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ARTICLE05 juillet 2023

Amazonie : huit pays ont le pouvoir de sauver la planète

The World Bank

Réserve nationale de Tambopata, dans l’Amazonie péruvienne. Photo : Wust Ediciones/SERNANP

La forêt amazonienne s’étend sur huit pays (Brésil, Bolivie, Colombie, Équateur, Guyana, Pérou, Suriname et Vénézuéla). Il est essentiel de tenir compte de leurs différences et de leurs singularités pour prévenir la déforestation et freiner le réchauffement de la planète.

L'Amazonie, dont la superficie dépasse les 7 millions de km², constitue l'une des zones les plus riches en biodiversité au monde. Elle contribue depuis des siècles à la conservation naturelle de la planète en absorbant des tonnes de dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre qui accélère le changement climatique.

« On y observe de nombreuses pratiques non durables. Parmi les causes de sa dégradation, citons les activités illégales, qui vont de l'exploitation forestière à l'accaparement des terres, en passant par la pêche et l'exploitation minière, mais il y a aussi, bien entendu, des facteurs macroéconomiques et plus lointains. Les variations des prix mondiaux des produits de base, comme le bois ou le soja, ou les fluctuations des taux de change, ont un impact indirect sur la déforestation. Nous avons tendance à ne penser qu'aux activités illégales, alors qu’en réalité, la déforestation est causée par l'activité de tout un système économique », souligne Genevieve Connors.

Les infrastructures sont elles aussi responsables de la déforestation. En 2020, la revue Nature Communications (a) a recensé 158 barrages en activité dans différents pays d'Amazonie et révélé qu’il est prévu d'en construire plus du double. Or si l'hydroélectricité est une source d'énergie renouvelable propre, certains projets génèrent d'importantes émissions de gaz à effet de serre.

 

Un soutien qui transcende les frontières

Plusieurs initiatives ont été mises en œuvre dans la région, comme le Programme pour des paysages durables en Amazonie (a), financé par le Fonds pour l'environnement mondial (GEF) et piloté par la Banque mondiale, qui a pour but d'élaborer des projets de conservation dans la région en collaboration avec plusieurs gouvernements et parties prenantes. Ce programme, dont la troisième phase est actuellement en préparation, a réussi à mobiliser 300 millions de dollars de financement pour restaurer des milliers d'hectares de terres et promouvoir des pratiques foncières durables, reconnaissant ainsi l'importance d'un équilibre entre la préservation de l'environnement et le développement de la région.

« La Banque mondiale dirige le programme, mais les fonds sont versés en grande partie aux gouvernements des différents pays afin qu'ils mettent en œuvre leurs propres programmes, contribuant ainsi à une vision unifiée pour la région. L'organisation s’efforce fondamentalement de soutenir la collaboration régionale, de susciter un échange de connaissances par le biais de formations, de séminaires, de conférences et d'évènements qui permettent aux scientifiques, aux ONG, aux populations autochtones et aux membres du gouvernement de se réunir et de partager leur expertise de la protection de l'environnement en Amazonie », indique Genevieve Connors.

Il n'est pas facile de travailler avec huit pays dans une région aussi complexe et hétérogène en termes de politiques, de besoins et de communautés autochtones. La coopération entre les gouvernements est indispensable à la conservation de la région et des progrès ont déjà été réalisés dans ce sens.

Ainsi, les pays de l'Amazonie ont signé le Traité de coopération amazonienne en 1978 et le Pacte de Leticia pour l'Amazonie en 2019.

« Il s’agit à mes yeux d’initiatives excellentes. Elles restent toutefois modestes par rapport aux besoins de la région et aux aspirations des nouveaux gouvernements. Par exemple, en Colombie et au Brésil, les pouvoirs publics réfléchissent déjà à ce qu'ils pourraient faire de plus, aux moyens d'unir leurs pays de manière plus forte, afin de préserver les écosystèmes naturels et d'éviter d'atteindre de multiples points de bascule. La Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP28), qui se tiendra cette année à Dubaï, en est un autre exemple. Le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, a confirmé que la COP30 se tiendrait en Amazonie dans deux ans [et qu’il serait mis fin à la déforestation d'ici à 2030]. D'ici à 2025, la ville de Belém, dans l'État du Pará, devrait accueillir plusieurs sommets. L'une des priorités est de renforcer le leadership régional pour résoudre le problème de l'Amazonie », affirme Genevieve Connors.

D’après le rapport de la Banque mondiale sur le climat et le développement au Brésil (a), il faut mettre en œuvre des stratégies de protection et de conservation de la forêt tropicale, en augmentant la production de denrées alimentaires sur des surfaces plus réduites. Dans cette optique, un rapport a récemment été publié qui préconise de mettre davantage l'accent sur la productivité (a) afin de promouvoir le développement économique et de réduire la pression sur les forêts dans les États de l'Amazonie brésilienne.

The World Bank

Département de Guaviare, dans l’Amazonie colombienne. Photo : Jairo Bedoya/ Banque mondiale

Les marchés du carbone, une solution pour les habitants

La préservation de l'Amazonie doit aller de pair avec le développement de sa population et il importe de trouver un équilibre entre la valeur accordée à la forêt et la pratique d'activités comme l'agriculture et l'élevage. En ce sens, la population autochtone a un rôle fondamental à jouer, puisque plus de 2 millions de personnes vivent et prospèrent sur ces terres depuis des milliers d'années.

« La croissance économique n’est pas incompatible avec la protection des droits des populations autochtones, qu'il s'agisse des terres ou des ressources. S’agissant des marchés du carbone, par exemple, il n'y a aucune raison pour qu'une partie de ces revenus ne soit pas partagée. Les recettes doivent aussi bénéficier aux populations autochtones qui vivent sur ces terres. Il existe bien sûr toujours une tension entre la protection de l’environnement et le développement, que ce soit pour les populations autochtones ou pour d'autres. Je pense que les pays d'Amazonie s’efforcent vraiment d'y réfléchir dans leurs constitutions et dans leurs politiques », assure Genevieve Connors.

De même, le secteur privé doit promouvoir des investissements qui favorisent un développement durable, avec une connaissance de la région et le souci de l’environnement : « Il n'est jamais facile de financer la nature parce qu'il est difficile de générer des revenus dans ce domaine. Or c'est précisément ce que le secteur privé recherche : des flux de revenus provenant de l'exploitation d'un port, de la construction d'un barrage ou de l'exploitation d'une centrale d'énergie renouvelable. Il est très difficile d'attirer le secteur privé vers ce secteur : financer des arbres, quel intérêt ? C'est la raison pour laquelle les marchés du carbone sont absolument essentiels : ils génèrent le type de revenus qui intéressent le secteur privé. »

La tâche est complexe et nécessite la collaboration de différents secteurs, mais les gouvernements doivent être à l’initiative des actions visant à protéger la forêt amazonienne, en élaborant des politiques efficaces fondées sur la recherche scientifique et associées à des campagnes de sensibilisation et à l'adoption de pratiques durables.  

Et Genevieve Connors de conclure : « Nous constatons que les pays amazoniens sont de plus en plus nombreux à jouer un rôle de chef de file. J'espère que ce sont eux qui prendront les devants et qui nous fourniront des enseignements. »

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