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Les semences de l’espoir

20 octobre 2014


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Talla Ndiaye, un fermier du village de Nguick, a fait l’expérience de mauvaises récoltes suite au manque de pluie. Il s’est rendu à l'unité de traitement des semences de la coopérative Tool Baye à Kaolack pour s'approvisionner en nouvelles semences 


LES POINTS MARQUANTS
  • La faible pluviométrie pendant la saison des semences a entraîné d’énormes pertes pour les fermiers sénégalais vivant dans la région de Kaolack, au sud-est de Dakar
  • Un plan d’urgence du Programme de Productivité Agricole en Afrique de l'Ouest fournit aux producteurs près de 2 000 tonnes de semences certifiées de maïs, mil et sorgho afin de combler ces pertes
  • Ces semences subventionnées ont un haut rendement et sont plus résistantes au stress hydrique

KAOLACK, le 20 octobre 2014 ̶  Des tourbillons de poussière valsent à travers les champs rabougris de maïs, d’arachide et de mil à la périphérie de Kaolack et Kaffrine, villes situées à environ 200 km de Dakar, la capitale du Sénégal. En pleine saison des pluies, ce spectacle est pourtant désolant. On frise même la catastrophe…

En des circonstances normales, les fortes pluies de juillet et août auraient permis l’éclosion de jeunes pousses, promettant aux agriculteurs une bonne récolte pour les mois d'automne. Cette année, cependant, la pluie fut si légère que si les fermiers ont été en mesure de semer leurs semences, ils ont vu peu après leurs cultures dépérir.



« Ce sont des subventions exceptionnelles pour une situation exceptionnelle. Le PPAAO/WAAPP mènera une mission de suivi pour vérifier que les bénéficiaires ont utilisé les semences pour ressemer leurs champs et ne se sont pas contentés de les revendre à un prix supérieur sur le marché local  »

Aifa Fatimata Ndoye Niane

Coordonnateur du programme PPAAO pour le Sénégal

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Les champs rabougris de maïs, d’arachide et de mil à la périphérie de Kaolack et Kaffrine sont le fait d’une saison des pluies tardive.  


« J'ai semé cinq hectares d'arachide et quatre hectares de mil trois fois depuis le mois de mai. Je n'ai réussi à sauver aucun hectare », déplore Talla Ndiaye, un producteur local du village de Nguick.

M. Ndiaye n'est pas le seul agriculteur à se tordre les mains de désespoir. C’est également le cas de  Ramata Niasse et Faty Penda Niasse. Dans l’espoir de sauver leurs récoltes, ces deux agricultrices se sont rendues à l'unité de traitement des semences de la coopérative Tool Baye à Kaolack pour s'approvisionner en nouvelles variétés de semences vendues à 100 fcfa le kilo au lieu de 300 à 500 fcfa, le prix observé sur les marchés locaux.

Pour tenter de pallier à cette situation difficile, le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l'Ouest (PPAAO/WAAPP), financé par la Banque mondiale et le Gouvernement du Sénégal, accorde des subventions ponctuelles sur la vente de 1713 tonnes de semences de maïs, 90 tonnes de mil et 122 tonnes de sorgho afin d'aider les petits producteurs sénégalais qui ont déjà perdu les premiers semis de  l’année.

Les semences certifiées mises à la disposition des producteurs proviennent du stock restant des récoltes de semences de l'année passée produites par le réseau des coopératives agricoles, conditionnées et stockées par le centre de conditionnement de la coopérative Tool Baye,(financés par le PPAAO/WAAPP). Ainsi, les semences sont certifiées et certaines font partie des sept nouvelles variétés améliorées, à haut rendement et résistantes au stress hydrique générées en 2013 par la recherche financée par le PPAAO/WAAPP.  Les variétés sont également semi-hâtives à hâtives, ce qui permet aux producteurs de commencer la récolte plus tôt. Elles sont cruciales pour les petits producteurs qui ont déjà perdu leurs semis et qui doivent repartir de zéro en pleine  saison des pluies.

« Je suis venue ici pour acheter des semences pour moi ainsi que pour le compte de mon village. Les semences vendues par la coopérative Tool Baye sont plus abordables et de meilleure qualité. Elles m’épargneront également du temps car que je n'ai ni à les trier ni à les décortiquer avant le semis », explique Ramata Niasse.

Taiba Niassen, le village de Ramata Niasse,  est l'un des 21 villages à bénéficier de cette opportunité. Dans le but de limiter les abus, le programme a établi des critères de ciblage des bénéficiaires et limite la quantité de semences vendue à un producteur ou un village.

« Ce sont des subventions exceptionnelles pour une situation exceptionnelle. Le PPAAO/WAAPP mènera une mission de suivi pour vérifier que les bénéficiaires ont utilisé les semences pour ressemer leurs champs et ne se sont pas contentés de les revendre à un prix supérieur sur le marché local », précise Mour Guèye, le coordonnateur du programme PPAAO pour le Sénégal.

Lancé en 2007, l’objectif du PPAAO/WAAPP est de générer et de diffuser à grande échelle des technologies agricoles améliorées pour accroître la productivité dans les 13 pays participants. Au Sénégal, le programme en est à sa deuxième phase et compte aujourd’hui plus de 193 000 bénéficiaires dont 19 % sont des femmes. Il a déjà dépassé la cible de 150 000 bénéficiaires fixée pour la fin décembre 2014.

Le programme a également généré au total 16 nouvelles technologies adoptées par près de 120 000 producteurs/transformateurs au Sénégal, et couvrant environ 110 000 hectares. Grâce au financement du PPAAO/WAAPP, le Centre National de Spécialisation en recherche sur les céréales sèches du Sénégal a financé 20 projets de recherche et est prêt à homologuer huit nouvelles variétés dont cinq variétés de niébé (haricot local), deux variétés d'arachide et une variété de sorgho. De même, à travers le programme compétitif de recherche et de développement  exécuté par le Fonds National de Recherche Agricole et Agro-alimentaire (FNRAA), le PPAAO/WAAPP a financé 29 projets, dont cinq pour la multiplication des semences certifiées, six pour la recherche adaptative et 18 pour la grande diffusion des technologies agricoles améliorées.

Selon Aifa Fatimata Ndoye Niane, économiste agricole à la Banque mondiale basée au Sénégal, ce programme d’urgence du PPAAO/WAAPP fournissant aux producteurs près de 2 000 tonnes de semences certifiées de mais, mil et sorgho « ne constitue pas  seulement un grand soutien pour les producteurs qui ont déjà perdu leur premier-troisième semis suite au déficit pluviométrique, mais aussi une opportunité pour les coopératives agricoles de vendre leur stock de semences certifiées restant, de payer leurs producteurs et de rembourser leur crédit bancaire ».

« Si des précipitations régulières reprennent et durent jusqu'en octobre, les agriculteurs peuvent s'attendre à un impact positif sur leur rendement et leur production », explique-t-elle avec optimisme. Avec de nouvelles semences de haute qualité à leur disposition, les agriculteurs sénégalais partagent son optimisme. Les yeux rivés vers les cieux, ils n’attendent désormais plus que la pluie… 



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