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Le safran, une source importante de revenus et une alternative au pavot

18 janvier 2015


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La culture de safran est une source importante d’emplois, tout particulièrement pour les femmes qui assurent 80 % des activités de production. 

 

Rumi Consultancy/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • Les agriculteurs de la province d’Herat ont démontré que la culture du safran pouvait remplacer celle du pavot et représenter une activité lucrative.
  • Financé par la Banque mondiale et le Fonds fiduciaire pour la reconstruction de l’Afghanistan, le Programme pour le développement de l’entreprise rurale fait partie des initiatives portées par le gouvernement afghan pour encourager les agriculteurs à se convertir à la culture du safran.
  • Cette activité constitue en outre une source d’emplois essentielle pour les femmes, qui assurent 80 % des tâches de production.

HERAT (Afghanistan) – « Ne repartez pas d’ici sans safran ! ». Ce message affiché sur la fenêtre d’un petit kiosque à l’aéroport international d’Herat attire l’attention des voyageurs.

« À chaque fois que je viens à Herat, mes amis me demandent de leur rapporter du safran. Ils sont nombreux à m’en demander. Mais comme le safran est cher, je ne peux pas en acheter pour tout le monde », confie Nisar Ahmad, jeune trentenaire de Kaboul qui se rend de temps en temps dans cette ville de l’ouest de l’Afghanistan.

Selon les chiffres du syndicat national des producteurs de safran (le NUSG), la province d’Herat produit actuellement plus de 90 % du safran afghan, même si 25 autres provinces du pays en cultivent également. Dans la province d’Herat, plus de 6 000 agriculteurs travaillent dans les champs de safran et une dizaine d’entreprises vendent et exportent la précieuse épice à l’étranger. La production y atteint les trois tonnes par an, dont 60 % à 80 % va à l’exportation. Les données du NUSG montrent également que c’est plus particulièrement dans les districts de Ghoryan, Pashtun Zarghoon, Enjil et Gozara que la culture du safran est la plus répandue.


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La province d’Herat produit plus de 90 % du safran afghan, qui est également cultivé dans 25 autres provinces du pays. 

Rumi Consultanc/Banque mondiale

« Le safran peut être cultivé dans de nombreux endroits. Si chaque famille disposait de 2 000 voire 1 000 mètres carrés de terre pour y cultiver du safran, on règlerait le problème de la pauvreté.  »

Bashir Ahmad Rashidi

Dirigeant du syndicat national des producteurs de safran

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En Afghanistan, le safran est utilisé pour ses vertus culinaires mais aussi médicinales.

Rumi Consultancy

Les consommateurs utilisent cette épice pour ses vertus culinaires mais aussi médicinales. Le prix actuel du kilo de safran afghan sur les marchés mondiaux s’établit à 2 000 dollars environ. « Le safran peut être cultivé dans de nombreux endroits. Si chaque famille disposait de 2 000 voire 1 000 mètres carrés de terre pour y cultiver du safran, on règlerait le problème de la pauvreté », affirme Bashir Ahmad Rashidi, dirigeant du NUSG et fondateur de l’Aryana Saffron Company, société créée en 2011 et aujourd’hui considérée comme l’une des plus importantes entreprises de production de safran.

On cultivait déjà cette épice en Afghanistan il y a plus d’un siècle. Tombé ensuite dans l’oubli pendant plusieurs décennies, le safran est de nouveau cultivé depuis une vingtaine d’années. Ce sont des Afghans initiés à cette culture en Iran qui, une fois de retour dans leur pays, l’ont fait renaître dans le district de Ghoryan. En quelques années seulement, la surface des champs de safran dans la province d’Herat est passée de 60 m2 à 800 hectares.

Cette culture lucrative a attiré l’attention des autorités et l’idée s’est imposée que le safran pourrait devenir une source importante de revenus pour les habitants des zones rurales. Le ministère de l’Agriculture, de l’Irrigation et de l’Élevage (a) a donc décidé d’importer 18 tonnes de bulbes de safran d’Iran et de lancer une phase de culture pilote. Une expérience qui s’est soldée, quatre ans plus tard, par des résultats supérieurs aux prévisions.

Développer la culture du safran pour réduire celle du pavot

Le gouvernement afghan et la communauté internationale tentent depuis plusieurs années d’augmenter la production de safran et de sensibiliser les agriculteurs à ses avantages. L’objectif est de les dissuader de produire du pavot et de réduire ainsi la prédominance de cette culture dans le pays, l’Afghanistan figurant parmi les principaux producteurs mondiaux de pavot à opium (a) selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

Financé par la Banque mondiale et par le Fonds fiduciaire pour la reconstruction de l’Afghanistan (ARTF) (a), le Programme pour le développement de l’entreprise rurale en Afghanistan (AREDP) (a) fait partie des initiatives destinées à appuyer le développement d’activités licites afin de réduire la culture du pavot.

Lancé en 2010 dans le cadre du ministère du Redressement et du Développement rural (a), l’AREDP vise à encourager la mobilisation et l’activité économiques des populations rurales pauvres à travers la création de coopératives et de groupes d’épargne ou autres associations villageoises d’épargne et de crédit. Le but est de renforcer les chaînes de valeur et les interactions des agriculteurs avec les marchés en apportant une assistance technique aux quelque 1 345 coopératives (regroupant 63 % de femmes) et 246 petites et moyennes entreprises (féminines à 13 %) qui ont été sélectionnées pour leur potentiel de création d’emplois et de revenus.

Entre autres, ce programme organise régulièrement des salons et des rencontres autour de la culture, de la production et de la commercialisation du safran afin d’informer les agriculteurs sur ces questions. Il permet également à ces derniers d’effectuer des voyages afin de les faire bénéficier de l’expérience d’autres pays.

« Nous avons organisé cinq salons nationaux pour dix entreprises de production de safran », précise Rahmatullah Quraishi, directeur exécutif de l’AREDP. Le programme a également financé des voyages de travail en Inde qui ont permis à six entreprises de la province d’Herat de renforcer leurs connaissances, leurs compétences techniques et leurs relations au marché. Grâce à ces voyages, dont le coût s’est élevé de 20 000 à 30 000 dollars selon Rahmatullah Quraishi, ainsi qu’à l’assistance technique apportée par l’AREDP, les entreprises concernées ont vu leurs ventes grimper de 90 % et leur nombre d’emplois croître de 20 %.

Alors que la production de safran a bien démarré, les producteurs espèrent à présent que la demande va augmenter sur les marchés internationaux et intérieurs. « Nous n’avons que très peu de contrats qui permettraient à nos agriculteurs d’exporter officiellement leur production, mais le safran afghan est exporté individuellement en Inde, à Dubaï et en Turquie », affirme Bashir Ahmad Rashidi. Il espère que la production de safran d’Herat atteindra les quatre tonnes en 2014 et souhaiterait également que l’on s’attache davantage à alimenter les marchés intérieurs. « L’utilisation du safran a augmenté en Afghanistan mais il ne fait pas encore pleinement partie de notre culture », observe-t-il.

Plus d’emplois pour les femmes

La culture et la production de safran offrent d’importantes perspectives d’emplois, tout particulièrement pour les femmes qui assurent 80 % des activités de cueillette, de transformation et d’emballage.

Beheshta Karimi travaille pour l’Aryana Saffron Company, où elle est responsable d’une équipe de dix autres femmes employées à la transformation et à l’emballage.

« Notre journée de travail, qui commence à 8 h et se termine à 17 h, consiste à préparer un kilo de safran pour qu’il soit prêt à être emballé », explique la jeune femme d’une vingtaine d’années. Avec un salaire de 7 000 afghanis par mois (environ 120 dollars), elle estime que son travail n’est pas pénible. Ses collègues, qui touchent quant à elles 5 000 afghanis (environ 87 dollars), sont pour leur part ravies d’avoir trouvé un tel emploi.


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