LOMÉ, 27 octobre 2010—L’économie togolaise a traversé des moments difficiles dont le plus important reste la période de suspension de l’assistance financière internationale. En effet, entre 1992 et 2007, la situation des principaux secteurs de l’économie s’est fortement détériorée. Avec la reprise de la coopération après les législatives de 2007 et le retour de l’assistance financière, de nombreux efforts ont été entrepris pour remettre l’économie en marche. C’est dans la poursuite de ces efforts que le gouvernement togolais a commandité une Etude Diagnostique pour l’Intégration du Commerce (EDIC), dont l’objectif est de passer en revue tous les secteurs clé de l’économie nationale, en vue d’identifier les principaux obstacles qui entravent la relance de la croissance économique au Togo et prendre les mesures qui s’imposent.
Intitulée : « Relancer les secteurs traditionnels et préparer l’avenir : Une stratégie de croissance tirée par les exportations », l’EDIC a été réalisée sous la conduite de la Banque mondiale, et sa validation par les principaux acteurs a eu lieu du 27 au 29 juillet 2010. Les principales conclusions du rapport sont résumées ci-après.
Améliorer le climat des affaires et développer les compétences adéquates
Si l’on considère le climat des affaires d’une façon générale, la position du Togo dans le classement du « Doing Business » n’a pas beaucoup évolué au cours des cinq dernières années. Les enquêtes menées montrent que l’accès au crédit constitue l’une des plus grandes difficultés du secteur privé et empêche le développement des entreprises. On note également des faiblesses liées à la corruption, la protection des investisseurs et la création d’entreprise. De plus, 60% des entreprises interrogées estiment que les tribunaux ne sont pas impartiaux ou libres de toute corruption. Le rapport indique que le Togo doit pouvoir tirer un meilleur parti de sa participation à l’OHADA pour appliquer plus efficacement le cadre règlementaire qu’offre l’institution en matière de commerce. Une attention accrue doit être également portée à la professionnalisation des tribunaux de commerce et sur l’application du droit commercial.
Il est indéniable que la contribution du secteur privé à la croissance économique est capitale. Cependant, les compétences disponibles sur le marché ne sont pas adaptées à la demande. Le rapport évoque la faible qualité de l’enseignement, le taux de chômage élevé et indique qu’il est important d’associer le secteur privé de façon plus efficace à la formation professionnelle. Ceci peut se faire à travers des stages en entreprises, la contribution du privé à la conception des programmes de formation post secondaire, et l’amélioration de la qualité des enseignements dispensés dans les institutions de formation privées.
Rénover les infrastructures et réduire les coûts
Abordant le chapitre des infrastructures, le rapport a fait un certain nombre de constats, dont voici les plus importants. Les tarifs d’électricité sont nettement supérieurs à la moyenne régionale, ce qui rend peu probable la compétitivité du Togo dans le secteur des industries manufacturières pour lesquelles l’électricité est un intrant important. Pour ce qui est de la communication (téléphone fixe, téléphone mobile, accès à l’internet), les coûts sont très élevés par rapport à d’autres pays de la sous-région où il y a une plus grande ouverture et où la concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile est accrue. Le réseau routier, quant à lui, nécessite de grands travaux de construction et de réhabilitation, et a besoin d’être efficacement entretenu. Le rapport relève l’importance du Port de Lomé et recommande des améliorations pour maintenir sa compétitivité. Avec la normalisation de la situation à Abidjan, et les réformes en cours au Ghana, un plus grand allègement des procédures, ainsi que leur intégration à la mise en place d’un guichet unique pour toutes les opérations d’import-export deviennent pressants.
Une stratégie commerciale cohérente pour concentrer les ressources sur les principales priorités
Sur le volet de la politique commerciale, le rapport montre une évolution radicale de la structure des exportations suite au déclin des secteurs du phosphate et du coton. Le ciment et le clinker sont ainsi devenus les principaux produits d’exportations (35 à 40% des exportations) et les exportations sont de plus en plus destinées aux pays de la CEDEAO (68 à 70% des exportations). Quant aux importations, elles ont moins évolué mais la position de la Chine comme pays d’origine s’est considérablement consolidée (de 3% des importations en 2000 à 16% en 2007). Il est noté que la politique commerciale est déterminée en grande partie par les accords régionaux, mais le rapport recommande de renforcer la contribution analytique au cours des négociations afin de mieux défendre les intérêts légitimes. Pour lever les contraintes liées au développement du commerce et à la politique commerciale (faible capacité technique, indisponibilité de données fiables en temps opportun, instabilité du cadre institutionnel), le rapport recommande une stratégie commerciale cohérente qui favoriserait la concentration des ressources sur les principales priorités. De plus, une approche rationnelle de la promotion des investissements et des exportations est également proposée pour éviter des discriminations au détriment des entreprises hors zone franche.
L’EDIC s’est également penchée sur la facilitation du commerce, le commerce de transit et de réexportation, et sur la zone franche togolaise. Elle note par exemple que les coûts et retards excessifs que l’on observe dans le commerce sont dus principalement à la non application des accords régionaux de transit, ainsi qu’aux retards et surcoûts occasionnés par les services de douane et d’escorte. De plus, la procédure de dédouanement comporte des étapes excessives et donne lieu à des paiements non officiels et injustifiées.
Grâce à sa position géographique et son port en eau profonde, le Togo fait office d’entrepôt pour les pays voisins. Le trafic d’import-export destiné à d’autres pays (transit et réexportation) apporte une valeur ajoutée estimée à 10% du PIB, la part la plus importante provenant de la réexportation des véhicules d’occasion.
Repositionner la zone franche et promouvoir les exportations à forte intensité de main-d’œuvre
A propos de la zone franche togolaise, on note que les 60 entreprises qui y sont installées ont une production totale évaluée à environ 300 millions de dollars en 2008, et les exportations au cours de la même année se sont chiffrées à 260 millions de dollars. Bien que sujette à des controverses de divers ordres (exploitation de la main-d’œuvre ; des entreprises qui ferment à la fin de la trêve fiscale, etc.), le rapport révèle que le salaire minimum est en général supérieur à celui du marché national et que le nombre d’emplois créés (plus de 9000 emplois à plein temps) représente une part importante de l’emploi dans le secteur privé moderne. Toutefois, un repositionnement de la zone franche est jugé nécessaire pour promouvoir les exportations à forte intensité de main-d’œuvre qui visent les marchés outre-mer. Le rapport souligne également l’importance d’un régime fiscal stable qui devrait rassurer les investisseurs.
Agriculture : un secteur pourvoyeur d’emplois et de revenus aux pauvres
Selon le rapport, l’agriculture demeure le secteur qui permet d’accroître directement les revenus des pauvres. Mais beaucoup reste à faire pour exploiter les opportunités et améliorer la compétitivité du Togo sur les produits d’exportation traditionnels que sont le coton, le café et le cacao. La filière coton mérite une attention prioritaire étant donné le nombre important de personnes pauvres qui s’y consacrent. Quant aux filières du café et du cacao, elles requièrent une nouvelle stratégie globale axée sur l’amélioration du rendement. Par ailleurs, si l’on met en valeur le potentiel de la production alimentaire (notamment en encourageant l’exportation vers la sous-région des produits vivriers dont la demande locale est déjà suffisamment satisfaite), la croissance économique et la création de revenus devraient augmenter de façon substantielle. Mais il est important de s’efforcer à résoudre certains problèmes transversaux pour tirer le meilleur des potentialités agricoles du pays. Il s’agit notamment de la réforme foncière, de l’aménagement de pistes rurales, des systèmes d’informations du marché, de la modernisation des services de recherche et de vulgarisation, etc..
Les sources potentielles porteuses de croissance économique
Il ressort de la lecture de l’Etude Diagnostique pour l’Intégration du Commerce que les secteurs clé porteurs de croissance économique pour le Togo demeurent ceux des phosphates, du coton, des cultures vivrières, du ciment, du commerce de transit et de la zone franche. Pour tirer le meilleur de ces différents secteurs et relancer rapidement l’économie togolaise, le rapport recommande qu’un certain nombre de priorités soient mises en œuvre dans les meilleurs délais.
Il s’agit notamment de : relancer le secteur du phosphate et renouveler la confiance dans l’avenir du secteur coton en améliorant la gouvernance, en favorisant l’entrée d’un investisseur privé stratégique dans les deux cas, et en renforçant les capacités des organisations des producteurs de coton ; promouvoir la production vivrière pour l’exportation vers la sous-région et la substitution efficace des importations ; agrandir la zone franche togolaise et réorienter ses activités vers les secteurs à haute intensité de main-d’œuvre, et vers l’accès à des marchés au-delà de la sous-région, sur la base d’une analyse coût/bénéfice de la zone et d’une étude de ciblage ; développer un cadre règlementaire stable et transparent pour attirer des investisseurs privés solides, prêts à s’engager sur le long terme, tout en assurant à l’État les ressources nécessaires au développement ; investir dans les infrastructures et les services du Port Autonome de Lomé, pour maintenir et renforcer son rôle de « hub » régional ; et enfin promouvoir le commerce licite de transit et de réexportation par la réhabilitation des routes, l’aménagement de la réglementation, et une plus grande concurrence dans le transport routier.
Le gouvernement a déjà engagé des efforts dans ce sens, notamment dans les secteurs coton, culture vivrière, environnement des affaires, infrastructures, électricité, entre autres. Ces efforts sont soutenus par des partenaires au développement, dont la Banque mondiale qui apporte un appui substantiel dans la promotion de la bonne gouvernance, et qui finance un certain nombre de projets en cours dans le pays : infrastructures ; transport et facilitation du commerce ; secteur financier et gouvernance, et bientôt l’agriculture.
Savoir plus sur l’EDIC
L’Etude Diagnostique pour l’Intégration du Commerce a été rendue publique en Septembre 2010. Elle a été commanditée par le gouvernement togolais, et conduite par la Banque mondiale avec le concours de consultants nationaux et internationaux. L’EDIC lance la participation du Togo dans le Programme du Cadre Intégré Renforcé pour l’Assistance Technique liée au Commerce. Elle vient renforcer le contenu de la Stratégie pour la réduction de la pauvreté du Togo en ce qui concerne la croissance économique, et vise à créer un consensus entre le gouvernement et les parties prenantes sur les priorités à considérer dans ce domaine. De plus, le rapport va servir de cadre pour informer les stratégies et interventions des différents partenaires techniques et financiers du pays, en commencent avec celles de la Banque mondiale.