L’insécurité foncière est un concept abstrait pour beaucoup. Mais pour la majorité des populations pauvres du monde, c’est une réalité très concrète : les droits fonciers sont un luxe, quand on sait que 30 % seulement des habitants dans le monde détiennent un titre de propriété officiel.
La sécurisation des droits fonciers est un enjeu important pour la réduction de la pauvreté et le partage de la prospérité, au niveau des pays mais aussi des populations. Cette problématique était au cœur de l’édition 2017 de la conférence de la Banque mondiale sur la terre et la pauvreté (a), qui s’est tenue cette semaine à Washington. La reconnaissance des droits fonciers est essentielle pour stimuler l’investissement et la croissance, en particulier dans les domaines de l’agriculture et de l’infrastructure ; elle permet aussi de lutter contre les expropriations et les migrations forcées et contribue ainsi à la résilience des pays et de leur population face aux chocs.
« Pour bâtir des sociétés durables, il faut résoudre les problèmes fonciers : les pays, les régions, les villes et les villages ont besoin de droits de propriété bien établis, de frontières claires et de services fonciers accessibles pour pouvoir croître économiquement », souligne Ede Ijjasz-Vasquez, directeur principal du pôle Développement social, urbain et rural de la Banque mondiale. « Les autorités doivent disposer d’informations géographiques précises pour pouvoir planifier la construction de routes, le développement de services publics et d’infrastructures, et, ce faisant, créer des emplois. »
L’exemple de l’ex-République yougoslave de Macédoine est édifiant à cet égard. En 2005, un tiers seulement des logements étaient officiellement enregistrés. Les habitants ignoraient tout bonnement leurs droits et, s’ils s’en enquéraient auprès des organismes compétents, ces derniers n’étaient pas en mesure de leur fournir d’informations précises. Un projet de la Banque mondiale (a) a aidé les autorités du pays à réformer la législation et la réglementation sur la propriété.
Cette opération a financé la création de services privés de relevés cadastraux (a), ce qui a permis à l’agence du cadastre immobilier de renforcer ses fonctions de supervision et de contrôle de la qualité. En 2005, le pays comptait 14 géomètres privés accrédités ; à la fin du projet, il en recensait 249, plus 152 cabinets de topographie. En outre, la plupart des services sont désormais disponibles en ligne et accessibles sur tous les appareils, y compris les smartphones, à la fois dans la langue locale et en anglais afin d’attirer des investissements directs étrangers dans l’immobilier.
Résultat : le cadastre couvre à présent 99 % du territoire national, contre 43 % il y a dix ans. Les délais pour enregistrer une vente ou un prêt hypothécaire ont été réduits à un jour voire deux maximum, contre deux mois auparavant. Des progrès qui ont encouragé les investissements privés : la valeur des prêts hypothécaires est passée de 450 millions d’euros à 3,4 milliards.
« Le changement est manifeste : maintenant je peux transformer rapidement mes biens immobiliers en actifs pour financer mon entreprise, ce qui est très utile compte tenu du marché dynamique dans lequel nous travaillons », témoigne Maja Dimitrievska, une femme chef d’entreprise à Skopje.
Mais la sécurisation des droits de propriété n’est pas seulement utile du point de vue de la croissance et du climat d’investissement d’un pays. C’est aussi un aspect crucial de l’inclusion sociale, en particulier pour des catégories sociales historiquement marginalisées, comme les populations autochtones notamment.
Au Nicaragua, par exemple, les autorités ont lancé à partir de 2002 un programme important de réformes juridiques, politiques et institutionnelles qui ont permis la reconnaissance des droits fonciers des communautés autochtones. Quinze ans plus tard, et avec l’appui de la Banque mondiale, les résultats sont là : le Nicaragua a recensé et enregistré la totalité des 23 territoires ancestraux de sa côte caraïbe, ce qui représente plus de 30 % du territoire national.