Skip to Main Navigation
Fiche d’information 31 août 2020

Questions-Réponses : Évaluation rapide des dommages et des besoins à Beyrouth — Août 2020

Qu’est-ce que l’évaluation rapide des dommages et des besoins à Beyrouth ?

Au lendemain de l’énorme explosion qui a secoué le port de Beyrouth le 4 août, le Groupe de la Banque mondiale a entamé, en collaboration avec les Nations Unies (ONU) et l’Union européenne (UE), une évaluation rapide des dommages et des besoins (RDNA) afin d’estimer leurs effets sur la population, les biens matériels, les infrastructures et les services du pays. Cette évaluation utilise des données de terrain et des outils et des technologies de pointe activés à distance pour évaluer : i) les dommages causés aux biens matériels ; ii) les pertes économiques qui en résultent ; et iii) les besoins de relèvement et de reconstruction.

Elle recommande un cadre de réforme, de relèvement et de reconstruction (les « 3R ») afin de reconstruire un meilleur Liban fondé sur les principes de transparence, d’inclusion et de responsabilité. Ce cadre associe des interventions de relèvement et de reconstruction axées sur l’être humain à des réformes structurelles couvrant la stabilisation macroéconomique, la gouvernance, le cadre opérationnel du secteur privé et la sécurité des individus.

Pourquoi l’évaluation de Beyrouth est-elle importante et quels sont ses objectifs ?

Le principal objectif de l’évaluation est d’informer les parties prenantes sur les effets de la catastrophe (dommages et pertes indirectes) et les besoins de relèvement et de reconstruction associés. Plus précisément, l’évaluation de Beyrouth :

  • fournit une estimation préliminaire des besoins de reconstruction des infrastructures matérielles essentielles et de rétablissement des services, dans l’immédiat (septembre-décembre 2020) et à court terme (année civile 2021) ;
  • sert de base à l’élaboration d’un cadre préliminaire de réforme, de relèvement et de reconstruction (3R), qui fournira des orientations sur la manière de mettre en œuvre un programme complet de réforme, de relèvement et de reconstruction ;
  • contribue à un effort national et international plus coordonné et plus cohérent pour reconstruire en mieux ;
  • recommande des évaluations et des analyses qui seront cruciales pour parvenir à une compréhension approfondie de l’incidence de la crise et à l’élaboration d’un programme de reconstruction à moyen et à long terme.

Que couvre l’évaluation de Beyrouth ?

Portée temporelle : L’évaluation se concentre sur l’impact ainsi que sur les besoins de relèvement et de reconstruction découlant de l’explosion de Beyrouth. Les calculs des dommages, des pertes et des besoins ont été effectués par rapport à une base de référence correspondant aux biens matériels existant avant l’explosion. Les données de référence ont été collectées auprès du gouvernement libanais, de la municipalité de Beyrouth et d’autres parties prenantes, puis complétées à des fins de corroboration et de triangulation par des données de terrain dans le domaine public.

Portée géographique : L’évaluation est limitée à la zone d’impact dans le Grand Beyrouth et s’intéresse principalement aux zones les plus touchées dans un rayon de cinq kilomètres du site de l’explosion.

Portée sectorielle : L’évaluation couvre les dommages et besoins dans les 16 secteurs suivants :

  • Au niveau macroéconomique : Une évaluation macroéconomique identifiant : 1) les pertes d’activité économique causées par la destruction du capital physique ; 2) les perturbations des échanges commerciaux entraînant une augmentation des coûts de transaction du commerce extérieur ; et 3) la perte de recettes budgétaires pour les pouvoirs publics.
  • 5 secteurs sociaux : logement ; santé ; éducation ; culture ; et protection sociale et emploi
  • 4 secteurs des infrastructures : transports et infrastructures portuaires ; énergie ; approvisionnement en eau et assainissement ; et services municipaux
  • 3 secteurs de production : commerce et industrie ; finance ; et tourisme
  • 3 secteurs transversaux : gouvernance ; viabilité et insertion sociales ; et environnement

Les études sectorielles entreprises dans le cadre l’évaluation de Beyrouth seront publiées séparément sous forme de documents d’information afin d’appuyer la mise en œuvre des conclusions et recommandations du rapport.

L’évaluation se concentre sur les besoins portant sur la période allant jusqu’à fin décembre 2021. Elle ne couvre pas l’ensemble des besoins de relèvement et de reconstruction. Les besoins présentés dans le rapport sont les besoins prioritaires des différents secteurs de l'économie pour la prestation de services et la reconstruction des infrastructures essentielles. Une évaluation complète des dommages et des besoins prend du temps (généralement de 2 à 3 mois). Le présent rapport représente donc une première étape dont l’objectif est de s’assurer que les besoins immédiats et à court terme de la population sont rapidement identifiés et satisfaits.

Quelles sont les principales conclusions de l’évaluation de Beyrouth ?

Compte tenu du caractère rapide de l’évaluation, le rapport propose des fourchettes de valeurs pour les dommages matériels, les pertes économiques et les besoins prioritaires pour les années civiles 2020 et 2021.

  • Dommages : 3,8 à 4,6 milliards de dollars, les secteurs les plus touchés étant le logement et la culture.
  • Pertes : 2,9 à 3,5 milliards de dollars, les secteurs les plus touchés étant le logement, puis les transports et la culture.
  • Besoins prioritaires en matière de relèvement et de reconstruction : 1,8 à 2,2 milliards de dollars, les besoins en matière de transport étant les plus importants, devant la culture et le logement.

IMPACT ÉCONOMIQUE

  • Pertes d’activité économique causées par la destruction du capital physique.
    • baisse de la croissance du PIB réel pouvant atteindre 0,4 et 0,6 point de pourcentage en 2020 et 2021, respectivement.
  • Perte de recettes budgétaires.
  • Perturbations possibles des échanges commerciaux entraînant une augmentation des coûts de transaction du commerce extérieur.
    • restrictions des importations susceptibles de soustraire jusqu’à 0,4 et 1,3 point de pourcentage supplémentaire à la croissance en 2020 et 2021, respectivement.
  • Hausse de l’inflation et des taux de pauvreté

Comment les données ont-elles été recueillies ?

L’évaluation a suivi une approche hybride à deux niveaux, utilisant des données recueillies sur le terrain et à distance. En quelques jours, des centaines d’experts se sont rendus sur les sites de la zone d’évaluation afin de déterminer l’étendue des dommages causés à différents biens. Au cours du processus d’évaluation, il leur a été demandé d’inclure les coordonnées géographiques des bâtiments et de prendre des photographies détaillées des dommages. Au total, plus de 18 000 photographies de dommages subis par les bâtiments ont été prises. Les données recueillies dans des questionnaires et formulaires, notamment dans le cadre d’enquêtes de terrain et d’entretiens sur place, ont été vérifiées par des études documentaires reposant sur d’autres évaluations et données de terrain, des analyses des médias sociaux, des données publiques, et d’autres outils de collecte de données à distance. Compte tenu des difficultés liées aux décombres et à l’endommagement des infrastructures, les outils de collecte de données à distance ont permis un accès sans précédent tout en offrant un aperçu des dommages subis dans les différents secteurs. Le niveau de référence et les informations sur les dommages concernant les biens de chaque secteur ont été établis en utilisant diverses sources, telles que les données de la Croix-Rouge libanaise, un système d’information géographique (SIG), des données et des informations collectées auprès du public, un audit des médias sociaux, des images à haute résolution provenant de satellites et de drones, des capteurs au sol et des données anonymisées de téléphonie portable.

L’évaluation de Beyrouth a bénéficié du généreux soutien financier du Fonds pour la construction de la paix et de l'État (SPF), un fonds fiduciaire multi-donateurs administré par la Banque mondiale qui a pour objectif de financer des opérations de développement critiques dans des situations de fragilité, de conflit et de violence. Le SPF bénéficie de l’aimable soutien de l’Allemagne, de l'Australie, du Danemark, de la France, de la Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Suisse, de la Suède, ainsi que de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD).

Comment les avis des différentes parties prenantes ont-ils été pris en compte ?

L’évaluation de Beyrouth a adopté une approche intégrant l’ensemble du Liban pour veiller à ce qu’elle soit représentative des besoins et priorités immédiats et à court terme du peuple libanais. L’équipe chargée de l’évaluation a organisé plus de 40 réunions de consultation et de mobilisation des parties prenantes entre le 17 et le 21 août 2020, en invitant plus de 300 parties prenantes, dont les entités gouvernementales et municipalités concernées, des organisations de la société civile, des ONG, des ONGI, des associations professionnelles, des organisations du secteur privé, des groupes de réflexion, les milieux universitaires, des groupes de jeunes, des bailleurs de fonds, des institutions des Nations Unies… Une attention particulière a été accordée à la participation des parties prenantes intervenant activement dans le processus d’évaluation des dommages, de fourniture de l’aide et de reconstruction de Beyrouth. Les réunions ont été organisées virtuellement ou en personne et ont inclus un groupe important de parties prenantes ou des discussions individuelles pour s’adapter à la situation créée par la COVID-19 et au calendrier rigoureux de l’équipe chargée de l’évaluation. Les réunions des parties prenantes ont été divisées en réunions sectorielles ou en réunions génériques/stratégiques. Les réunions sectorielles ont rassemblé des parties prenantes ayant des compétences particulières dans l’un des secteurs couverts par l’évaluation. D’autres réunions ont également rassemblé des parties prenantes issues d’un large éventail de domaines de compétences et les contributions reçues ont été transmises aux groupes sectoriels concernés par l’équipe chargée de l’évaluation avant la finalisation de cette dernière.

Comment les estimations des dommages, des pertes et des besoins de reconstruction ont-elles été calculées ?

L’évaluation porte sur : i) les dommages causés aux biens matériels ; ii) les pertes économiques qui en résultent ; et iii) les besoins de relèvement et de reconstruction. À cette fin, elle regroupe et recoupe les données recueillies sur le terrain et celles collectées à distance, notamment grâce à des images à haute résolution provenant de satellites et de drones. Les dommages sont estimés en utilisant la valeur de remplacement des biens matériels totalement, partiellement ou légèrement endommagés. Les pertes sont estimées en tenant compte des flux économiques résultant de l’absence temporaire des biens endommagés et de l’impact sur les performances macroéconomiques après la catastrophe. Les besoins de relèvement et de reconstruction sont divisés en deux grandes catégories — la reconstruction des infrastructures et le rétablissement des services — et leur coût est évalué dans l’immédiat et à court terme.

Les besoins de reconstruction dans les différents secteurs convertissent les dommages en prix courants, compte tenu de l’inflation, de la sécurité et des primes d’assurance, ainsi que d’un facteur pour « reconstruire en mieux ». Le relèvement doit également tenir compte des aspects moins « tangibles » et non infrastructurels tels que le personnel, l’équipement et/ou le matériel, qui sont nécessaires pour fournir des services au même niveau qu’avant la catastrophe. Une fois calculés, les besoins de relèvement et de reconstruction sont classés par ordre de priorité (immédiate et court terme). Chaque secteur a indiqué des besoins de relèvement et proposé un calendrier d’interventions prioritaires en se fondant sur l’estimation des dommages et des effets qualitatifs. Cette estimation comprend le coût de la reconstruction des biens détruits, la prestation des services, l’amélioration des spécifications et les mesures de réduction des risques.

Comment le processus de reconstruction reflétera-t-il les besoins et les priorités du peuple libanais ?

L’évaluation de Beyrouth plaide en faveur de la reconstruction d’un meilleur Liban, fondé sur les principes de transparence, d’inclusion et de responsabilité. Ce processus devrait reposer sur une approche intégrant l’ensemble du Liban et rassemblant les pouvoirs publics, la société civile, le secteur privé, les groupes de militants, les groupes de jeunes, les groupes de réflexion, les milieux universitaires et la communauté internationale autour d’une vision et d’objectifs stratégiques communs. Les retours des parties prenantes et la recherche d’un consensus seront nécessaires pour définir la portée, la conception, les modalités institutionnelles ainsi que le cadre de suivi et de responsabilité d’un programme complet visant à reconstruire en mieux. Ce programme devrait répondre directement aux besoins urgents de la population sinistrée tout en garantissant que les résultats sont obtenus de manière efficace, équitable et transparente.

Comment l’évaluation contribuera-t-elle à la reconstruction de Beyrouth ?

L’évaluation de Beyrouth orientera l’élaboration d’un cadre de réforme, de relèvement et de reconstruction (3R) qui jettera les bases d’un programme complet à moyen terme. Ce cadre devrait s’articuler autour de piliers stratégiques qui pourraient inclure : a) des réformes visant à promouvoir la confiance des citoyens et à améliorer la gouvernance ; b) un relèvement axé sur l’être humain ; et c) la reconstruction des biens et des infrastructures essentiels et le rétablissement des services de base. Ces piliers stratégiques pourraient être assortis de quatre objectifs stratégiques : i) améliorer la gouvernance et la responsabilité pour contribuer à restaurer la confiance dans l’État ; ii) rétablir l’accès aux emplois et aux débouchés économiques, et relancer l’économie locale et nationale ; iii) renforcer la cohésion sociale en réduisant les tensions sociales ; et iv) restaurer et améliorer les services de base et les infrastructures matérielles.

Quatre séries de réformes politiques et institutionnelles sont essentielles pour reconstruire un meilleur Liban : stabilisation macroéconomique, gouvernance, cadre opérationnel du secteur privé et sécurité humaine.

Comment les bailleurs de fonds et les partenaires de développement collaboreront-ils pour faire de la reconstruction une priorité et en coordonner les actions ?

L’évaluation de Beyrouth orientera l’élaboration d’un cadre de réforme, de relèvement et de reconstruction (3R) qui définira les mesures à prendre pour donner suite à ses conclusions et à celles des évaluations sectorielles détaillées en vue de mettre en œuvre un programme de reconstruction à moyen terme. Ce cadre est en cours d’élaboration par l’ONU, l’UE et la Banque mondiale. Il comprendra la mise en place d’un programme de réformes, de relèvement et de reconstruction, un mécanisme de gouvernance qui inspire confiance à toutes les parties prenantes, un mécanisme de financement pouvant offrir des options de financement commun par les bailleurs ainsi que des solutions de financement innovantes, un mécanisme de mise en œuvre (par exemple, ONG, organismes des Nations Unies), un cadre de résultats et un mécanisme de contrôle. L’élaboration de ce cadre s’appuiera sur un vaste processus de mobilisation multipartite et axé sur l’être humain, pour veiller à ce qu’il réponde aux demandes et aux aspirations du peuple libanais.

Comment et à qui l’aide au développement sera-t-elle acheminée ?

La communauté internationale tient fermement à contribuer à la reconstruction d’un meilleur Liban, étant clairement entendu que ce processus doit être mené par le peuple libanais. L’engagement en faveur d’un programme de réformes crédible sera essentiel pour accéder à l’aide internationale au développement. Ces ressources de développement pourraient être acheminées par le biais d’un nouveau mécanisme de financement, administré par des partenaires internationaux et soumis à un contrôle indépendant afin d’éviter les malversations. Ce mécanisme aurait pour objectif de : i) canaliser les ressources financières des bailleurs par le biais d’un mécanisme commun ; et ii) servir de plateforme de dialogue sur les politiques à mener et de coordination des fonds. Ce mécanisme pourrait appliquer à titre expérimental un modèle opérationnel innovant qui acheminerait les ressources vers des organisations non gouvernementales (ONG) agréées, en vue de concevoir et mettre en œuvre des projets de relèvement et de reconstruction faisant l’objet d’une surveillance fiduciaire rigoureuse de l’administrateur du fonds. L’adoption rapide de dispositifs institutionnels et de mise en œuvre appropriés, fondés sur la bonne gouvernance et la transparence, sera essentielle au succès de l’approche visant à reconstruire en mieux.

Les enseignements tirés d’autres contextes d’après crise font apparaître plusieurs dispositifs institutionnels et mécanismes de mise en œuvre efficaces. Ceux-ci pourraient inclure la désignation ou la création d’un organisme d’exécution principal, une mise en œuvre sectorielle par les ministères de tutelle, ou un modèle hybride dans lequel un organisme temporaire fournit des orientations générales et supervise les programmes tandis que la mise en œuvre reste décentralisée aux niveaux sectoriel et local, les organismes publics locaux et les organisations de la société civile jouant un rôle clé. Dans le contexte libanais, on pourrait envisager un modèle non traditionnel reposant davantage sur les ONG et la société civile.