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Un atelier de la Banque mondiale met un visage sur les impacts du changement climatique

02 mai 2008


LES POINTS MARQUANTS
  • Les pauvres seront les plus touchés par l’instabilité grandissante du climat.
  • L’objectif de l’atelier était de lancer un vaste débat sur les réponses mondiales aux dimensions sociales du changement climatique.
  • Il est urgent d’élaborer un cadre règlementaire mondial axé sur la justice sociale.

Le 2 mai 2008 – Bon nombre des effets négatifs du changement climatique, actuels et prévus, ont été illustrés par des tableaux et des graphiques. Mais comment mettre un visage sur ces données et surtout, comment s’assurer que ceux qui seront les plus touchés reçoivent l’aide dont ils ont besoin ?

Un récent atelier international organisé par la Banque mondiale ayant pour thème « Les dimensions sociales du changement climatique » abordait les diverses manières de mettre un visage sur les statistiques peu encourageantes et proposait des façons dont la communauté internationale devrait réagir.

Lors de cet atelier de deux jours, quelque 200 personnes ont participé aux séances, qui ont fait salle comble, sur l’influence qu’aura probablement le changement climatique sur les questions relatives aux conflits, à la migration, à l’urbanisme, aux institutions rurales, aux terres arides, aux politiques sociales, aux populations autochtones et à l’égalité homme-femme. Parmi les participants, on comptait des chefs d’Etats, des militants communautaires, des autochtones, des scientifiques, des représentants du milieu universitaire et des spécialistes en développement, y compris du personnel de la Banque mondiale.

L’objectif de l’atelier était de « mettre au point un programme mondial sur les dimensions sociales du changement climatique », comme l’explique Steen Jorgensen, directeur du département du développement social de la Banque mondiale, qui commanditait l’évènement avec le ministère des Affaires étrangères de la Norvège et le ministère du Développement international du Royaume-Uni.

« Les effets du changement climatique sont perçus et ressentis différemment par les gens selon, par exemple, leur sexe, leur âge, leur caste ou leur groupe ethnique », dit M. Jorgensen. « Nous devons par conséquent nous assurer que les programmes d’intervention et les politiques sont conçus de manière à tenir compte de la réalité des pauvres. A titre d’exemple, les perturbations liées au climat occupent déjà une place prédominante dans la vie des pauvres et le changement climatique augmente les risques auxquels ils font face et accroit leur vulnérabilité, à un point tel qu’il pourrait causer des dommages irréparables aux familles pauvres. »
 
Des millions de personnes à risque

Les coûts environnementaux et économiques du changement climatique font l’objet de nombreuses recherches, mais les impacts humains ont été en grande partie éclipsés par les chiffres. L’atelier intitulé « Les dimensions sociales du changement climatique » mettait l’accent sur les hommes qui sont derrière les chiffres.

Une augmentation de température de 2 degré Celsius au cours des décennies à venir, soit la plus faible hausse anticipée dans les scénarios sur le changement climatique de l’ONU, pourrait aggraver les sécheresses et les inondations et entraîner la famine pour des millions de personnes. Selon les experts, ce changement exposerait des millions de personnes supplémentaires au paludisme et à des pénuries d’eau. Un tel scénario pourrait potentiellement faire éclater d’autres conflits et forcer des millions de personnes à fuir leur maison. La plupart des victimes seraient alors les personnes les plus vulnérables de la planète, les pauvres.

Gillette Hall, spécialiste du développement social à la Banque mondiale explique : « Cette conférence n’avait pas pour but de présenter des solutions définitives, mais plutôt de faire connaître cet enjeu de manière à ce qu’il reçoive l’attention méritée. Cet atelier servait aussi à rappeler, pendant qu’il est encore temps, que nous ne devons pas faire les mêmes erreurs que nous avons commises par le passé lorsque que nous avions oublié d’inclure les impacts sociaux et le côté humain. »

L’une des discussions de cet évènement de deux jours portait sur la manière dont des millions de personnes pauvres vivant entassées dans des centres urbains de pays à revenu faible et intermédiaire vont faire face aux inondations, glissements de terrain et autres impacts du changement climatique.

Les gouvernements locaux « n’ont pas les connaissances ni les capacités requises pour agir », explique Caroline Moser, du Global Urban Research Centre de l’université de Manchester au Royaume-Uni. « Il est essentiel que les communautés réagissent au changement climatique ». Dans certaines zones urbaines, ces réactions locales sont déjà en place.

« Des actions simples sont déployées à grande échelle par les communautés elles-mêmes, et le savoir est transféré d’un pays à un autre », affirme Esther Mwaura-Muiru, une participante à l’atelier qui est fondatrice et directrice de GROOTS, un réseau d’entraide de femmes multitribales du Kenya ayant tissé des liens avec d’autres groupes similaires d’Amérique latine, de la région de l’Asie de l’Est et Pacifique et d’autres pays d’Afrique. « Nous n’avons persuadé aucune agence de tirer parti de ces leçons et de déployer ces actions à grande échelle. »

Isoler la dimension sociale du changement climatique n’est pas une chose aisée puisque bon nombre des impacts ont des répercussions multiples. Ainsi, par exemple, les jeunes filles d’Afrique subsaharienne, d’Asie du Sud et d’Amérique latine peuvent devoir abandonner l’école parce qu’elles sont obligées de consacrer davantage de temps à aller chercher de l’eau en raison des sécheresses plus longues et plus importantes qu’entraîne le changement climatique.

Une des séances de l’atelier était entièrement consacrée à l’établissement de tels liens entre le changement climatique et les femmes. « Les femmes sont souvent très vulnérables et par conséquent, elles font partie des groupes les plus touchés », affirme Caroline Kende-Robb, responsable de secteur du département du développement social de la Banque. « Lorsque des tsunamis ont frappé l’Indonésie, le Sri Lanka et l’Inde, les taux de mortalité étaient 3 à 4 fois plus élevés chez les femmes que chez les hommes parce que bon nombre d’entre elles n’avaient pas appris à nager en raison des conventions sociales, ou encore parce qu’elles avaient tenté de sauver leurs enfants sans d’abord veiller à leur propre sécurité. Les ondes de tempête occasionnées par le changement climatique auront des effets similaires. Cependant, les femmes sont de puissants agents de changement et ce sont elles qui gèrent les ressources communautaires. Elles ont donc un rôle important à jouer dans la conception de stratégies efficaces d’adaptation et d’atténuation des risques. »

Intégrer la justice sociale dans une nouvelle stratégie sur le changement climatique

Les leçons tirées des présentations, discussions et questions-réponses de l’atelier façonneront les politiques et les approches que la Banque adoptera pour répondre aux impacts sociaux du changement climatique.

Robin Mearns, spécialiste en gestion des ressources naturelles et co-organisateur de l’atelier, affirme que ces politiques et approches seront intégrées dans le nouveau Cadre stratégique sur le changement climatique et le développement de la Banque qui doit paraître cet automne. De plus, un Rapport phare sur le développement dans le monde portant sur le changement climatique et le développement et qui devrait être publié l’année prochaine présentera ces politiques et approches. S’adapter au changement climatique signifiera, entre autres choses, revoir les stratégies d’aide-pays et les stratégies de partenariat de la Banque qui sont au cœur de l’aide au développement.

« La gouvernance à tous les niveaux (mondial, national et local) deviendra un enjeu essentiel pour faire face au changement climatique. La participation des citoyens et la responsabilisation sociale dans les pays en développement auront un rôle important à jouer pour permettre aux habitants d’exiger de leur gouvernement des actions efficaces en réponse au changement climatique », soutient Mme Kende-Robb.
 
« Nous devrons également penser à beaucoup plus long terme », dit Andrew Norton, spécialiste principal en développement social et co-organisateur de l’atelier. « Les stratégies d’aide-pays portent sur trois ans, mais pour pouvoir observer l’étendue des impacts du changement climatique, il faut au moins avoir une visibilité sur 12 à 15 ans, voir plus. Le défi consiste à agir maintenant pour éviter les effets « impossibles à gérer » en réduisant les émissions de carbone, et nous préparer à « gérer l’inévitable » en planifiant à l’avance la protection des plus vulnérables. »

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