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Transparence et responsabilisation : des facteurs clés pour une décentralisation réussie en Tunisie

15 septembre 2016



LES POINTS MARQUANTS
  • Pour atteindre les objectifs de la révolution de 2011, la Tunisie s’est engagée dans un processus de décentralisation visant à rapprocher les pouvoirs publics de la population et faire en sorte qu’ils soient plus à l’écoute des citoyens et leur rendent davantage de comptes.
  • Cette volonté s’est traduite par l’octroi de pouvoirs plus étendus aux collectivités locales, y compris de responsabilités accrues sur le plan budgétaire, une évolution que la Banque mondiale a appuyée avec l’approbation, en 2014, du premier « programme pour les résultats » en Tunisie.
  • Cette opération a donné lieu à l’établissement d’un ensemble de critères objectifs que les collectivités locales doivent respecter pour recevoir des fonds et que plus de 90 % d’entre elles sont déjà parvenues à remplir.

Depuis la révolution de janvier 2011, la Tunisie est déterminée à rapprocher les autorités gouvernementales de leurs administrés. À cette fin, les Tunisiens ont décidé d’opérer un changement radical par rapport au système ultra-centralisé du régime précédent. La Constitution de 2014 prévoit de créer des communes (collectivités locales) entièrement indépendantes au sein de structures de gouvernance locales bien pensées permettant d’établir des contrats sociaux crédibles et durables entre les élus locaux et leur électorat. Pour le gouvernement, ces réformes constituent l’une des pierres angulaires de la construction de l’État, contribuant à la stabilité politique et à un développement équitable.

Donner des pouvoirs aux collectivités locales

Dans la mesure où environ 70 % de la population tunisienne vit en ville, les pouvoirs publics ont pris conscience que consulter les citoyens ne suffisait pas à obtenir une participation citoyenne effective. Rompant avec le passé (et une structure extrêmement centralisée fondée sur l’ordre et le contrôle), les autorités nationales sont en train de mettre en place un système dans lequel les collectivités locales sont indépendantes du pouvoir central pour les décisions locales, en particulier lorsqu’elles touchent au choix des investissements dans les services locaux — un élément essentiel pour responsabiliser les collectivités locales vis-à-vis des habitants. La capacité des collectivités locales à utiliser et mettre en œuvre leur pouvoir de décision doit être garantie par des transferts budgétaires prévisibles du budget d’investissement de l’État chaque année, qui s’inscrivent dans une enveloppe sur cinq ans indicative mais assurée, afin de pouvoir programmer des investissements de manière fiable et définir les priorités annuelles. Par ailleurs, les autorités gouvernementales ont demandé d’élaborer un système d’attribution des dotations transparent et objectif afin d’éviter la manipulation politique des dotations et de garantir un sentiment d’objectivité, de justesse et d’équité.

Pour favoriser la transparence, l’État a décidé que les performances des collectivités locales seraient évaluées chaque année par un audit indépendant, au regard d’indicateurs détaillés prédéterminés couvrant globalement trois grands domaines : la gouvernance, la durabilité et la gestion. Les intentions du gouvernement sont les suivantes : premièrement, rendre publiques en temps réel les évaluations des performances annuelles, pour que les habitants puissent voir ce que leurs collectivités locales ont réalisé et comment elles se comparent à d’autres ; et deuxièmement, créer un dispositif incitatif pour les collectivités locales en liant le montant de leur dotation annuelle à la note obtenue à l’évaluation annuelle.

Décentralisation et programme pour les résultats

Le gouvernement a sollicité l’aide de la Banque pour l’élaboration du Programme pour le développement urbain et la gouvernance locale, qui constitue le premier financement de l’institution relevant d’un « programme pour les résultats » (c’est-à-dire dont les versements sont conditionnés à l’obtention de résultats) en Tunisie. Avec cette opération, il s’agit de réformer le système actuel de vérifications et de contrôles préalables (ex-ante) pour mettre en place un système ex-post de suivi et d’évaluation des performances des collectivités locales. Ses principales caractéristiques sont les suivantes :

  • introduction d’un système d’attribution de dotations forfaitaires, comprenant des critères objectifs, mesurables, qui assurent un processus transparent et garantissent des flux de ressources prévisibles ;
  • dispositif incitatif qui encourage les collectivités locales à être performantes en liant les montants des dotations versées à la note obtenue à l’évaluation des performances et en veillant à ce que les notes d’évaluation ainsi que l’impact de leurs notes sur les dotations versées soient publiées sur un portail électronique en temps réel (y compris la comparaison de leurs performances avec celles d’autres collectivités locales) ;
  • communication aux collectivités locales de leurs dotations indicatives sur cinq ans afin qu’elles puissent mieux planifier leurs opérations et répondre de façon plus réaliste aux priorités des habitants ;
  • introduction d’un système de renforcement des capacités en fonction de la demande, visant à fournir une assistance technique sur place « juste à temps » pour permettre aux collectivités locales d’atteindre leurs performances dans les domaines clés ciblés.

La première année du programme a été consacrée à la mise en place des réformes institutionnelles et budgétaires nécessaires et des dispositions législatives et réglementaires associées, essentielles au fonctionnement du système décrit ci-dessus. Il a notamment fallu élaborer et mettre en application trois décrets : le premier a remplacé l’ancien décret régissant l’attribution des dotations en capital aux collectivités locales, le deuxième a établi la formule d’attribution des dotations, et le troisième a adopté un manuel détaillé pour l’évaluation des performances.

Adhésion des collectivités locales et confiance des pouvoirs publics

Le programme se trouve au milieu de sa deuxième année et a enregistré d’importants progrès. Le nouveau système de dotation basé sur les performances a été lancé et progresse de manière très satisfaisante. Alors que l’objectif était que 70 % des collectivités locales remplissent les conditions minimales obligatoires définies pour pouvoir recevoir les dotations, plus de 90 % les ont satisfaites, notamment en mettant en place des procédures avisées de consultation des citoyens et en préparant à temps leurs budgets avec des plans d’investissement détaillés pour 2016. Ces résultats ont conduit le ministère des Finances à débloquer les fonds des dotations 2016 afin de permettre l’application des plans d’investissement des collectivités locales selon le calendrier prévu.

À ce stade, deux des côtés du triangle sont en place : le cadre réglementaire institutionnel et budgétaire, et le système d’évaluation des performances. Le troisième côté est encore en chantier : il s’agit de la diffusion publique des performances des collectivités locales, dont la mesure s’effectuera au regard des engagements de la commune elle-même mais aussi par rapport aux autres collectivités locales. L’outil principal, le portail électronique, est prêt, et le processus destiné à assurer son alimentation par des données clés en temps réel devrait fonctionner à temps pour le cycle de planification budgétaire 2017, qui comprend la diffusion des résultats de l’évaluation des performances pilote.


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