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La « fragilité » n'est pas qu'un problème de pays en guerre

10 février 2015


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Des enfants syriens dans le camp de réfugiés de Ketermaya à l’extérieur de Beyrouth, Liban

Dominic Chavez/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • Un millier d’experts sont réunis au Forum sur la fragilité, les conflits et la violence pour trois jours de réflexions et d’échanges.
  • Des experts extérieurs se joindront aux spécialistes du Groupe de la Banque mondiale pour se pencher notamment sur la situation des réfugiés et les violences urbaines.
  • Une meilleure prévention de la violence passe par des analyses plus fines et des partenariats stratégiques.

L’année 2013 a battu un triste record : celui du nombre de personnes déplacées dans le monde. Cinquante millions de personnes (a) ont dû fuir leur foyer, un chiffre sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.

Cette situation dramatique sera au premier plan d’un forum organisé par la Banque mondiale à Washington et consacré aux enjeux de la fragilité, des conflits et de la violence (a). Du 11 au 13 février, un millier d’experts et de dirigeants gouvernementaux et politiques se pencheront sur les multiples aspects de cette problématique. Ils débattront en particulier du cas de la crise Ebola, de la place des jeunes et de la nécessité de redéfinir la fragilité, trois sujets qui donneront lieu à des événements retransmis en direct sur le Web.

On a pendant longtemps associé les problèmes de conflit, de violence et de fragilité à un défaut de développement économique, et envisagé ces périls en les limitant aux pays pauvres sortant d’une guerre civile. Or même les pays riches peuvent être le théâtre de conflits considérables.

En 2011, le Groupe de la Banque mondiale consacrait son Rapport sur le développement dans le monde au thème « Conflits, sécurité et développement », avec un message fondamental : « il est crucial de renforcer la gouvernance et les institutions légitimes pour assurer la sécurité des citoyens, la justice et l’emploi et rompre ainsi l’enchaînement des cycles de violence ». Une recommandation qui a marqué un tournant majeur dans son approche de la fragilité.

Le panorama des conflits et des violences dans le monde a continué d’évoluer depuis, avec l’apparition de nouvelles formes de fragilité : fragmentation des États à la suite des Printemps arabes, émergence de nationalismes ethniques, conflits internes au sein des nouveaux pays à revenu intermédiaire, déchaînement de cycles récurrents de violence urbaine alimentés par des traumatismes psychologiques, ou encore liaisons dangereuses entre, d’une part, le crime organisé et le trafic de drogue, et, d’autre part, les guerres civiles.

Les experts estiment qu’il est indispensable aujourd’hui de repenser la nature de la fragilité pour parvenir à y remédier plus efficacement.

« Comme la nature de la guerre évolue, nous devons faire preuve d’innovation », affirme Betty Bigome (a), directrice principale du pôle de travail de la Banque mondiale axé sur la fragilité, les conflits et la violence.



« La nature de la guerre évolue, nous devons faire preuve d’innovation  »

Betty Bigombe

directrice principale du pôle de travail de la Banque mondiale axé sur la fragilité, les conflits et la violence.


Selon cette ancienne ministre ougandaise, le Groupe de la Banque mondiale doit être mieux armé pour identifier les problèmes potentiels. Et d’ajouter : « Qu’il s’agisse des relations avec les gouvernements ou avec les partenaires de développement, il est important d’aborder ces questions sans détours ».

Betty Bigome souligne du reste que le Groupe de la Banque mondiale s’emploie à mieux conjuguer et coordonner les efforts déployés dans le champ politique et en matière de développement en collaborant avec plusieurs autres organisations (Nations Unies, Commission de l’Union africaine, Banque africaine de développement, Union européenne et Banque islamique de développement).

L’institution a déjà progressé sur le plan du déploiement de ses activités dans les zones dangereuses, indique Alexandre Marc, spécialiste en chef de la Banque mondiale pour les questions de fragilité, de conflit et de violence, tout en soulignant qu’il lui faut œuvrer davantage à l’intégration et la transposition des connaissances sur les facteurs de fragilité dans la conception et la mise en œuvre de ses projets.

« En République centrafricaine, explique-t-il, la Banque a été en mesure de financer le paiement des salaires des fonctionnaires dans le sillage immédiat de la signature d’un accord politique, ce qui a permis de renforcer la légitimité du nouveau gouvernement et contribué à instaurer un semblant de stabilité dans la capitale. »

Le Forum rassemble des spécialistes du Groupe de la Banque mondiale issus de ses divers pôles de « Pratiques mondiales » (agriculture, santé et gouvernance, notamment), l’objectif étant de mettre en commun de multiples connaissances et expériences. Il est composé d’une cinquantaine de sessions propices à la réflexion mais aussi à l’établissement de contacts, et comprend notamment deux mini-conférences, quatre ateliers, trois séminaires et une foire aux savoirs pour la lutte contre les violences interpersonnelles.

Mais cette manifestation vise aussi à intégrer les perspectives venues d’ailleurs. Parmi les quelque 300 participants extérieurs figurent notamment le Premier ministre de Côte d’Ivoire, d’anciens dirigeants finlandais et libyens, et le maire de Cali, en Colombie, ainsi que des hauts fonctionnaires gouvernementaux, des représentants des organismes publics de développement français, suédois et britannique, et des chercheurs. Plusieurs sessions ont d’ailleurs été organisées en partenariat avec des organisations extérieures, dont le Club de Madrid, le Forum des Grands Lacs, Oxfam Novib (Pays-Bas) et l’Agence française de développement (AFD).

 


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