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Des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord collaborent pour réduire le gaspillage d’eau

02 septembre 2014


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Les satellites de la NASA révèlent une perte massive d'eau au Moyen-Orient.

NASA

LES POINTS MARQUANTS
  • Le problème des pertes d’eau se pose avec une acuité décuplée par les effets du changement climatique, qui menace les réserves d’eau naturelles et renchérit le coût des nouvelles ressources hydriques.
  • L’île de Malte, qui cumule l’une des plus fortes densités démographiques au monde et un niveau de réserves en eau renouvelables parmi les plus faibles de la planète, est parvenue à satisfaire une demande en eau croissante en misant sur la lutte contre les fuites et le gaspillage.
  • La Banque mondiale a réuni à Malte les représentants de 30 régies publiques de l’eau de la région afin de leur donner les clés de ce succès.

Le gaspillage de l’eau, et ses conséquences sur le plan financier et opérationnel, est un sujet qui préoccupe particulièrement les opérateurs publics urbains de la région méditerranéenne. Ces pertes, à la fois matérielles et commerciales, sont imputables aux fuites des réseaux d’adduction et à l’incapacité de facturer aux usagers l’intégralité de leur consommation, deux facteurs qui, combinés, compromettent la viabilité financière des compagnies concernées.

Dans les pays qui se heurtent déjà au manque d’eau, la charge que représentent ces pertes conduit souvent au rationnement et à une distribution irrégulière. Le changement climatique vient compliquer l’équation, car il menace les ressources en eau renouvelables et renchérit le coût des nouvelles ressources hydriques. Dans ce contexte, la lutte contre les fuites et les problèmes de sous-facturation apparaissent comme prioritaires aux yeux des opérateurs publics du bassin méditerranéen et de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA).

Située en plein cœur de la Méditerranée, Malte offre l’exemple d’un pays qui a su relever avec brio ces défis. Avec 100 m3 par habitant et par an, l’île possède les réserves d’eau renouvelables les plus faibles de la région MENA. Elle compte également parmi les dix premiers pays les plus densément peuplés de la planète, à l’instar de Gaza, Bahreïn, Hong Kong et Singapour.

Malte est devenu l’un des premiers pays de la région à investir dans des unités de dessalement il y a plusieurs décennies de cela. Cependant, dans les années 1990, à mesure que se bâtissaient de nouvelles usines, il devenait manifeste que la demande en eau croissait plus vite que les capacités d’approvisionnement en eau.

La compagnie nationale des eaux, la Water Services Corporation (WSC), s’est alors intéressée au problème du gaspillage, en lançant un programme offensif qui a abouti à de remarquables résultats. Outre l’adoption de concepts et de technologies de pointe pour le suivi et la diminution des fuites, la régie a mis en place un programme d’optimisation de la consommation d’énergie de ses usines de dessalement, en réduisant la consommation moyenne de 6 ou 7 kWh/m3 à 4,5.


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Galerie d’eau souterraine à Ta’ Kandja (Malte).


« La réussite du programme a permis à la Water Services Corporation de mettre à l’arrêt deux usines de dessalement et de réduire les volumes des prélèvements effectués dans les aquifères pour retomber à des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis les années 1960. »

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Présentation de la méthodologie dans les bureaux de la WSC.


Le succès de cette initiative a permis à la WSC de mettre à l’arrêt deux stations de dessalement et de réduire les volumes de prélèvement dans les aquifères pour retomber à des niveaux équivalents à ceux des années 1960. Les fuites du réseau d’adduction d’eau « s’élevaient à 4000 m3/h en 1995 ; aujourd’hui, elles sont inférieures à 450 m3/h », se félicite Stephan Riolo, directeur exécutif des infrastructures du réseau maltais.

De quoi inspirer d’autres pays confrontés aux mêmes problèmes. C’est la raison pour laquelle la Banque mondiale, dans le cadre de son programme de soutien aux pays de la région MENA, a organisé une conférence sur la petite île méditerranéenne en conviant 30 représentants des principaux opérateurs publics de l’eau du Maroc, de la Tunisie, de la Libye, du Liban, des Territoires palestiniens et du Yémen.

Pour les pays participants, soumis aux mêmes difficultés que Malte, la réduction des pertes d’eau et l’amélioration de la gestion de l’approvisionnement présentent un vif intérêt. La plupart reconnaissent que, dans la pratique, limiter le gaspillage de l’eau s’est révélé difficile et complexe. Le cas de Malte est particulièrement éloquent, parce qu’il démontre que l’on peut réussir, en s’appuyant sur un programme global bien conçu.

La WSC a adopté une approche structurée qui repose sur quatre axes : i) la prise en compte des nombreuses composantes qui aboutissent au gaspillage de l’eau et leur interaction ; ii) la nécessité, lorsqu’il s’agit de fixer des objectifs chiffrés, de prendre en considération le niveau de pertes économiquement acceptable (part d’eau fournie mais non facturée et donc non régénératrice de revenu) ; iii) la nécessité de s’éloigner d’un modèle d’intervention courtermiste ; et iv) la prise de conscience que la lutte contre les pertes d’eau est au cœur de la gestion des infrastructures.

Pour reproduire le succès de la WSC dans leur pays, les membres de la conférence ont convenu qu’une approche structurée équivalente s’imposait, sur la base d’une planification à long terme. Ce travail comporterait les phases suivantes : i) diagnostic précis de la situation, identification des activités qui dégageraient le plus d’économies et instauration d’objectifs réalistes ; ii) programme d’intervention global pour couvrir tous les aspects de la question (plutôt que des actions ponctuelles) ; et iii) réforme des institutions pour créer un cadre d’action pertinent, garant des performances économiques des opérateurs publics.

L’intérêt des participants s’est manifesté par leur volonté d’aller plus loin, en bénéficiant d’une assistance technique spécifique, qui prendrait la forme d’un transfert de connaissances, au travers d’échanges poste à poste et de jumelages avec la WSC. Les activités qui concernent la SONEDE (Tunisie) et les régies de Gaza seraient financées pour partie par un don du Centre de Marseille pour l’intégration en Méditerranée.

D’autres participants, comme l’ONEE marocaine, l’Établissement des eaux du Liban Nord et les responsables de Sanaa et d’Aden ont également fait part de leur intention de développer des échanges avec la WSC. Sur la base de ce constat, un programme de jumelage global entre la WSC et les opérateurs de l’eau de la région MENA sera élaboré au cours des prochains mois, afin de procéder aux premiers échanges sur le terrain fin 2014.


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