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Le Projet de facilitation du transport et du transit en Afrique centrale vise à résorber l’un des principaux obstacles aux échanges sur le continent

17 juillet 2007


Le 17 juillet 2007 — Nids-de-poules, une multitude de points de contrôle, officiels ou non, des kilomètres de route en terre – voilà le décor pour qui veut se rendre du port de Douala, sur la côte ouest du Cameroun, en direction de N’Djamena et de Bangui, capitales du Tchad et de la République centrafricaine voisins. Ce parcours long de 2000 kilomètres est véritablement semé d’embûches.

Pour les transporteurs qui s’efforcent d’acheminer leurs marchandises vers les marchés internationaux, cet axe est de ceux qui ont la pire réputation sur le continent africain. Non seulement il constitue un obstacle aux échanges pour les entreprises et les particuliers, mais il alourdit nettement le coût de l’activité économiques au plan régional. Cette situation difficile tranche fortement sur celle d’autres parties du continent, où divers projets d’infrastructure ont permis d’améliorer les transports régionaux.

Et c’est précisément pour remédier à ce problème que la Banque mondiale a entrepris de lancer un projet dans les trois pays concernés — Cameroun, République centrafricaine et Tchad — en collaboration avec l’Agence française de développement, la Banque africaine de développement et l’Union européenne. Ce projet représente un engagement global de 680 millions de dollars, l’apport de fonds du Groupe de la Banque mondiale s’élevant à 201 millions.

L’état dangereux des routes entrave les échanges

Comme l’explique Abdoulaye Dembélé, un chauffeur routier centrafricain spécialisé dans le transport de bois d’œuvre : « Les conditions actuelles sont tout simplement déplorables. Pour nous, le cauchemar commence soit à Douala, au Cameroun, soit dans mon pays. C’est un vrai champ de bataille. L’état des routes va s’aggraver à la saison des pluies, et il va y avoir plus d’accidents… »

Pour sa part, Paul Aimé Toukam estime qu’il faut du courage pour faire ce qu’il fait. « Les routes sont dans un état lamentable, surtout du côté centrafricain », dit ce transporteur camerounais dont les camions assurent la liaison Douala-Bangui. « À la saison des pluies, et une fois que les barrières de pluie ont été remises en place, il faut deux semaines aux camions pour se rendre à Bangui. Et l’accumulation de contrôles inopinés et d’accidents fait grimper les coûts de maintenance des camions. »

C’est pour éviter que le passage des poids lourds ne cause des dégâts irrémédiables aux chaussées sur les tronçons visés que les autorités mettent en place des barrières de pluie chaque année au début de la saison humide.

Le trajet entre Douala, le principal port de la région, et N’Djamena peut ainsi prendre entre 10 et 28 jours à travers des paysages aussi variés que les forêts équatoriales du Cameroun et les étendues quasi désertiques du Tchad, fait observer Jean-Francois Marteau, qui dirige le projet que vient d’approuver la Banque. En plus de la remise en état des infrastructures routières, ce projet prévoit d’améliorer les échanges commerciaux en réduisant les problèmes d’ordre logistique qui causent des retards au niveau du port et des plateformes de transit intérieures.

Aux conditions géographiques et climatiques variées viennent s’ajouter des problèmes de circulation qui ont des causes diverses. Outre le volume de trafic proprement dit, cela inclut la présence de barrages routiers, la mauvaise organisation des passages de frontières, ou encore des goulets d’étranglement tels que le pont à une voie constituant le point de passage entre le Cameroun et le Tchad, sur lequel le passage du bétail a en effet priorité sur le trafic des véhicules, et ce plusieurs fois par semaine.

« C’est la pire situation qu’on ait dans toute la région », explique le chef de projet de la Banque. « On a là une des dernières sous-régions où il n’y a pas de routes revêtues praticables en tous temps pour relier une partie de l’Afrique à une autre. C’est un énorme problème à la saison des pluies, et les zones en question sont de celles où on a les coûts les plus élevés qui soient au monde. »

Le projet améliorera 1 200 km de routes dans les trois pays

Une partie des fonds affectés au projet financera le revêtement de 450 kilomètres de routes à deux voies au Cameroun et en République centrafricaine, ainsi que la remise en état de 800 autres kilomètres de routes, répartis à part égale entre le Tchad et le Cameroun. D’autres ressources seront consacrées à l’apport d’assistance technique et à l’informatisation des installations du port de Douala, l’objectif étant de mettre en place un système de niveau communautaire qui permette de réduire de 20 % les délais dus aux formalités portuaires de dédouanement.

Un appui sera également fourni aux administrations douanières des trois pays pour les aider à informatiser totalement leurs procédures de dédouanement, ce qui contribuera à lutter contre la corruption.

Enfin, des fonds viendront compléter la mise en œuvre du programme de réhabilitation des services ferroviaires camerounais, qui sont le moyen de transport privilégié pour les importations tchadiennes et les exportations centrafricaines de bois d’œuvre.

Comme l’explique M. Marteau : « Nous essaierons de faciliter l’accès au Tchad, en RCA et dans la partie nord du Cameroun par une approche exhaustive permettant d’englober l’infrastructure, ferroviaire et routière, et les aspects de facilitation, qui consistent principalement à améliorer les systèmes douaniers et de contrôle le long du corridor. »

Lors d’une récente mission en République centrafricaine, Salim Refas, qui travaille également sur ce projet, a eu l’occasion de rencontrer Augustin Agou, directeur général d’une des principales compagnies de transport du pays, la firme UTA RCA. Il était question du système bimodal route-rail actuel, et du fait qu’il ne permet aux transporteurs centrafricains de charger ou décharger des marchandises au grand centre de transit de Bélabo que quatre fois par mois à la saison sèche et deux fois à la saison des pluies. Selon M. Agou, dont les camions de transport de bois passent par ce centre, le seul projet routier permettra de doubler ces fréquences.

Les insuffisances actuelles sont la cause d’une inflation des coûts de transport

Les insuffisances du système en place dans les trois pays ont une conséquence majeure : l’escalade vertigineuse des coûts. Selon les études effectuées pour la préparation de ce projet, officiellement appelé Projet de facilitation du transport et du transit, les coûts de transport en Afrique centrale sont parmi les plus élevés du continent. Pour le Tchad et la République centrafricaine, les coûts de transit représentent 52 et 33 %, respectivement, de la valeur des exportations.

« Je serai heureux quand ce projet sera achevé », déclare M. Toukam, l’entrepreneur de transports camerounais. « Tout le monde dans la sous-région poussera un soupir de soulagement. Nous augmenterons probablement nos investissements en République centrafricaine. De réelles possibilités d’investissement existent, mais l’état actuel des routes est un obstacle majeur au renforcement des échanges entre nos deux pays. »

Les responsables du projet mettent en avant le fait que cette initiative permettra de diversifier les échanges régionaux au-delà des seules exportations de produits de base, ce qui profitera à l’ensemble de l’économie des trois pays. Mais ils s’attendent aussi à ce qu’elle implique de difficiles ajustements pour les opérateurs qui se sont habitués à l’état de fait actuel, notamment au niveau des services.

M. Marteau lui-même admet que le projet présente à ce niveau « un inconvénient, du fait que les gens ne sont pas habitués à la manière formelle de mener les affaires ». Tout en soulignant que l’intégration du Tchad et de la République centrafricaine aux échanges internationaux se trouvera facilitée, du point de vue des infrastructures, il voit deux exigences en contrepartie : pour les importateurs informels, changer la façon dont ils conduisent leurs affaires afin que l’impact des investissements et réformes entrepris se matérialise effectivement ; et pour les responsables nationaux, s’employer résolument à lutter contre les intérêts en place dans ce secteur.

D’une durée de cinq ans, le Projet de facilitation du transport et du transit doit être officiellement lancé au début de 2008. Les responsables de la Banque en attendent des progrès tangibles, au vu des résultats initiaux affichés par un projet analogue entrepris en Afrique de l’Est et associant le Kenya et l’Ouganda.


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