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ARTICLE 09 octobre 2017

L’eau pour briser le cycle de la pauvreté


LES POINTS MARQUANTS

  • Région la plus pauvre du Cameroun, l’Extrême Nord subit régulièrement des attaques terroristes de la secte Islamiste Boko Haram.
  • Le manque d’eau, de sanitaires et d’hygiène causent en moyenne une dizaine de milliers de décès par an à l’échelle nationale.
  • Un projet pilote a permis de mettre en place une méthode pour améliorer durablement l’accès à l’assainissement et instaurer des règles d’hygiène en milieu rural.

YAOUNDÉ, le 9 octobre 2017‒Le mois de septembre rime généralement avec fin des vacances scolaires et rentrée des classes pour les enfants. Mais pour les habitants de la région de l’Extrême Nord, le mois de septembre 2017 a été l’un des mois les plus meurtrier de l’année avec un record de victimes dues aux attaques de la secte terroriste Boko Haram. Dans une région qui, avec celle du Nord, concentre à elle seule près de 56 % de la population pauvre du Cameroun, cette insécurité vient accentuer la précarité des ménages qui manquent pratiquement de tout ; notamment d’accès à des infrastructures sanitaires, hospitalières ou scolaires de qualité. Les premières victimes de cette situation étant les femmes et les enfants. Dans les écoles en particulier, où le manque de sanitaires limite la présence des jeunes filles.

Santé, éducation et assainissement sont des facteurs de développement étroitement liés. En 2015, l’Organisation mondiale de la santé chiffrait à 14 000 le nombre de décès dus à des maladies hydriques, directement attribuables au manque d’eau, de sanitaires et d’hygiène. Et de plus en plus d’études révèlent que les problèmes de nutrition et les retards de croissance qui découlent de ces maladies ont des conséquences graves sur le développement cognitif des enfants.

Dans le village de Seradoumda, un des villages de la commune de Mora, chef-lieu du département du Mayo-Sava, le projet pilote d’assainissement SANCAM financé par la Banque mondiale, apporte une lueur d’espoir aux enfants de cette communauté.

Il est 10 heures du matin et la température extérieure atteint déjà 33 degrés, dans l’école publique de Seradoumda, l’heure de la recréation vient de sonner. Un flot bruyant d’écoliers sort en courant des salles de classe. Pendant qu’un groupe d’élèves se rassemble dans la cour pour jouer, certains d’entre eux se dirigent vers les toilettes que l’établissement vient tout juste de construire. Avec l’aide des instituteurs, Bara Seini, le directeur, veille scrupuleusement à ce que les élèves respectent les règles d’hygiène mises en place : se laver les mains en sortant des toilettes, utiliser exclusivement les toilettes aménagées dans l’enceinte de l’école et ne pas faire ses besoins à l’air libre. Objectif ? Inculquer une bonne hygiène aux élèves et diminuer le pratique de défécation a l’air libre qui accroît la transmission de maladies hydriques, telles que la diarrhée ou le choléra, en contaminant l’eau.

Sachant que moins de 40 % des écoles primaires du Cameroun disposent de toilettes, la construction de ces nouvelles installations est une aubaine pour l’école de Seradoumda. En plus d’un bloc de six latrines (trois pour les filles et trois pour les garçons) équipés d’une rampe d’accès pour les enfants à mobilité réduite, l’école a également bénéficié de la construction d’un forage de 4,5 m3 de débit d’eau par heure et d’une réserve d’eau potable d’une capacité de 500 litres.

« Avant la réalisation de ces ouvrages, nous avions un taux d’absentéisme assez élevé au sein de notre école. Comme nous n’avions ni eau potable, ni toilettes, on avait instauré deux recréations de 15 minutes dans la matinée pour laisser les enfants rentrer chez eux boire de l’eau et se soulager », explique le directeur. « Mais généralement, 70% des élèves ne revenaient pas en cours après la deuxième recréation. Aujourd’hui, les enfants peuvent boire sur place et ont accès à des toilettes fonctionnelles. Nous n’avons plus qu’une seule recréation à 10h et le taux d’absentéisme a baissé de 70% à 5%. »

Ces dernières années, les conditions de vie des habitants de Seradoumda se sont améliorées grâce à la construction de ces différents ouvrages. Le village a gagné en attractivité et a accueilli plus d’une centaine de nouvelles familles venant de localités davantage exposées aux attaques terroristes. Au dernier recensement, les enfants de ces familles déplacées représentaient 11% des effectifs de l’école publique. 

« Ce projet d’assainissement touche indirectement différents secteurs : l’éducation, en favorisant la scolarisation des enfants dans des zones rurales défavorisées, la santé, à travers l’apprentissage des règles d’hygiène et l’utilisation de l’eau, mais aussi dans une certaine mesure, la protection sociale, en soutenant des communes qui accueillent des personnes déplacées ou refugiées » explique Elisabeth Huybens, directrice des opérations de la Banque mondiale pour le Cameroun. « Notre approche multisectorielle vise ainsi à mieux répondre aux défis de la pauvreté et de la fragilité dans la région la plus pauvre du Cameroun. »

En 2012, seule 45% de la population camerounaise avait accès à des installations sanitaires adéquates. En milieu rural, 54% de la population ne pouvait accéder qu’à des latrines insalubres et 12% pratiquaient encore la défécation en plein air. C’est pour remédier à cette situation que le ministère de l’Eau et de l’Énergie met en œuvre depuis 2012 le projet SANCAM avec l’appui financier et technique de la Banque mondiale, afin d’améliorer l’accès aux services d'assainissement en adoptant une approche pilote dans plusieurs zones, essentiellement dans la région de l’Extrême Nord et la ville de Douala.  

Dans la seule commune de Mora, le projet aura ainsi permis de construire 26 puits, 29 blocs de latrines dans les écoles publiques et de 11 blocs de 2 latrines dans les centres de santé. Il aura également formé plus d’une cinquantaine de jeunes en maçonnerie. Toutes ces réalisations bénéficient directement à plus de 100 000 personnes parmi lesquelles beaucoup de femmes et de jeunes.

Il s’agit maintenant d’entretenir durablement ces réalisations. « Nous avons créé un comité de gestion afin que les populations assurent l’entretien et la pérennisation des ouvrages d’assainissement et d’eau potable », explique Charles Delfieux, chargé de projet et spécialiste en eau et assainissement. « Ce comité veille aussi à ce que de bonnes pratiques d’hygiène soient adoptées, il collecte par ailleurs une somme auprès des ménages pour financer l’entretien et gère l’organisation des horaires d’usages des nouvelles infrastructures entre les habitants. » 

En tirant les enseignements de cette approche pilote développée par le projet SAN-CAM et des difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre, le ministère de l’Eau et de l’Énergie a pu développer un méthode pour améliorer durablement l’accès à l’assainissement et les habitudes d’hygiène en milieu rural. 



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