque mondiale sur le changement climatique 2021-2025 renforce le soutien à l'agriculture climato-intelligente, y compris les solutions fondées sur la nature quand cela est possible. La lutte contre les pertes et les gaspillages alimentaires sera au nombre des actions menées dans ce cadre, de même que l'aide apportée aux pays pour gérer les risques d'inondation et de sécheresse. L'objectif du plan d'action est triple : accroître la productivité, réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer la résilience. 

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