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Crise des réfugiés : les municipalités en première ligne

03 août 2016


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LES POINTS MARQUANTS
  • Face aux défis inédits découlant de la crise des réfugiés, les municipalités doivent mobiliser les moindres ressources disponibles.
  • La pénurie de services municipaux peut alimenter les tensions et aggraver la fragilité des communautés d’accueil et des réfugiés.
  • L’afflux de réfugiés syriens peut aussi représenter une opportunité pour la mise à niveau des infrastructures, des services et des systèmes de gouvernance des communautés d’accueil et, partant, renforcer la résilience des populations.

Le conflit qui s’éternise en Syrie, poussant des millions de personnes à fuir leur pays, complique singulièrement la donne pour les pays de la Méditerranée, avec des répercussions dans toute l’Europe. Depuis 2011, la Turquie, le Liban et la Jordanie, qui ont des frontières communes avec la Syrie, ont absorbé l’essentiel des quelque 5 millions de réfugiés syriens, soit 86 % environ du total. À titre de comparaison, l’Union européenne en a accueilli 8 %. Tandis que les pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) ont dû gérer cette crise sur fond de fragilité économique et politique, les pays européens, rapidement touchés par ses soubresauts et aux prises avec une croissance languissante, étaient mal préparés. Partout, les municipalités se sont retrouvées en première ligne.

Dans la région MENA, 86 % des réfugiés se vivent dans les villes, un taux nettement supérieur à la moyenne mondiale, de 60 %. Ce qui a obligé les municipalités et les autorités locales à assumer un rôle de premier plan pour garantir la continuité des services et favoriser l’insertion de ces nouveaux arrivants. L’afflux de réfugiés syriens a ainsi exercé d’énormes pressions sur la gestion des déchets et l’immobilier, sachant que les collectivités locales ont dû aussi se saisir des questions d’éducation, d’emploi, d’aide humanitaire, d’hébergement d’urgence…, qui ne relèvent habituellement pas de leurs compétences.

« La hausse des loyers ou la pénurie de logements, exacerbées par une demande soutenue, font partie des plus gros problèmes à gérer par les municipalités, en plus du chômage, qui touche aussi bien les Jordaniens que les Syriens », souligne Imad Issa, coordinateur du programme d’intervention d’urgence et de résilience sociale au ministère des Affaires municipales de Jordanie. « Les municipalités sont soumises à d’incroyables pressions.»

Comprendre les besoins des municipalités


Les communautés d’accueil des deux rives de la Méditerranée ont fait preuve d’une résilience extraordinaire face à cette crise, confrontées aux mêmes difficultés et nourrissant les mêmes préoccupations. Pour les municipalités impliquées dans la gestion des réfugiés, l’échange d’expériences et de meilleures pratiques devrait leur permettre de concevoir ensemble des réponses efficaces, améliorer leurs capacités d’anticipation et d’adaptation et garantir le bien-être de chacun, aussi bien réfugiés que résidents.

C’est dans ce contexte que le Centre pour l’intégration en Méditerranée (CMI), la Banque mondiale et le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) ont organisé fin mai à Amman, en Jordanie, leur premier atelier d’apprentissage entre pairs pour les communautés d’accueil. Soixante-dix représentants de collectivités locales dans la région MENA, en Turquie et en Europe ont pu ainsi échanger leurs expériences et discuter de solutions innovantes, entre autres pour gérer l’afflux de réfugiés, favoriser leur insertion et préserver la cohésion sociale.


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La plupart des participants ont indiqué ne pas avoir les compétences techniques, les moyens humains et les ressources financières nécessaires pour affronter cette crise. D’où leur décision de concevoir ensemble des approches et des stratégies de résilience afin de doter les municipalités et les citoyens d’outils pour affronter les prochains chocs et les futures crises.

« Lorsque la première vague de réfugiés est arrivée en Turquie, nous avons réagi sur le plan humanitaire, dans une optique de court terme. Cinq ans plus tard, nous voyons bien que cette réponse ne suffit pas et c’est pour cela que nous voulons renforcer les capacités institutionnelles et le développement social », explique Önder Yalçın, responsable du bureau des migrations de la municipalité métropolitaine de Gaziantep, en Turquie.

Les représentants des autorités locales ont insisté sur la nécessité de resserrer la collaboration entre pouvoirs locaux et nationaux ainsi qu’avec les organisations non gouvernementales, en particulier pour tout ce qui touche à l’emploi, aux moyens de subsistance, à la santé et à l’éducation.

La crise des réfugiés ayant exacerbé les tensions sociales, des activités conjointes impliquant les résidents et les réfugiés sont apparues comme un moyen d’améliorer leurs rapports et, en facilitant la cohabitation, de renforcer la stabilité. Ce sera aussi l’occasion de recenser les besoins et les ressources de la population et de pérenniser les actions engagées.

Les discussions ont également souligné le besoin de recueillir et compiler des données sur les réfugiés et les villes d’accueil (profil démographique, aptitudes professionnelles/parcours éducatif, état des infrastructures, inventaires des espaces et des bâtiments disponibles…) afin de pouvoir informer de manière plus systématique et précise les décisions politiques et les mesures engagées.

En accueillant ces populations, les municipalités contribuent au bien public mondial absolument vital, d’où la nécessité de s’assurer que les habitants et les réfugiés aient accès à des services de qualité.

« Les municipalités ont un rôle majeur à jouer, en fournissant des services sociaux aux communautés d’accueil et aux réfugiés mais aussi en renforçant la résilience », rappelle Saroj Kumar Jha, directeur principal de la cellule Fragilité, conflits et violence du Groupe de la Banque mondiale. « La crise des réfugiés peut être l’occasion de favoriser le développement économique à moyen et long terme de ces villes. »

Enfin, le secteur privé doit être impliqué dans la recherche de solutions durables, pour le logement, l’emploi et le développement économique local notamment, pour autant que cela débouche sur de nouveaux emplois et des investissements dans les infrastructures.

À travers son Programme pour les réfugiés et les communautés d’accueil en Méditerranée, le Centre pour l’intégration en Méditerranée mettra sur pied un réseau des municipalités hôtes dans la région MENA et au-delà, dans le but d’assurer un suivi de ces discussions. Des outils adaptés permettront d’organiser régulièrement des séances d’échange et d’apprentissage, lors par exemple d’ateliers techniques autour de questions prioritaires pour les responsables municipaux, de discussions entre pairs dans les pays d’accueil et de visites de terrain à visée technique. Une réunion annuelle de partage d’expériences transrégionales et transsectorielles est également à l’ordre du jour.


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