Intéressés par le potentiel du tourisme de nature, plusieurs pays se sont adressés au Groupe de la Banque mondiale pour des conseils et des investissements destinés à renforcer la pérennité, la gouvernance, la compétitivité et le rôle du secteur privé.
En Tanzanie par exemple, où le tourisme a globalement peu souffert de la récession de 2009, la Banque a effectué une évaluation des « valeurs touristiques d’avenir » (a) et constaté que si le pays était parvenu à bâtir une industrie solide et rentable, il se trouvait désormais à la croisée des chemins : « Les nouveaux projets de développement autour des principaux atouts touristiques du pays doivent être soigneusement planifiés et mis en œuvre pour éviter qu’ils ne compromettent la valeur économique et la pérennité de l’écosystème sous-jacent », met en garde le rapport. Le partage des gains et l’association des communautés locales font également partie des conditions vitales pour assurer l’avenir du secteur.
L’étude estime que la Tanzanie peut diversifier son tourisme et soulager certaines régions en développant le Sud, qui abrite 10 % de la population mondiale de lions. Il faut pour cela améliorer l’environnement des affaires, gérer les pressions sur les ressources hydriques, lutter résolument contre le braconnage et privilégier le développement de liens avec le reste de l’économie.
La Banque prépare un financement pour renforcer les aires de gestion communautaire de la faune et former les populations locales pour qu’elles puissent intégrer la filière touristique. Elle aide également les autorités tanzaniennes à se doter d’un cadre réglementaire efficace pour le secteur.
Cette approche intégrée concerne également les Caraïbes, où les touristes se pressent pour profiter de plages immaculées et admirer des récifs coralliens en bonne santé. Le tourisme de nature est l’un des principaux contributeurs à la richesse nationale, avec 25 millions d’arrivées en 2014 équivalant à 49 milliards de dollars de revenus et 11,3 % des emplois.
« Malgré l’importance du secteur touristique, seule une fraction des avantages qui en découlent revient aux pays insulaires d’accueil puisque la plupart des séjours sont organisés par des entreprises étrangères en lien avec des hôtels détenus par des intérêts étrangers », note Pawan Patil, économiste senior à la Banque mondiale. « Le Groupe de la Banque mondiale renforce son assistance technique et son soutien à l’innovation dans les nations caribéennes pour que les petits États insulaires puissent exploiter à plein leur économie bleue. »
Une évaluation des coraux de la Grenade réalisée l’an dernier a ainsi mis en évidence l’impact délétère du réchauffement de la mer. La Banque s’associe donc à des acteurs et des fondations privés de la Grenade et de la Jamaïque pour lancer une initiative communautaire de restauration d’une partie de la barrière de corail qui sera financée par les contributions volontaires de visiteurs étrangers, et qui, parallèlement, formera et embauchera des « jardiniers de la mer » pour entretenir les coraux plantés.
En Jordanie où, jusqu’au Printemps arabe, l’industrie du voyage et du tourisme représentait 12,5 % du PIB, « le tourisme de nature est considéré comme l’un des piliers de la renaissance de l’activité, grâce à la diversité des paysages nationaux », explique Banu Setlur, spécialiste senior de l’environnement. Le Projet de soutien aux écosystèmes et aux moyens de subsistance dans la région de Badia (a) entend réintroduire un écotourisme communautaire dans une aire d’environ 300 kilomètres au nord de cette zone désertique, avec la création d’écogîtes et de campings censés favoriser un tourisme restreint mais rémunérateur pour les populations locales. L’écogîte de Feynan par exemple emploie près de 32 personnes et en fait vivre des dizaines d’autres.
La Royal Society for the Conservation of Nature reproduit ce modèle dans d’autres réserves et prévoit de l’appliquer dans la future aire protégée de Burqu, en s’appuyant sur un projet de développement élaboré avec les communautés locales.
Au Mozambique, l’approche intégrée de la gestion du paysage promue par la Banque a donné lieu au programme d’aires de conservation transfrontalières et de développement du tourisme (a) qui cherche à protéger la diversité biologique et promouvoir la croissance économique grâce au tourisme de nature. Les corridors pour la faune, ces habitats naturels indemnes de tout contact avec l’activité et les infrastructures humaines (comme les routes), sont essentiels pour des espèces comme les éléphants d’Afrique ou les requins-baleines. Plusieurs aires de conservation du Mozambique partagent leurs ressources biologiques et écologiques avec les pays voisins et les différents types de menaces qui pèsent sur cette biodiversité exigent une collaboration entre autorités locales, communautés, petits exploitants, grands propriétaires terriens et autres.
Au nombre des retombées positives du programme, la coopération entre pays voisins, l’extension des aires de conservation, l’amélioration des infrastructures, la création d’entreprises, de revenus et d’emplois pour les habitants du cru et une hausse de l’activité touristique de pratiquement 200 % entre 2006 et 2013. Le programme Mozbio entre dans sa troisième étape, avec le Projet d’aires de conservation pour la biodiversité et le développement (a). Afin de profiter pleinement de l’essor attendu du tourisme et faire reculer la pauvreté dans les zones proches des aires de conservation, le projet va étendre la protection des ressources marines à trois nouvelles zones très fréquentées par les touristes et renforcer la capacité globale du pays à gérer ce secteur. « C’est une chance extraordinaire pour le Mozambique », souligne Claudia Sobrevila, spécialiste senior de l’environnement, « puisque le tourisme de nature, dans l’intérieur des terres et sur le littoral, devrait être le premier contributeur à la croissance du pays dans les prochaines décennies. »
Andrea Borgarello for TerrAfrica / World Bank