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Le Genre dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord

10 mars 2010


La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) a réalisé beaucoup de progrès dans l’élimination des disparités entre les sexes dans le cadre du développement humain. Le ratio filles/garçons dans l’éducation primaire et secondaire est de 0,96, un taux qui peut être comparé favorablement  avec ceux enregistrés dans les pays à revenu faible et intermédiaire du monde entier.

Dans la région MENA, plus de  femmes  fréquentent  l’université que les hommes, la mortalité maternelle est estimée à 200 décès pour 100 000 naissances d’enfant vivant (comparé à la moyenne mondiale de 400 décès) et les taux de fécondité ont baissé au cours de la dernière décennie. Cependant, comme l’indique la figure 1, ces progrès n'ont pas donné lieu à des améliorations en matière d’intégration dans la vie économique et politique. Le taux de participation des femmes à la main-d’œuvre régionale est de 26 %, bien en dessous des 39 % atteints dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Les femmes sont très sous-représentées dans l’arène politique puisqu’elles ne détiennent que 9 % des sièges parlementaires.

Au sein de la population active, les femmes rencontrent plus de difficultés que les hommes pour trouver un emploi. Dans la plupart des pays de la région MENA, elles accusent des taux de chômage bien plus élevés que les hommes (figure 2). De même, les enquêtes sur les entreprises, réalisées par la Banque mondiale, révèlent qu’il y a peu de femmes entrepreneurs dans la région MENA en comparaison à d’autres régions. Bien qu’aucune différence sensible n’apparaisse entre les types d’entreprise appartenant à des femmes ou des hommes, les femmes se heurtent à un environnement bien plus hostile dans la vie professionnelle. Il a été constaté, par exemple, que les entreprises appartenant à des femmes en Égypte signalent avoir besoin de 86 semaines en moyenne pour résoudre un conflit par voie judiciaire, comparé à 54 semaines pour les entreprises appartenant à des hommes.

Les jeunes femmes sont particulièrement vulnérables, comme l’indique la Figure 3 (a). Alors que les taux de chômage parmi les jeunes hommes en Égypte et en Jordanie atteignent déjà des niveaux alarmants (plus de 10 %), les chiffres concernant les jeunes femmes sont encore plus élevés. Il est intéressant de voir que cette situation survient à un moment où la région MENA traverse une période de transition démographique caractérisée par une augmentation de la proportion des jeunes dans la population.

Les données indiquent que même les jeunes femmes ayant effectué des études supérieures deviennent de plus en plus vulnérables. Pour donner une idée de la situation, entre 1998 et 2006, le pourcentage des jeunes Égyptiennes pourvues d’un diplôme universitaire est passé de 6 à 12 %. Il est frappant de constater que le taux de participation des femmes à la main-d’œuvre dans ce groupe d’âge est resté quasi-stagnant, alors que leur taux de chômage a augmenté de 19 à 27 %. En Cisjordanie et à Gaza, les femmes ayant suivi des études universitaires représentent 82 % des femmes au chômage, comparé à 12 % seulement des hommes en 2007. En Jordanie, 26,5 % des femmes, comparé à 9,1 % des hommes, détenant un diplôme de 1er cycle ou plus ne trouvent pas de travail.

La participation des femmes à l’économie devrait donner une impulsion majeure à leur participation dans les affaires publiques. C’est peut-être la raison pour laquelle les faibles niveaux de participation des femmes à la main-d’œuvre et à l’emploi dans la région MENA soulèvent des inquiétudes. Plusieurs arguments – de nature économique, institutionnelle et culturelle – ont été mis en avant pour expliquer les raisons à l’origine de ce phénomène.

Dans la mesure où les disparités entre les sexes en matière de participation à la vie active et au travail tournent autour des normes sociales et culturelles qui limitent la mobilité, les données internationales semblent indiquer qu’elles limitent également l’accès aux services-clés et aux opportunités pour les femmes, notamment la possibilité d’avoir un emploi rémunéré, de voter, ainsi que d’autres formes de participation à la vie communautaire et politique. Une meilleure compréhension des contraintes à la participation économique des femmes est donc un élément essentiel de la stratégie de la Banque mondiale pour la région MENA.

Stratégie de la région MENA pour encourager le travail des femmes

Au cœur de la stratégie de lutte contre la pauvreté de la Banque mondiale figure l’amélioration de la parité entre les sexes. L’accent mis sur la problématique hommes-femmes s’est intensifié avec la Quatrième conférence mondiale sur les femmes tenues à Beijing en 1995. Mais plus récemment, en 2007, la Banque a lancé un Plan d’action pour les femmes intitulé « L’égalité des sexes, un atout économique » (“Gender Equality as Smart Economics,”). Ce plan d’action sur quatre ans vise à améliorer l’opportunité économique des femmes par une augmentation de la participation féminine à la main-d'œuvre et au statut d’entrepreneur.

La stratégie de la région MENA sur la parité entre les sexes est compatible avec cet objectif global, mais il reste de nombreux obstacles qui nécessitent un solide travail d’analyse pour initier le débat et le dialogue avec les pays partenaires sur ce sujet important.

Le travail en cours suggère que les facteurs sociaux et culturels restent pertinents pour comprendre la participation des femmes dans la vie active. Mais étant donné ces obstacles, des réformes décisives pour la création de perspectives d’emploi au moyen d’un meilleur environnement politique, en particulier pour stimuler l’emploi dans le secteur privé – peuvent faire une grande différence. En outre, les normes culturelles mettent du temps à changer.

Les États-Unis constituent un exemple type - figure 4 (a) : l'opinion à l’égard du travail féminin en dehors du foyer était plutôt conservatrice, même jusque dans les années 40, mais elle a changé à mesure que la participation des femmes à la vie économique a augmenté (d’environ 20 % en 1940 à 60 % en 1980) suite à une combinaison de facteurs tels que les niveaux d’éducation plus élevés, les campagnes pour attirer les femmes sur le marché du travail pendant la Seconde Guerre mondiale, de nouvelles perspectives d’emploi pour les femmes et l’introduction de la flexibilité du travail. 

Un travail analytique approfondi et l’expérimentation de différentes politiques s’avèrent nécessaires pour identifier l’impact de réformes politiques pouvant contribuer de manière positive à de tels changements d'attitude dans la région MENA. Le programme de la Banque mondiale sur la parité des sexes et l’inclusion vise à établir des données sur ces questions complexes, de manière à faire des recommandations de principe plus rationnelles et efficaces pour faciliter la participation des femmes au marché du travail.

Programme concerté du département de développement économique et social pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient (MNSED) sur la parité entre les sexes et l’inclusion économique :

Jordanie : En Jordanie, dans le cadre de l’Initiative du monde arabe, une expérience pilote sur l’emploi des jeunes femmes diplômées vient d’être lancée, avec pour objectif majeur de remédier aux importantes contraintes auxquelles font face les jeunes femmes entrant sur le marché du travail. Les programmes pilotes proposés faciliteront la transition école/emploi en aidant les jeunes diplômées à acquérir une expérience et des compétences par la pratique. Au moyen d’une évaluation attentive des impacts, le programme pilote devrait permettre d’améliorer la conception de politiques et d’interventions similaires à plus grande échelle et, dont le plus important,  fournir des analyses et des leçons sur la politique à suivre pour progresser en Jordanie et dans toute la région MENA.

Égypte : Dans le cadre d’une mise à jour du Rapport sur l'évaluation de la place réservée aux femmes en Égypte (2003), la Banque prépare actuellement une note de politique générale sur les contraintes à la participation des femmes à la vie active en Égypte qui sera terminée en 2010. Cette note analyse les données d’une enquête menée auprès de foyers aisés pour établir des normes factuelles pouvant étayer la politique à suivre et les interventions pilotes sélectionnées afin d’améliorer la participation et la rétention des femmes dans la population active. Une analyse préliminaire fournit de nouvelles données qui laissent penser que la compatibilité entre la vie et le travail après le mariage est un facteur déterminant dans la décision de travailler d’une femme dans un secteur particulier. Ce type de conclusion sera utile dans les discussions sur la politique à suivre et les projets de la Banque, non seulement en Égypte, mais aussi dans d’autres pays de la région MENA. La Banque soutient également le projet Gender Equity Model Egypt (GEME), un programme pilote qui encourage la parité entre les sexes dans les entreprises privées.

Cisjordanie et Gaza : Les données recueillies par le Bureau central de statistique palestinien (PCBS) semblent indiquer que, dans cette zone de conflit, les femmes représentent un groupe particulièrement vulnérable. La place réservée aux femmes sera un élément essentiel du Programme d’évaluation programmatique de la pauvreté et de l’inclusion en Cisjordanie et à Gaza, qui sera terminé en 2011. Ce travail est développé en étroite collaboration avec des partenaires-clés et s’accompagne d’un renforcement des capacités. L’analyse sera basée sur une longue série de données d’enquêtes sur les foyers et la main-d’œuvre, comprenant les années avant et après la toute dernière période prolongée de conflit dans cette région. Au-delà de la mesure de la pauvreté, le rapport examinera de manière exhaustive l'impact du conflit sur le bien-être, notamment la santé, l’éducation et le fonctionnement du marché du travail.

Maroc : Bien que l’indice de parité entre les sexes se soit considérablement amélioré dans l’éducation primaire, les taux d’abandon sont très élevés, en particulier pour les filles et en zones rurales. En outre, le Maroc est l’un des rares pays où l’écart entre les taux d’analphabétisme des hommes et des femmes a augmenté depuis 1970. Un programme pilote de transfert monétaire assorti de conditions (CCT) en faveur de l’éducation est actuellement en cours pour réduire les taux d’abandon dans les écoles primaires. Au Maroc également, l’enquête menée actuellement auprès des foyers et des jeunes devrait fournir l’occasion unique de procéder à un travail analytique sur les problèmes de parité. Cette enquête, qui porte sur un échantillon représentatif de foyers marocains, est conçue de façon à mieux comprendre les contraintes à l'emploi et permettre une évaluation globale des facteurs déterminants de la vulnérabilité affectant différents sous-groupes, en particulier les jeunes et les femmes.

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