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Les enjeux de l’urbanisation rapide pour les élus et responsables

22 janvier 2013


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Panama City, capitale du Panama

 

Gerardo Pesantez/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • Les pays en développement connaissent une urbanisation rapide.
  • Les municipalités doivent agir vite pour planifier, connecter et financer des villes résilientes et durables.
  • Un nouveau rapport de la Banque mondiale présente un cadre destiné à accompagner ces efforts.

Les pays développés se sont, en général, urbanisés progressivement, sur une centaine d’années ou plus, à mesure que les emplois migraient de l’agriculture vers l’industrie. Ce rythme leur a laissé le loisir de tâtonner, essayer et se tromper dans les modèles et les politiques de croissance qu’ils ont appliqués et mis en œuvre. C’est un « luxe » que les pays en développement ne peuvent pas se permettre aujourd’hui : ils sont confrontés à une migration rapide qui, dans certains cas, fera passer la proportion des citadins de 20 % actuellement à plus de 60 % d’ici à peine 30 ans.

Face aux enjeux multiples de cette mutation, les autorités municipales sont en première ligne. Il leur faut, dès à présent, déterminer comment faire face à l’essor, déjà en cours, de la population urbaine — en matière de logements (abordables), de transport, d’emploi, d’infrastructure et d’accès aux services essentiels —, tout en limitant le plus possible l’impact de l’urbanisation sur l’environnement et en se préparant à l’accroissement des vulnérabilités résultant du changement climatique.

Les pouvoirs publics doivent réussir à maîtriser ce processus rapide d’urbanisation : c’est la condition d’une croissance résiliente et durable. Et il ne s’agit pas là seulement de planification urbaine ; la question financière est également partie intégrante du défi et, avec elle, la nécessité de trouver de nouveaux moyens de financement de l’infrastructure.

Voilà pourquoi la Banque mondiale vient de réaliser un rapport à l’intention des édiles intitulé Planning, Connecting and Financing Cities-Now: What City Leaders Need to Know (« Planifier, connecter et financer les villes aujourd’hui : ce que les municipalités doivent savoir »). Ce rapport, qui s’appuie sur des études de cas, définit un cadre pour la planification et le financement de la croissance urbaine. Son objectif est d’aider les responsables publics à repérer les obstacles à l’urbanisation et à trouver la combinaison de mesures la plus efficace sur le plan politique, technique et budgétaire, tant pour leur ville que pour le pays.

Comment créer des emplois et développer les services de base ? Comment améliorer les conditions de vie dans les quartiers et informels et dans les zones à risques ? Comment gérer la structure physique de la ville ? Ce sont autant d’interrogations pour lesquelles le rapport fournit des pistes de réponse.

Le cadre de développement urbain proposé dans ce rapport repose sur trois axes :

  • la planification : il s’agit de définir une trajectoire d’aménagement pour les villes, c’est-à-dire les modalités de l’urbanisation, en particulier les politiques d’aménagement urbain et d’expansion de l’infrastructure et des services publics de base.
  • la connectivité : il s’agit de rendre les marchés du travail, des produits et des services plus accessibles au niveau de toute une ville, ainsi qu’aux autres villes et aux marchés d’exportation.
  • le financement : il s’agit de trouver les capitaux de départ qui permettront d’investir dans l’infrastructure et les services à mesure que l’urbanisation prendra de l’ampleur.

Planification et connectivité

Selon les auteurs du rapport, la planification de l’aménagement du territoire et de la fourniture des services essentiels constitue le volet le plus crucial si l’on veut parvenir à une croissance urbaine efficiente, propre et solidaire, mais aussi se prémunir de modèles de développement non durables.

Le rapport se penche sur les politiques destinées à mettre en place les biens publics et l’infrastructure de base, ainsi qu’à définir clairement les droits de propriété et à déterminer la valeur du foncier de manière à faire correspondre l’offre et la demande. Il montre également la nécessité d’instaurer des règles pour encadrer l’intensité d’utilisation des sols et l’intégrer dans le développement de l’infrastructure (transports, en particulier).


« Les municipalités doivent commencer, à tous les niveaux, à déployer une politique d’aménagement bien pensée et résolument tournée vers l’avenir, afin de consolider leur tissu économique et de veiller à l’équité et à la durabilité, indique Somik Lall, économiste spécialiste des questions urbaines à la Banque mondiale et l’un des auteurs du rapport. La façon dont elles se préparent à une urbanisation rapide sera fondamentale non seulement pour leur propre devenir, mais aussi pour les progrès de l’économie dans le monde.  »

Somik Lall

économiste principal pour les questions urbaines, Banque mondiale

Une fois en place, l’infrastructure urbaine influera sur les possibilités futures d’aménagement de la ville. En intégrant les plans d’urbanisme et l’implantation de l’infrastructure, on peut également promouvoir l’inclusion et endiguer la formation et l’expansion des bidonvilles. Ainsi, en Tunisie, un programme national d’amélioration de l’habitat informel a ramené la proportion des taudis de 23 % en 1975 à 2 % en 1995. D’importants investissements des entreprises de service public dans les réseaux d’eau et d’égouts ont contribué au succès de ce programme.

Financement

Le coût initial de l’infrastructure sera toujours un problème pour les villes car les investissements requis pour construire les réseaux de transports publics ainsi que les systèmes de traitement des eaux et de gestion des déchets dépassent largement le budget de la plupart des municipalités.

Le rapport détaille trois grandes stratégies qui aideront les autorités municipales à financer leurs investissements dans l’infrastructure :

  • Privilégier et renforcer la solvabilité des municipalités. Cette solvabilité peut reposer sur les flux de trésorerie provenant des redevances et taxes payées par les utilisateurs et, si nécessaire, sur les recettes générées par des actifs à effet de levier. On peut aussi faire appel aux marchés des capitaux, soit en émettant des titres obligataires soit en empruntant auprès d’établissements ou d’intermédiaires financiers spécialisés.
  • Coordonner les financements publics et privés en fixant des règles claires et cohérentes. À condition d’obtenir une assurance suffisante quant à la fermeté des engagements pris, les partenariats public-privé peuvent permettre d’alléger la charge budgétaire liée aux projets d’amélioration de l’infrastructure.
  • Capitaliser sur les actifs existants pour financer de nouveaux actifs en tenant compte de la politique d’aménagement du territoire. Différentes solutions sont ici envisageables, notamment des taxes foncières et immobilières, des cessions de terrains ou des baux fonciers, des taxes d’aménagement, des taxes sur les plus-values foncières ou un financement par de nouvelles taxes foncières.

 

L’expérience de Lima, au Pérou, met ces évolutions en évidence. Lorsque la ville a voulu contracter un prêt pour développer son infrastructure, elle a commencé par recevoir une assistance technique financée par les bailleurs de fonds qui devait lui permettre de demander à une agence de notation de lui attribuer une note de crédit. Elle a ainsi pu emprunter 70 millions de dollars auprès d’une banque commerciale, et peut espérer un jour bénéficier de financements à long terme assortis d’un service de la dette raisonnable, afin de couvrir ses charges de fonctionnement, ce qui revêt une importance vitale. Ce prêt a été partiellement adossé à une garantie de 32 millions de dollars consentie par l’IFC.

Dans les pays en développement, de nombreuses municipalités n’ont pas accès à des emprunts à long terme faute de marchés locaux du crédit ou de transparence dans les transactions sur les obligations municipales. Les investisseurs privés peuvent contribuer à combler cette lacune, par exemple via des marchés de services, des contrats de gestion, des baux et la privatisation. Toutefois, selon les auteurs du rapport, à long terme, les autorités devront recourir aux recettes publiques, par exemple à des taxes foncières ou à des prélèvements analogues, et aux emprunts de longue durée si elles veulent financer la maintenance et l’extension de l’infrastructure publique.

Examens des modèles d’urbanisation

Les recommandations et les études de cas présentées dans ce rapport s’inspirent, en partie, d’une série d’examens des modèles d’urbanisation menés par la Banque mondiale. Ce rapport intègre donc les enseignements tirés des études conduites dans sept pays (Brésil, Chine, Colombie, Corée, Inde, Indonésie et Vietnam) sur différents aspects tels que la propriété foncière, l’offre de logements, les coûts du transport et la fourniture des services de base.

En favorisant la concentration de la population et de l’activité économique dans des zones restreintes, et en adoptant des politiques axées sur l’inclusion, la durabilité et la connectivité, les villes pourront transformer leur économie, faciliter les interactions sociales et économiques et créer un marché dynamique pour les idées, lesquelles seront transformées en innovations par les chefs d’entreprise et les investisseurs.


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