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publication 11 juillet 2019

L’État de l’économie ivoirienne : pourquoi il est temps de produire un cacao 100% inclusif et responsable

Dernier numéro: 
  • Juillet 2019
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Photo copyright : Department of Foreign Affairs and Trade (DFAT)


Publié le 11 juillet 2019 par la Banque mondiale, le neuvième rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire confirme les bonnes tendances enregistrées l’année passée. Il nuance toutefois ce bilan du fait de plusieurs facteurs de risques, notamment les incertitudes liées aux élections présidentielles de 2020. L’étude propose également des pistes pour moderniser la filière cacao qui est aujourd’hui peu inclusive et peu soucieuse de l’environnement. Voici les huit points à retenir :

1. L’économie se porte bien dans l’ensemble et reste en tête de la région et du continent 

Avec une croissance de 7,4 % en 2018 et une projection à 7,2 % en 2019, la Côte d’Ivoire continue de tirer l’activité du continent, juste après l’Éthiopie et devant le Rwanda et le Sénégal. La politique monétaire prudente menée par la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest devrait permettre de maîtriser l’inflation autour de 0,3 %. Cela tient notamment au maintien des prix des produits alimentaires, à la baisse des prix des télécommunications et à la faible augmentation du prix du carburant. 

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2. Le paysage économique s’est modifié et le secteur privé est à nouveau le principal moteur de la croissance

Après avoir décliné en 2016 et 2017, le secteur privé est à nouveau dynamique mais avec de fortes disparités. Le secteur agricole a beaucoup ralenti, notamment les productions de cacao et d’anacarde qui n’ont augmenté respectivement que de 4 % et de 7 % en 2018 contre 24 % et 9 % en 2017. Ces chiffres rappellent la vulnérabilité de ce secteur aux chocs climatiques et aux termes de l’échange qui ont été moins favorables en 2018. En revanche, les secteurs des télécommunications, de l’agroalimentaire et des bâtiments-travaux publics ont connu une forte croissance. Par ailleurs les entreprises ont investi davantage en 2018. Cela est sans doute une conséquence des réformes pour améliorer le climat des affaires tout en reflétant peut-être la volonté d’investir avant les élections présidentielles d’octobre 2020. 

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3. Le dynamisme du secteur privé a permis de compenser l’impact négatif du secteur externe sur la croissance

Après une année 2017 exceptionnellement favorable, le compte courant s’est détérioré de 2,7 à 4,7 % du PIB entre 2017 et 2018, les flux commerciaux du pays, relativement peu diversifiés, demeurant exposés aux variations des prix de quelques matières premières (notamment le cacao et le pétrole). Cependant la hausse des investissements directs étrangers (IDE), notamment dans l’agroalimentaire et, l’émission obligataire internationale conduite par le gouvernement pour plus de 2 milliards de dollars en mars 2018, ont largement permis de financer ce déficit du compte courant.

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4. L’État est parvenu à diminuer le déficit public mais au prix de coupes budgétaires importantes et du ralentissement des investissements publics

Entre 2017 et 2018 le déficit public a diminué de 4,5 % a 4 5 du PIB, une tendance que l’État souhaite poursuivre pour atteindre les 3 % en 2019 et ainsi respecter les objectifs fixés par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Mais cet ajustement a tenu uniquement à la baisse des dépenses publiques, en particulier des investissements de l’État qui de fait, ont moins soutenu l’économie ivoirienne que par le passé. Le gouvernement entend désormais être plus sélectif sur la qualité des projets dans lesquels il investira et privilégier le développement de partenariats avec le secteur privé. Il devra aussi veiller à la maitrise de l’endettement public, notamment des emprunts commerciaux, y compris de la part des entreprises publiques et des agences de l’État. 

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5. L’État n’arrive pas à augmenter ses recettes fiscales 

Elles ont même baissé de 0,7 % du PIB entre 2012 et 2018, contrairement aux recettes d’autres pays de la région, comme le Sénégal et du Togo qui ont le même système d’imposition. Cela s’explique par le ralentissement du secteur extractif, une politique fiscale visant à neutraliser les variations des prix internationaux du cacao et du pétrole sur l’économie locale, ainsi que par le faible niveau des recettes provenant de la TVA.  Si plusieurs réformes entreprises au sein de l’administration fiscale pour faciliter les démarches et le recouvrement de l’impôt, telles que l’introduction de plateformes numériques et la simplification de certaines procédures, devraient à terme permettre de renforcer les recettes fiscales, le gouvernement devra accroître son effort sur la TVA, dont le recouvrement sur les transactions domestiques, est l’un des plus bas au monde. Si les autorités parvenaient à mobiliser autant de TVA que le Cameroun ou Cabo verde, la Côte d’Ivoire pourrait accroître ses recettes fiscales de 2 points de pourcentage du PIB.

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6. La Côte d’Ivoire se transforme mais son secteur agricole reste sous-productif et pas assez diversifié

Alors que la Côte d’Ivoire est de moins en moins agricole, plus de la moitié de sa population continue de vivre d’une activité primaire. Toutefois, l’agriculture n’a contribué qu’à 1,2 points de croissance du PIB (ou 14 %) dans l’embellie économique que le pays vit depuis 2012. Les explications sont multiples, mais elles trouvent leur origine dans la faiblesse des rendements de la plupart des produits vivriers et de rente ainsi que dans le manque de diversification vers des activités à plus haute valeur ajoutée. Pour y remédier, le gouvernement a d’ailleurs donné la priorité à la modernisation du secteur agricole dans sa nouvelle stratégie de développement national, en particulier au secteur du cacao qui mobilise plus de 5 millions de personne et constitue de loin la source de devises la plus importante du pays.

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7. La filière cacao en Côte d’Ivoire est confrontée à des défis sociaux et environnementaux  

La Côte d’Ivoire assure 40 % de l’approvisionnement mondial en cacao mais ne reçoit que 5-7 % des gains générés par cette filière au niveau mondial, qui proviennent essentiellement de la transformation et de la distribution. Ainsi, bien que ce secteur emploie près d’un million de producteurs et fournit un revenu à 1/5 de la population ivoirienne, il n’a guère contribué à l’enrichissement du pays. On estime que 54,9 % des producteurs de cacao ivoiriens et leurs familles, vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs, ces deux dernières décennies ont été marquées par une prise de conscience écologique et sociale des consommateurs qui sont devenus plus exigeants, après que de nombreuses enquêtes aient montré le rôle néfaste de la production de cacao sur la déforestation et la présence d’enfants travaillant souvent dans des conditions de travail extrêmement pénibles dans les plantations de cacao.

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8. Trois pistes pour un secteur du cacao plus inclusif et responsable en Côte d’Ivoire

Pour transformer sa filière cacao, la Côte d’ivoire devrait tout d’abord lancer une révolution technologique pour accroître les rendements afin de favoriser le reboisement et améliorer le revenu des producteurs. Il faudrait ensuite mettre en place des systèmes de traçabilité pour garantir un cacao responsable auprès des consommateurs. Enfin, le secteur devrait développer l’industrie locale de transformation du cacao pour répondre à la demande locale, développer un label d’origine plus attractif pour les consommateurs et tirer parti de la croissance de la demande asiatique de produits intermédiaires.