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ARTICLE 12 novembre 2019

La Banque mondiale lance une initiative pour s’attaquer aux défis du financement de l’éducation

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De gauche à droite: Jaime Saavedra, Global Director, Education, World Bank; Annette Dixon, Vice President, World Bank; María Antonieta Alva, Minister of Finance, Peru; Willy Bakonga Wilima, Minister of Education, DRC; Cyrille Pierre, Deputy Director General for Globalization, France; Barbara Bruns, Center for Global Development; Alice Albright, CEO, Global Partnership for Education; Benigno Lopez, Minister of Finance, Paraguay; David Coady, Deputy Division Chief, International Monetary Fund; Matthew Rycroft, Permant Secretary, UK Department for International Aid)

World Bank


Une nouvelle plateforme mondiale pour combler la fracture entre deux mondes

Une grande proportion d’enfants dans les pays en développement ne savent ni lire ni comprendre un texte simple à dix ans. L’annonce par la Banque mondiale d’un objectif ambitieux de réduction de cette « pauvreté des apprentissages » s’accompagne de la nécessité pour les pays concernés de trouver des financements supplémentaires et des solutions pour utiliser ces fonds de manière plus efficace, équitable et concrète. C’est dans ce but que la Banque a mis en place une plateforme mondiale qui permettra d’aider les gouvernements à renforcer leurs systèmes de financement de l’éducation et à améliorer, à terme, leurs performances sur le front des apprentissages. 

Des ministres et hauts responsables de dix pays étaient réunis le mois dernier, aux côtés des représentants de la Banque mondiale et d’institutions partenaires, à l’occasion du lancement de cette initiative. Au menu des discussions : les problèmes de financement de l’éducation, depuis les pénuries de moyens aux politiques budgétaires non viables en passant par le mauvais usage des ressources, et le rôle de la nouvelle plateforme pour les surmonter. Comme l’a rappelé Annette Dixon, vice-présidente de la Banque mondiale pour le développement humain, cette plateforme est l’aboutissement d’échanges avec les gouvernements autour des plans de soutien à l’apprentissage : « Les pays en développement doivent clairement augmenter leurs investissements et les rendre plus efficaces pour améliorer leurs performances sur le plan des acquis scolaires. »


« Notre plateforme pour le financement de l’éducation les aidera à déployer des plans de financement de manière à obtenir plus vite des résultats probants »
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Annette Dixon
Vice President, Human Development Practice Group, World Bank

Conçue en concertation avec le Fonds monétaire international (FMI), l’UNESCO, la Commission de l’éducation, le Partenariat mondial pour l’éducation (PME) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la plateforme proposera des outils, un corpus de données probantes et une assistance technique afin de garantir un financement adéquat des systèmes éducatifs et une utilisation équitable et judicieuse des ressources. Les ministères de l’Éducation et des Finances des pays à revenu faible et intermédiaire pourront solliciter l’aide d’experts, notamment en matière fiscale et de gestion financière.

« L'intérêt de cette plateforme est de rassembler les principaux acteurs concernés et d’instituer ainsi une approche plus intégrée du financement du développement au sein des pays », a expliqué David Coady, sous-directeur au Département des finances publiques du FMI. « Il s’agira de faire concorder les meilleures pratiques et la réalité sur le terrain. »

« S’agissant du niveau des dépenses d’éducation, on observe une véritable fracture entre deux mondes », a souligné Jaime Saavedra, directeur principal du pôle Éducation de la Banque mondiale. Malgré un doublement de leur niveau dans les pays à faible revenu depuis la fin des années 90, les dépenses consacrées à l’éducation n’atteignent que 200 dollars par enfant. Face aux 8 000 dollars d’investissement dans les pays à revenu élevé, le compte est loin d’y être. « Il faut certes que l’argent soit dépensé à bon escient, mais les écarts entre les pays sont énormes », a poursuivi M. Saavedra. Pour certains pays, l’aide au développement reste importante, mais la réduction de la pauvreté des apprentissages exige de mobiliser de nouvelles ressources domestiques et de mieux employer ces moyens.

En République démocratique du Congo, quatre millions d’enfants ne vont pas à l’école, le plus souvent parce que les familles ne peuvent pas payer les frais de scolarité. Le gouvernement a rendu l’éducation de base gratuite et augmenté les salaires des enseignants, mais « nous avons besoin de mesures budgétaires réalistes et durables » pour financer ces réformes, a indiqué Willy Bakonga Wilima, ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, l’un des panélistes.

Le Paraguay a constitué un fonds fiduciaire doté de 1 milliard de dollars, financé par les revenus de l’exploitation des ressources naturelles, afin de promouvoir l’excellence dans la recherche et l’éducation. Il planche par ailleurs sur une feuille de route ambitieuse pour financer la réforme de l’éducation. « Si nous sollicitons davantage les contribuables, il faut que cet argent soit investi dans l’amélioration du système éducatif », a expliqué dans un entretien Benigno Lopez, ministre des Finances du pays. D’où l’importance accordée aux données, aux évaluations et aux résultats.

Les systèmes éducatifs et de financement de l’éducation se heurtent à d’autres difficultés, comme l’absence de politiques budgétaires viables ou fondées sur des données probantes, la médiocrité des services dans les pays à faible revenu et les communautés pauvres ou encore l’utilisation inefficace des ressources, notamment faute de capacités. « Nous constatons que les outils mis à la disposition des acteurs de l’éducation sont loin d’être adaptés à l’ampleur des besoins », a déclaré Alice Albright, directrice générale du PME. « Nous devons chercher des solutions novatrices de financement. »

C’est là où la nouvelle plateforme entre en jeu. Elle sera articulée autour de quatre piliers : adapter les financements durables aux besoins ; améliorer l’efficacité, l’équité et la gestion financière ; accroître la redevabilité, grâce à des données et un suivi de meilleure qualité ; et renforcer les capacités et les connaissances. Au départ, les pays recevront une aide pour élaborer des stratégies crédibles de financement dans le but d’atteindre les objectifs nationaux d’éducation et faire reculer la pauvreté des apprentissages (le nouvel objectif de la Banque mondiale vise à réduire au moins de moitié d’ici 2030 la part des enfants ne sachant pas lire à dix ans). La plateforme permettra notamment d’évaluer les dépenses que chaque pays doit consentir pour définir une offre minimale de services adaptée à cet objectif. Elle proposera également des instruments pour renforcer les systèmes de financement de l’éducation.

Enfin, en contribuant à l’établissement de comptes nationaux d’éducation et la publication d’un rapport annuel sur le financement de l’éducation dans le monde, la plateforme promouvra des solutions efficaces pour suivre et collecter des données de qualité sur les dépenses d’éducation. Barbara Bruns, chercheur invité au Center for Global Development, a souligné l’importance de « données et d’éléments probants de meilleure qualité pour renforcer l’efficacité des financements », un constat qu’elle tire notamment de son expérience au Pérou, où elle s’est attachée à relever les résultats scolaires en procédant à une analyse des données, collectées au niveau local et des écoles, sur les élèves, les enseignants et les moyens financiers. « Avec ces bases, les gouvernements peuvent améliorer l’équité des financements, créer des incitations à la performance et évaluer la rentabilité des nouveaux programmes », a-t-elle rappelé. « Des dépenses plus judicieuses auront un impact plus net sur les apprentissages. »

Le Pérou illustre bien l’efficacité de réformes du financement de l’éducation telles que défendues par la nouvelle plateforme pour améliorer les acquis scolaires. Après avoir fortement augmenté les ressources consacrées à l’éducation et adopté une budgétisation axée sur les résultats, le pays a vu ses performances s’améliorer dans les évaluations internationales et nationales. Maria Antonieta Alva, la ministre des Finances, a imputé cette réussite à l’étroite concertation entre son ministère et celui de l’Éducation : « le ministère des Finances définit des programmes pour l’éducation en fonction des performances. Nous procédons aussi à des évaluations indépendantes et participons à la constitution de bases de données. »

Selon Cyrille Pierre, directeur général adjoint de la mondialisation au ministère français des Affaires étrangères, la nouvelle plateforme aidera les différentes parties prenantes à considérer le financement de l’éducation non plus comme une dépense, mais comme un « investissement ayant un impact à long terme », et elle contribuera à privilégier la qualité des services éducatifs, en plus de la quantité.

Matthew Rycroft, secrétaire permanent au ministère britannique du Développement international, a plaidé pour des réformes articulées autour de trois axes : garantir la mobilisation de moyens financiers à la hauteur des enjeux ; affecter les ressources en fonction des besoins de chaque pays ; et prendre en compte les éléments avérés : « le financement est un volet important de ce défi immense », a-t-il expliqué. Tout le problème est de savoir quelles seront les « solutions les moins coûteuses et les plus efficaces pour l’éducation ».


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