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ARTICLE 17 septembre 2019

Q&A: Éducation dans les pays MENA : tenir les promesses

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Alethea Dopart/Banque Mondiale


Des millions d’habitants des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) se préparent à la nouvelle rentrée scolaire. C’est une période d’optimisme, pleine de promesses pour les jeunes gens et leurs communautés qui investissent dans leur avenir en misant sur les études et les apprentissages. Un grand nombre d’initiatives sont en cours dans la région pour réformer les systèmes éducatifs dans le but de concrétiser les espoirs placés dans l’éducation.

Nous avons demandé à Andreas Blom, chef de service au pôle d’expertise en Éducation pour la Région MENA de la Banque mondiale, d’éclairer ces enjeux.

 

Q1 : À la veille de la rentrée des classes, quels sont les principaux défis de la région et les solutions pour y remédier ?

Déjà, il faut rappeler que plus de 800 000 enfants syriens réfugiés ne sont toujours pas scolarisés. C’est un risque pour ces enfants, mais aussi pour la région tout entière. Nous devons continuer à travailler, avec les gouvernements et les partenaires du développement, pour résoudre ce problème. Au Liban par exemple, la Banque mondiale soutient depuis 2016 l’élargissement du système public d’éducation. Il reste encore beaucoup à faire même si, à compter de cette année, plus de 210 000 réfugiés syriens seront inscrits dans les établissements publics du pays, de la maternelle au secondaire. Dans les pays frappés par un conflit comme le Yémen, le nombre d’enfants privés d’école est colossal, puisqu’il atteint 2 millions. Sans oublier un problème commun à tous les pays de la région : celui de la qualité de l’éducation. Environ 64 % des enfants de dix ans ne maîtrisent pas suffisamment bien la lecture pour comprendre une histoire courte — une contreperformance qui se traduit dans les résultats obtenus aux évaluations internationales et nationales.

Mais je tiens à souligner aussi que la région s’est engagée à mesurer ses progrès et ses réussites. Les résultats de la dernière étude PISA, attendus en décembre 2019, seront pour les pays arabes l’occasion de faire le bilan et, en s’appuyant sur les données recueillies, de concevoir et mettre en œuvre des programmes de réforme de l’éducation.

Q2 : Pouvez-vous citer quelques-unes des grandes réformes de l’éducation en cours dans la région MENA ?

La région fait preuve d’une grande ambition en la matière.

L’an dernier, l’Égypte a engagé un vaste train de réformes pour améliorer la qualité de son éducation. Le pays entend notamment introduire un nouveau système d’évaluation dans les écoles secondaires qui permettra de privilégier les compétences analytiques et non plus le par-cœur. Au cœur du programme, un emploi judicieux de la technologie et des ressources numériques.

Au Maroc, le ministère de l’Éducation a également lancé une série de programmes d’envergure, dont la Vision 2015-30 pour l’éducation, qui pose les jalons de la « nouvelle école marocaine ». Et le programme d’appui au secteur de l’éducation, financé par la Banque mondiale, vise à favoriser un changement d’approche, au profit de principes de gouvernance axés sur les résultats et non plus sur les ressources. L’objectif est d’améliorer la qualité et l’efficacité des services d’éducation et, ce faisant, les acquis scolaires de tous les élèves.

Le Koweït déploie quant à lui le plus vaste programme de réforme de l’éducation de tous les pays du Golfe. Lancé en 2015, il couvre tous les « intrants » éducatifs — enseignants, programmes, mécanismes de responsabilité, normes, évaluations nationales et données sur l’éducation — et va de la première à la neuvième année de scolarité.

La Banque mondiale a largement soutenu toutes ces initiatives de réforme, potentiellement délicates parce qu’elles touchent toutes les familles et tous les ménages. Mais la situation oblige à réformer : les systèmes éducatifs ne sont pas aussi efficaces qu’ils le devraient et, pour favoriser le changement, il faut impliquer tous les partenaires clés : les enseignants, les parents, les élèves et la société tout entière.

Q3 : On parle beaucoup de la « quatrième révolution industrielle ». Que font les gouvernements des pays de la région MENA pour s’assurer que leur jeunesse pourra en tirer le meilleur parti ?

La Banque mondiale va redoubler d’efforts cette année pour préparer les jeunes de la région MENA aux attentes de marchés du travail qui évoluent constamment. L’initiative en soutien au renforcement des compétences dans les pays du Machreq permettra à 500 000 jeunes femmes et hommes en Iraq, en Jordanie et au Liban d’accéder aux opportunités de l’économie numérique. La Banque mondiale collaborera avec le secteur privé en vue d’introduire les compétences numériques dans les cursus du secondaire, de déployer des programmes d’insertion professionnelle pour les diplômés du supérieur et de faciliter l’accès à des formations et des plateformes en ligne pour les jeunes qui travaillent.

Autre exemple allant dans le même sens, l’initiative Compétences pour l’avenir : en partenariat avec Amazon Web Services et Code.org, ce projet organise des « camps d’entraînement » pour familiariser les jeunes des pays de la région MENA à différentes compétences numériques à travers des formations de base. Voici deux mois, un de ces ateliers organisé à Dubaï a attiré 150 étudiants très désireux de prendre part aux différentes activités proposées.

En Tunisie, le renforcement des moyens de subsistance des jeunes fait également partie des objectifs du projet pour l’enseignement tertiaire et l’employabilité : grâce à des financements concurrentiels en soutien à des programmes d’excellence académique et d’employabilité dans les établissements d’enseignement supérieur, il s’agit de renforcer certaines compétences, comme la résolution de problèmes, le travail en équipe, le recours aux technologies de l’information, la sensibilisation aux aspects commerciaux et à la relation clients, l’ouverture aux nouvelles idées et la volonté de s’en servir pour créer de la valeur. Depuis son lancement en 2016, le projet a octroyé plus de 80 bourses centrées sur la formation à l’employabilité et, actuellement, près de 18 500 étudiants suivent des formations soutenues par le projet.

Q4 : Quels sont les changements que vous appelez de vos vœux dans les systèmes éducatifs des pays de la région MENA et avez-vous des attentes prioritaires ?

La plupart des pays de la région ont témoigné de leur volonté d’investir dans leur population. La région MENA est celle qui compte le plus grand nombre de pays à avoir adopté très tôt le Projet pour le capital humain de la Banque mondiale, dont l'objectif est de susciter un soutien aux plus hauts niveaux en faveur de l’éducation et de la santé, en commençant par garantir à tous les enfants des services d’éducation de la petite enfance de qualité. Plusieurs études rigoureuses menées dans le monde entier ont démontré que les investissements dans les premières années d’un enfant avaient un impact profond sur les performances futures de l’individu, sur le plan éducatif et sanitaire — et les gouvernements des pays de la région MENA consacrent toujours plus de moyens à l’éducation de la petite enfance. Comme la Jordanie, la Cisjordanie et Gaza viennent d’adopter des lois pour universaliser la scolarité en deuxième section de maternelle. Les enjeux de l’élargissement de l’accès à des services d’éducation de la petite enfance de qualité seront au coeur de la première édition des « Assises du développement humain » qui se tiendra à Rabat, au Maroc, les 18 et 19 septembre prochains.

Nous nous intéresserons aussi de près à la place de la technologie dans l’éducation, dont le rôle ne cesse d’évoluer. Les initiatives en faveur des technologies éducatives (« EdTech »), qui permettent de proposer des services éducatifs de qualité de manière plus efficace, durable et modulable, seront plus systématiquement intégrées à nos projets actuels et à venir.

Enfin, je compte sur les pays de la région MENA pour être toujours plus nombreux à participer aux évaluations à grande échelle. Des études internationales et nationales comme PISA et TIMSS attirent souvent l’attention et peuvent déboucher sur des appels à réformer, surtout lorsque les résultats déçoivent les attentes de la population. Contrairement à la plupart des pays de la région, qui participent toujours plus nombreux et plus fréquemment à ces évaluations, certains ont fait le choix contraire. J’en appelle aux gouvernements de la région : prenez régulièrement part à ces évaluations de grande ampleur, car c’est l’occasion idéale de mesurer la performance de vos systèmes éducatifs et de recueillir des éléments probants pour bâtir des réformes au service d’un apprentissage plus efficace.



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