Skip to Main Navigation
ARTICLE 27 octobre 2020

Maroc : Pour un système éducatif performant au sortir de la COVID-19

Image

Le renforcement du capital humain au Maroc constitue un levier puissant pour stimuler la croissance économique, créer des emplois et générer des gains de compétitivité. Selon des estimations de 2018, la richesse par habitant du pays reposait à 41 % sur le capital humain, un chiffre bien inférieur à celui de pays ayant un niveau de développement comparable.

La Banque mondiale vient d’actualiser son indice de capital humain (ICH), offrant aux pays l’occasion de dresser un bilan de leurs avancées dans ce domaine. Même si les données du nouvel indice ne reflètent pas les effets immédiats de la pandémie de COVID-19 sur le capital humain, on peut supposer sans difficulté qu'ils se ressentiront sur certaines de ses composantes fondamentales, comme l’éducation.

En prenant cet indice comme référence, des pays comme le Maroc pourront mesurer l’impact de la pandémie sur le développement de leur capital humain et exploiter ces informations pour définir les mesures les plus appropriées pour protéger les élèves et à investir dans leur éducation tout au long de cette crise et au-delà.

Les dernières estimations de l’indice de capital humain font état d’une augmentation de 5 % en moyenne des performances entre 2010 et 2020 à l’échelle mondiale. Pour le Maroc, cette progression atteint même 6 %, à la faveur principalement des avancées réalisées dans l’éducation (voir figure). Les résultats obtenus sur le plan des apprentissages constituent un facteur essentiel du capital humain et l’un des meilleurs indicateurs pour prédire les trajectoires de croissance durable et de réduction de la pauvreté d’un pays. La progression du Maroc est donc encourageante, même si d’importants défis persistent sur le plan de la qualité de l’éducation, de l’équité et de la gestion globale du secteur.


Image

Figure : Évolution de l’indice de capital humain du Maroc entre 2010 et 2020


Avant même la crise sanitaire, le Maroc peinait à maintenir le cap en direction du 4e Objectif de Développement Durable (ODD): assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. En 2019, 66 % des enfants marocains âgés de 10 ans n’étaient pas capables de lire et comprendre un texte simple, soit un pourcentage inférieur de 2,5 points à la moyenne régionale du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et de 10,7 points à la moyenne des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.

Un an plus tôt, en 2018, les années de scolarité des élèves marocains corrigées en fonction des acquis étaient estimées à 6,2 années. Autrement dit, en procédant à un ajustement du nombre d’années effectives de scolarisation par rapport au volume des acquis, on constate que la durée effective de la scolarité au Maroc était en moyenne inférieure de 4,4 ans au nombre d’années réelles. Ces chiffres reflètent la crise des apprentissages que traverse le pays, tout comme plusieurs autres pays dans le monde, et l’urgence de résorber les lacunes du système éducatif, afin d’équiper chaque élève des compétences fondamentales nécessaires pour s’insérer à l’âge adulte dans la société et l’économie marocaines.

Le gouvernement s’est engagé à mener des réformes dans ce sens, dans le cadre de sa Vision stratégique pour l’éducation 2015-2030. Pour s’attaquer à la complexité des réformes à engager, le Maroc a par ailleurs adopté en 2019 la loi-cadre 51.17 dans laquelle l’apprentissage occupe une place centrale et qui prend en compte à la fois les causes immédiates et plus profondes de la crise des apprentissages. Un prêt de 500 millions de dollars de la Banque mondiale (le programme d’appui au secteur de l’éducation au Maroc) vient accompagner les efforts des autorités en s’attachant plus particulièrement à améliorer les acquis scolaires et la gouvernance du secteur.

Mais la crise du coronavirus menace aujourd’hui de fragiliser les avancées du Maroc en matière d’éducation. Les mesures de confinement, qui ont notamment conduit à la fermeture des établissements scolaires, ont entraîné la perte d’au moins trois mois d’apprentissage chez environ 900 000 enfants d’âge préscolaire, huit millions d’élèves du primaire et du secondaire, et un million d’étudiants du supérieur.

Des simulations effectuées par la Banque mondiale mettent en évidence les répercussions plus larges de cette situation sur la croissance et la réduction de la pauvreté. Dans un rapport consacré aux effets de la pandémie sur les résultats en matière d’apprentissage et de scolarité, la Banque mondiale montre que, faute de mesures appropriées pour compenser le recul des acquis, les trois mois de fermeture des écoles et les coups portés à l’économie, l’apprentissage effectif d’un élève pourrait diminuer de 6,2 à 5,9 ans et l’apprentissage annuel moyen par élève de 2 %.  

La fermeture des écoles touche de manière disproportionnée les élèves les plus vulnérables, en particulier ceux dépourvus du matériel numérique ou de la connexion internet nécessaires pour bénéficier d’un enseignement à distance. Le ministère de l’Éducation a pris des mesures rapides pour réduire au minimum les pertes d’apprentissage pendant la crise, mais les disparités d’accès à l’enseignement à distance risquent de creuser davantage les inégalités face à l’éducation.

Au-delà l'évolution de la pandémie

Dans un contexte de de contraintes budgétaires, le Maroc devra préserver les dépenses d’éducation pour limiter la transmission de la pauvreté d’une génération à l’autre. Pour ce faire, le pays pourrait continuer de mettre l’accent sur les objectifs de sa Vision 2015-2030 et tirer les leçons de la crise du coronavirus pour accélérer les réformes. En attendant, voici un aperçu des stratégies possibles :

Apprentissage en présentiel (si possible) : il est important de maintenir les écoles ouvertes, dans la mesure du possible et dans le respect de règles sanitaires strictes, afin de donner aux élèves les meilleures chances d’apprentissage et de combler les lacunes.

Prévenir le décrochage scolaire : pour lutter contre les risques de décrochage, il est indispensable de mener des campagnes de sensibilisation et étudier la possibilité de mettre en place des incitations aussi bien financières que non financières (des transferts monétaires, par exemple) ainsi que des cours de rattrapage.

Développement professionnelle des enseignants : le renforcement des capacités des enseignants est essentiel, à l’heure où ces derniers ne doivent pas seulement faire évoluer leurs pratiques pédagogiques pour sortir de la mémorisation mais aussi perfectionner leurs compétences numériques et s’adapter aux méthodes d’enseignement à distance.

Nouer des partenariats public-privé (PPP) plus solides afin d’améliorer l’accès à une éducation de qualité pour tous : même si, à ce jour, la portée de cet instrument reste modeste, le recours aux PPP s’est accéléré durant la période de clôture des écoles. Le ministère de l’éducation nationale s’est très vite associé aux fournisseurs de réseaux et autres professionnels pour renforcer les infrastructures digitales tout en modernisant les plateformes d’enseignement et de diffusion en ligne.. Cette initiative pourrait amorcer une tendance pour le devenir de l’éducation et apporter un second souffle à la réalisation des ODD.   

Adopter de nouvelles approches pour accélérer les réformes : certes, la crise menace l’éducation de millions de personnes, mais elle peut donner au secteur éducatif la possibilité de se réformer. Avec des interventions bien ciblées, privilégiant les enfants à risque, le pays pourrait accélérer l’atteinte de plusieurs objectifs tels que la généralisation de l’enseignement pré-primaire d’ici 2028 pour les enfants de 4 et 5 ans, la réduction de la pauvreté des apprentissages et le renforcement de la redevabilité le long de la chaîne de prestation de services éducatifs, en s’inspirant de méthodes innovantes, basées sur des données factuelles.

S’inscrire dans des alliances internationales stratégiques pour exploiter les possibilités de coopération en matière d’innovation et d’échange de bonnes pratiques : le Maroc pourrait tirer parti de l’expertise et de l’avantage comparatif des organisations internationales multilatérales et bilatérales en termes de connaissances mondiales.

Ces interventions sont essentielles pour protéger les futures générations d’élèves marocains de l’impact de la pandémie et au-delà. La crise grèvera certainement les ressources financières du pays, mais le Maroc doit impérativement maintenir la dynamique enclenchée, en continuant à investir dans le capital humain et à œuvrer en faveur d’un système éducatif résilient.



Api
Api