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ARTICLE01 septembre 2022

Tout ce que vous devez savoir sur le changement climatique et la pollution atmosphérique

Enjeux climatiques : décryptage

#ShowYourStripes graphic by Professor Ed Hawkins (University of Reading) https://showyourstripes.info/

Quel est le lien entre pollution atmosphérique et changement climatique ? Nous avons demandé à Yewande Awe, ingénieure en environnement à la Banque mondiale, de nous expliquer pourquoi il est essentiel de combattre la pollution de l'air pour relever le défi climatique.

Quelle est l'ampleur du problème de la pollution atmosphérique dans le monde ?

La pollution de l'air est la première cause environnementale de maladie et de décès prématurés à l'échelle mondiale. Les particules de poussière ou aérosols, également appelées particules fines ou PM2.5, sont responsables de 6,4 millions de décès chaque année, causés par des maladies telles que les cardiopathies ischémiques, les accidents vasculaires cérébraux, le cancer du poumon, les maladies pulmonaires obstructives chroniques, la pneumonie, le diabète de type 2 et les troubles néonatals. Environ 95 % de ces décès surviennent dans les pays en développement, où des milliards de personnes sont exposées à des concentrations de PM2,5, à l'extérieur comme à l'intérieur, qui sont plusieurs fois supérieures aux recommandations établies par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Selon un rapport de la Banque mondiale (a), le coût des conséquences sanitaires de la pollution atmosphérique est estimé à 8 100 milliards de dollars par an, soit 6,1 % du PIB mondial.

Les pauvres, les personnes âgées et les jeunes enfants issus de familles démunies sont les plus touchés, et ont moins de chances de résister aux effets de la pollution atmosphérique sur la santé. En outre, les crises sanitaires mondiales telles que la pandémie de COVID-19 fragilisent la résilience des sociétés. Et l'exposition à la pollution de l'air est corrélée à un nombre accru d’hospitalisations et de décès dus à la COVID (a). Enfin, au-delà de la santé, cette pollution est également liée à la perte de biodiversité et d'écosystèmes (a) et elle a des effets préjudiciables sur le capital humain (a). En revanche, réduire la pollution atmosphérique n'améliore pas seulement la santé, cela renforce aussi les économies. Ainsi, une étude récente de la Banque mondiale a révélé qu'une diminution de 20 % de la concentration de PM2,5 est associée à une augmentation de 16 % du taux de croissance de l'emploi et de 33 % de celui de la productivité du travail (a).

Selon un rapport de la Banque mondiale (a), le coût des conséquences sanitaires de la pollution atmosphérique est estimé à 8 100 milliards de dollars par an, soit 6,1 % du PIB mondial.

 

Quel est le lien entre pollution atmosphérique et changement climatique ?

La pollution atmosphérique et le changement climatique sont deux facettes d'un même problème. Ils sont le plus souvent traités séparément alors qu’ils devraient être traités ensemble en mettant l'accent sur la protection de la santé des populations — en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire — afin de renforcer le capital humain et de réduire la pauvreté.

Les polluants atmosphériques et les gaz à effet de serre proviennent souvent des mêmes sources, comme les centrales au charbon et les véhicules à moteur diesel. Certains polluants ne restent pas longtemps dans l'environnement, notamment le noir de carbone qui fait partie des particules fines (PM2,5). Parmi les autres polluants climatiques à courte durée de vie (SLCP, selon l'acronyme anglais) figurent le méthane, les hydrofluorocarbones et l'ozone troposphérique, et ce sont tous des facteurs de réchauffement climatique bien plus puissants que le dioxyde de carbone. Le méthane est un précurseur de l'ozone troposphérique qui, selon la Coalition pour le climat et l'air pur et l'Institut de l'environnement de Stockholm, tue environ un million de personnes chaque année et sa capacité de réchauffement de la planète sur une période de 20 ans est 80 fois plus puissante que celle du dioxyde de carbone. Leur durée de vie relativement courte, associée à leur fort potentiel de réchauffement, signifie que les interventions visant à réduire les émissions de SLCP peuvent avoir des effets bénéfiques sur le climat dans un délai relativement court. Donc, si nous nous attaquons à ce type de polluants, nous en tirons un double avantage : une meilleure qualité de l'air et une meilleure santé là où nous vivons, et l'atténuation du changement climatique à l'échelle mondiale.

Selon une étude de la Banque mondiale, les particules fines issues de la combustion de produits d'origine fossile (a), comme la combustion du charbon ou les émissions des véhicules à moteur diesel, font partie des types de PM2,5 les plus toxiques. Elles sont plus nocives pour la santé que celles provenant de la plupart des autres sources de pollution de l'air. S'attaquer à ces sources de PM2,5 — combustion du charbon et circulation automobile — revient donc à combattre la pollution atmosphérique la plus dangereuse. Par ailleurs, étant donné que ces sources sont également des facteurs clés du réchauffement de la planète, la lutte contre la pollution de l'air qu'elles provoquent atténue également le changement climatique. 

La pollution atmosphérique et le changement climatique sont deux facettes d'un même problème. Ils sont le plus souvent traités séparément alors qu’ils devraient être traités ensemble en mettant l'accent sur la protection de la santé des populations — en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire — afin de renforcer le capital humain et de réduire la pauvreté.

 

Que faudrait-il faire pour lutter efficacement contre la pollution atmosphérique ?

  • La mesurer et la surveiller. Nombre de pays en développement ne disposent même pas d'infrastructures rudimentaires pour mesurer la pollution de l'air. Une étude de la Banque mondiale a révélé qu'il n'y avait qu'un seul appareil de mesure des PM2,5 au niveau du sol pour 65 millions de personnes dans les pays à faible revenu (a) et un pour 28 millions d'habitants en Afrique subsaharienne. En revanche, il y a un appareil pour 370 000 personnes dans les pays à revenu élevé. C'est un problème de taille, car on ne peut pas gérer correctement ce que l'on ne mesure pas. Si vous ne connaissez pas la gravité du problème, vous ne saurez pas si ce que vous faites pour le résoudre est efficace. Les pays doivent mettre en place des réseaux de surveillance au niveau du sol, les utiliser et les entretenir correctement pour qu'ils fournissent des données fiables sur la qualité de l'air.
  • Connaître les principales sources de pollution et leurs incidences sur la qualité de l'air. Par exemple, les transports peuvent être la principale source de pollution dans une ville donnée, mais, dans une autre, la situation pourra être totalement différente, avec une pollution extérieure essentiellement due aux émissions provenant de combustibles polluants utilisés à l’intérieur pour cuisiner. Grâce à ces informations, vous pouvez cibler les interventions appropriées pour réduire la pollution atmosphérique. Il existe certes des mesures intuitives, dites « sans regret », que les villes et les pays peuvent prendre pour lutter contre la pollution atmosphérique, comme opter pour des bus propres ou des énergies renouvelables. Néanmoins, si vous voulez combattre la pollution atmosphérique de manière plus exhaustive et précise, vous devez savoir quelles en sont les sources spécifiques localement.
  • Communiquer au public les données sur la qualité de l'air. Les gens ont le droit de connaître la qualité de l'air qu'ils respirent et la diffusion de ces informations exerce une pression sur ceux qui peuvent apporter les changements nécessaires. Les données sur la qualité de l'air doivent être facilement accessibles dans des supports facilement compréhensibles afin que les populations puissent réduire leur exposition à la pollution atmosphérique et protéger les groupes vulnérables tels que les jeunes enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant de problèmes de santé qui peuvent être aggravés par une mauvaise qualité de l'air.

Quelles dispositions peuvent prendre les pays pour réduire la pollution de l'air ?

La réduction de la pollution atmosphérique peut nécessiter des investissements matériels ou des réformes politiques, voire les deux. Toutes les interventions ne sont pas adaptées à tous les contextes. Il faut donc choisir celles dont les avantages — notamment l'amélioration de la santé — l'emportent sur les coûts. À la Banque mondiale, une partie de notre travail consiste à intégrer les l'aspect changement climatique dans nos analyses, afin de prendre en compte les bénéfices climatiques d'une meilleure qualité de l'air dans le processus de décision. Voici quelques exemples d'interventions visant à améliorer la qualité de l'air dans différents secteurs :

  • Énergie : modifier le bouquet énergétique pour y inclure des sources plus propres et renouvelables, et supprimer progressivement les subventions qui favorisent l'utilisation de carburants polluants.
  • Industrie : utiliser des combustibles renouvelables, adopter des méthodes de production plus propres et installer des épurateurs et des précipitateurs électrostatiques sur les sites industriels pour filtrer les particules provenant des émissions avant qu'elles soient rejetées dans l'air.
  • Transports : passer du diesel aux véhicules électriques, installer des convertisseurs catalytiques dans les véhicules pour réduire la toxicité des émissions, mettre en place des programmes d'inspection et d'entretien des véhicules.
  • Agriculture : décourager l'utilisation d'engrais à base d'azote, renforcer l'efficacité de l'usage de l'azote sur les terres agricoles et améliorer la gestion des engrais et du fumier. Les engrais à base d'azote libèrent de l'ammoniac, un précurseur de la formation de PM2,5 secondaires. Ils peuvent aussi s'oxyder et être rejetés dans l'atmosphère sous forme d'oxyde nitreux, un gaz à effet de serre à longue durée de vie.
  • Chauffage et cuisson : promouvoir des solutions de cuisson et de chauffage non polluantes (fourneaux et chaudières propres).

Que fait la Banque mondiale pour aider les pays ?

La Banque mondiale a investi environ 52 milliards de dollars dans la lutte contre la pollution au cours des vingt dernières années. Cependant, nous devons intensifier notre effort. Voici un aperçu de nos projets :

En Chine (a), nous avons soutenu un programme déployé dans le Hebei (a), la province qui génère le plus de pollution atmosphérique dans le pays. Au total, il a permis de réduire de près de 40 % la concentration de PM2,5 dans l'atmosphère entre 2013 et fin 2017. Ce programme conditionnait le versement des prêts à l'obtention de résultats tangibles. La province du Hebei a promulgué les normes relatives aux émissions industrielles les plus strictes du pays, remplacé les bus diesel par des véhicules électriques, les poêles à charbon par des poêles à gaz, et elle a amélioré l'efficacité de l'usage des engrais dans l'agriculture. Le programme a également porté sur l’utilisation d’un système de contrôle continu des émissions qui permet effectivement de suivre et faire respecter les normes par toutes les grandes entreprises industrielles de la province. Il a permis de faire baisser les émissions d'environ 5 millions de tonnes d'équivalent CO2 par an grâce à des mesures telles que l'installation de nouveaux poêles dans les communes et l'ajout d'une nouvelle flotte de bus à énergie propre. Les réductions d'émissions générées par la seule installation de 1 221 500 nouveaux poêles étaient équivalentes au retrait de plus de 860 000 voitures particulières de la circulation chaque année.

Au Pérou (a), la Banque mondiale soutient un projet de développement de systèmes d'information sur l'environnement qui prévoit d'étendre le réseau de surveillance de la qualité de l'air du pays à six nouvelles villes. Le projet met également en place de nouveaux systèmes pour diffuser des informations sur la qualité environnementale auprès du public.

En Égypte (a), nous avons évalué les effets de la pollution environnementale sur la santé, notamment les effets de la contamination de l'air ambiant du Grand Caire. Nous avons constaté 19 200 décès prématurés, ainsi que plus de 3 milliards de journées perdues pour cause de maladie en Égypte en 2017, en raison de la pollution de l'air par les PM2,5 dans le Grand Caire et de l'insuffisance de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène dans tout le pays. Ce travail d'analyse a débouché sur un projet (a) visant à réduire les émissions des véhicules, à améliorer la gestion des déchets solides et à renforcer le système décisionnel en matière de qualité de l'air et de climat dans le Grand Caire.

Au Viet Nam, nous travaillons avec la ville de Hanoi, qui connaît une croissance rapide, pour lutter simultanément contre les problèmes de changement climatique et de pollution de l'air. Nous aidons le ministère de l'Environnement et des Ressources naturelles à améliorer le réseau de surveillance de la qualité de l'air et à mieux cerner les sources d'émissions, ainsi qu'à élaborer un plan de gestion de la qualité de l'air.

En RDP lao (a), le programme de la Banque mondiale a aidé le gouvernement à établir des normes strictes en matière de qualité de l'air ambiant, notamment pour les concentrations moyennes annuelles de PM2,5, conformément aux lignes directrices de l’OMS sur la qualité de l'air. Ce programme a également favorisé l'adoption de procédures réglementées pour l'échantillonnage et l'analyse des PM2,5 et PM10 dans l'air, ainsi que d'autres polluants dans l'eau.

À la Banque mondiale, une partie de notre travail consiste à intégrer les l'aspect changement climatique dans nos analyses, afin de prendre en compte les bénéfices climatiques d'une meilleure qualité de l'air dans le processus de décision. 

 

Peut-on s'attendre à une meilleure qualité de l'air à l'avenir, au fur et à mesure que les pays décarbonent leur économie ?

Avant tout, nous devons continuer à réduire la pauvreté et à répondre aux besoins des populations pauvres, que ce soit en abaissant les coûts de l'énergie, en garantissant un air plus pur ou par d'autres moyens. En gardant ces objectifs à l'esprit, nous devons combattre simultanément la pollution de l'air et le changement climatique plutôt que séparément, en mettant l'accent sur la protection de la santé des populations dès aujourd'hui, en particulier dans les pays en développement. Les bienfaits pour la santé de la réduction des émissions dues à la combustion de combustibles fossiles peuvent se manifester rapidement. Cependant, il faudra davantage de temps pour abaisser les concentrations de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Si les efforts de décarbonation portent également sur les polluants autres que le CO2, notamment les PM2,5, nous pouvons espérer non seulement une meilleure qualité de l'air, mais aussi des bénéfices pour la santé à court terme.

Nous devons combattre simultanément la pollution de l'air et le changement climatique plutôt que séparément, en mettant l'accent sur la protection de la santé des populations dès aujourd'hui, en particulier dans les pays en développement.
 

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