Quel est le point commun entre les braconniers d’éléphants, les pirates somaliens et le groupe État islamique ? Le fait que toutes ces activités puissent être analysées sous l’angle de l’économie d’investigation, une discipline qui applique les outils économiques aux pratiques criminelles afin de trouver des stratégies plus fines pour les combattre.
Quy-Toan Do, économiste senior à la Banque mondiale, a expliqué lors d’un récent séminaire (a) comment les outils et les données de l’économie d’investigation aident aujourd’hui les décideurs à mieux comprendre d’où les réseaux criminels tirent leurs revenus. Grâce à des instruments qui permettent de modéliser les motivations des criminels et de prédire leurs comportements, les institutions de développement, les pouvoirs publics, la société civile et d’autres parties prenantes disposent désormais d’armes plus efficaces pour perturber le financement de ces activités illégales.
« La criminalité et les conflits violents sont malheureusement très répandus de nos jours », a rappelé Asli Demirguc-Kunt (a), directrice de la recherche à l’origine de cette rencontre. « Les échanges d’aujourd’hui sont passionnants en cela qu’ils permettent de relier les expériences et les leçons tirées de trois études de cas qui traitent de sujets aussi différents que la piraterie somalienne, le trafic d’ivoire et l’islamisme radical. Toutes ces activités représentent en fait autant d’échecs à installer des institutions étatiques efficaces et elles ont de nombreuses conséquences régionales et mondiales, en particulier sur le plan du commerce, de la biodiversité et de l’afflux de réfugiés ».
Lancée dans les années 70 par le prix Nobel Gary Becker, l’économie d’investigation part du principe que les criminels se comportent comme n’importe quel autre agent économique rationnel et réagissent à des incitations. Tout marché est organisé autour de « l’offre » de criminels potentiels et de la « demande » d’actions illégales, à savoir toutes les occasions possibles de commettre un crime. Avec ce cadre d’offre et de demande, « nous avons tous les éléments pour créer un marché mais aussi tous les outils requis pour réglementer ce type d’activités », explique Quy-Toan Do.
Depuis cinq ans, celui-ci a appliqué cette théorie à des situations réelles de criminalité et d’extrémisme violent, pour en retirer des enseignements inédits et souvent inattendus.