Défi
À l’instar de beaucoup d’autres pays d’Afrique subsaharienne, le Togo est confronté à une crise de l’emploi des jeunes. Bien que le taux de chômage y soit faible, le sous-emploi représente un sérieux problème pour des milliers de personnes. En 2017, neuf actifs sur dix occupent des emplois informels ou à faible productivité (dont 90,8 % en zone rurale et 87,2 % en zone urbaine). Cette situation est encore plus prononcée chez les femmes, où le taux d’emploi informel était estimé à 96,2 %, contre 78,8 % pour les hommes. Les femmes sont également confrontées à des difficultés particulières pour accéder aux programmes d’aide à l’emploi et aux facteurs de production nécessaires à la création d’entreprises (formelles) rentables (notamment la formation, la terre et le financement), en particulier dans les zones rurales. Le gouvernement togolais a entrepris plusieurs programmes pour faire face à ce défi, mais la plupart de ces programmes étaient conçus pour des jeunes urbains et éduqués. Par conséquent, les jeunes ruraux et non éduqués n’avaient pratiquement aucun programme pour répondre à leurs besoins et contraintes spécifiques.
Démarche
Le projet EJV a comblé cette lacune en proposant plusieurs interventions axées spécifiquement sur la jeunesse rurale. Il a permis à des jeunes pauvres et vulnérables du Togo d’accéder à des opportunités génératrices de revenus en mettant à leur disposition des emplois à court terme. Pour ce faire, il a mis en place des sous-projets de travaux communautaires demandant une main-d’œuvre importante tels que la remise en état de routes de desserte, le travail dans des fermes communautaires, des initiatives communautaires de reboisement, etc.
Le projet a encouragé la participation des femmes à ses activités en fixant un quota de 50 % de femmes bénéficiaires. À cet égard, il a fait en sorte que les sous-projets de travaux communautaires soient attrayants pour les femmes en soumettant à leur approbation une liste d’activités admissibles lors de l’identification des sous-projets par les communautés. Chaque bénéficiaire a eu droit à 20 jours-personnes d’emploi sur une période de quatre mois.
En outre, le projet a formé des jeunes admissibles au micro-entrepreneuriat et leur a fourni des subventions de contrepartie pour les aider à créer leurs propres microentreprises. L’accompagnement et la formation offerts sur une période de six mois comprenaient des conseils techniques d’experts en commerce ainsi que des programmes d’alphabétisation fonctionnelle. Après la formation, les bénéficiaires ont indiqué que 94 % de leurs microentreprises avaient survécu aux six premiers mois tout en générant des revenus.
Résultats
Le projet EJV a contribué à améliorer l’environnement des affaires et à élargir les possibilités d’emploi au Togo. Les emplois à court terme fournis ont généré des ressources qui ont permis aux ménages bénéficiaires de répondre à leurs besoins de consommation immédiats et d’accéder à d’autres services de base. D’après les témoignages de nombreux bénéficiaires, le projet leur a permis de faire plus que subvenir aux besoins alimentaires de leur famille. Ils ont également pu payer des frais de scolarité et envoyer leurs enfants au centre de santé local en cas de besoin.
Les jeunes participants ont développé leurs compétences entrepreneuriales, renforcé leurs moyens de subsistance et amélioré leur situation professionnelle. Si de nombreux participants au programme sont devenus des travailleurs indépendants, certains ont même créé des entreprises qui emploient des membres de leur village.
Après avoir consacré la première année (novembre 2017 à novembre 2018) à la dotation en personnel et à la sensibilisation des populations, le projet a été effectivement mis en œuvre de décembre 2018 à décembre 2021. Il a permis à plus de 14 400 jeunes vulnérables, dont 8 600 femmes, de bénéficier de possibilités d’emploi à court terme. Les bénéficiaires ont effectué collectivement 1 120 219 jours de travail.
Plus de 14 000 jeunes ont reçu une formation en micro-entrepreneuriat et ont pu élaborer des plans d’affaires de base. En outre, 11 495 jeunes ont créé ou développé une microentreprise après avoir reçu des subventions de démarrage du projet. En fait, 94 % d’entre eux travaillaient désormais à leur propre compte.
Dans une enquête réalisée en septembre 2021, 97 % des bénéficiaires du projet ont affirmé que les financements du projet les avaient aidés, en répondant à leurs besoins spécifiques. Par ailleurs, plus de 14 000 bénéficiaires ont ouvert un compte bancaire auprès d’institutions de microfinance locales. Enfin, des fermes piscicoles et fruitières, des systèmes de retenue d’eau pour soutenir le jardinage ou l’élevage et environ 200 plantations de forêts communautaires ont été créés.
Contribution du Groupe de la Banque mondiale
Le financement de l’Association internationale de développement s’élevait à 15 millions de dollars, dont plus de 8 millions ont été consacrés à la création d’emplois à travers des travaux publics à forte intensité de main-d’œuvre et la formation de micro-entrepreneurs. Par ailleurs, le projet a alloué 2,5 millions de dollars à des activités génératrices de revenus à travers l’octroi de subventions, et un million de dollars à la formation de plus de 200 comités de développement villageois aux techniques de gestion à l’échelon local.
Partenaires
L’ANADEB, qui est l’organisme d’exécution du projet EJV, s’est associée à l’Agence de coopération allemande (GIZ), qui soutient la stratégie nationale du gouvernement togolais visant à doter les jeunes de compétences entrepreneuriales. Elle a ainsi bénéficié de concours importants de la GIZ sous forme d’assistance technique et de formation de formateurs.
Perspectives
Le projet EJV a donné au gouvernement togolais la possibilité d’expérimenter une approche combinant l’emploi à court terme et la formation en micro-entrepreneuriat. Cette approche a permis de soutenir la création d’emplois pour la jeunesse rurale. Dans certains villages, de nouvelles actions communautaires offrent aux jeunes des possibilités supplémentaires de s’engager dans la pisciculture et le jardinage. D’autres actions, telles que les systèmes de retenue d’eau, permettent de stocker de l’eau pour le bétail et pour l’usage domestique pendant la saison sèche. La GIZ prévoit de financer la prochaine phase du projet dans d’autres communautés des régions du nord du pays. Et le gouvernement togolais envisage de transformer cette expérience en un programme national pour l’emploi axé spécifiquement sur les zones rurales.
Témoignages de bénéficiaires
Boukay Omorou est l’une des 70 bénéficiaires du projet EJV réalisé dans le village de Sigbenga, situé dans la région des Savanes au nord du Togo. Au cours de ses 80 jours de participation aux travaux communautaires et de formation à l’entrepreneuriat, elle a pu épargner jusqu’à 40 000 francs CFA (francs de la Communauté financière africaine) d’Afrique de l’Ouest. Elle a également reçu une subvention de contrepartie de 60 000 CFA du projet EJV pour démarrer une activité d’achat et de vente d’huile de cuisson. Les recettes générées par cette activité l’aident à subvenir aux besoins de sa famille. « Avant le projet, je priais tous les jours... de ne jamais me retrouver dans l’incapacité de nourrir mes enfants. Depuis que je participe au projet, l’avenir ne me fait plus peur », a déclaré Boukay.