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Depuis l'espace, des satellites contribuent à guider les projets de développement

20 août 2013


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Un partenariat entre la Banque mondiale et l'Agence spatiale européenne (ESA) ouvre des voies encore inexplorées dans le domaine du développement international.


LES POINTS MARQUANTS
  • À l'aide de systèmes sophistiqués et complets d'observation de la Terre basés sur une constellation de satellites en orbite, le projet eoworld fournit des données scientifiques et des images qui aident les collectivités des pays en développement à protéger les forêts, planifier la croissance urbaine, maîtriser les ressources en eau, gérer les zones côtières et accroître les capacités de résilience.
  • Un rapport récent illustre la réussite des premiers projets pilotes eoworld ainsi que leurs retombées étonnantes voire, dans certains cas, révolutionnaires, en matière de développement communautaire.

Lorsque la Banque mondiale s'est associée pour la première fois à l’Agence spatiale européenne (ESA) pour explorer les usages possibles de l'observation de la Terre dans le champ du développement international, c'est un petit projet d'adaptation au changement climatique mené dans une communauté côtière d'Afrique du Nord qui a produit les premiers résultats véritablement impressionnants. 

Loin au-dessus de Tunis, trois satellites en orbite de l'ESA ont fourni des données permettant de localiser les zones d’affaissement de terrain, un phénomène qui rend la capitale tunisienne vulnérable aux tempêtes, aux tremblements de terre et aux phénomènes météorologiques extrêmes. 

« Les données satellitaires nous ont permis d'obtenir des résultats stupéfiants », explique Sameh Wahba, responsable du service chargé du développement et de la résilience en milieu urbain au sein de la Banque mondiale, qui a encadré la réalisation de ce programme. « Des résultats obtenus rapidement et de manière économique, et techniquement pertinents. Ils nous ont fourni des supports visuels tellement frappants que nous avons pu facilement montrer l'étendue du problème à nos interlocuteurs gouvernementaux. Suite à cela, les autorités ont immédiatement décidé d'incorporer des politiques intelligentes d’atténuation des risques à leurs plans d'adaptation et de résilience. »

Au cours de ces cinq années de collaboration, l'équipe travaillant sur l’initiative « eoworld » s'est efforcée de démontrer à quel point les technologies spatiales peuvent apporter une contribution essentielle à l'ensemble des projets de la Banque dans les pays en développement. En fournissant des outils de cartographie et de surveillance hautement spécialisés, cette équipe a mené à bien des projets expérimentaux dans plus d'une vingtaine de pays d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie.

Les satellites fournissent en effet des données en temps réel concernant une grande variété de problématiques de développement : le changement climatique, l'élévation du niveau des mers, la qualité des eaux, les environnements marins, l'érosion côtière, les inondations et les mouvements de terrain mais aussi la gestion des ressources forestières, l'utilisation des terres agricoles ou encore la croissance urbaine. 


« Dans nos activités, le recours aux technologies satellitaires est formidablement novateur en ce qu’il permet d’analyser des informations sur des centaines de milliers de kilomètres, et ce d'une manière à la fois très fiable, économique et non intrusive. »

Zoubida Allaoua

directrice au sein du Réseau de la Banque mondiale pour le développement durable

Ces technologies s'avèrent particulièrement utiles dans des zones où les conflits ouverts ou larvés rendent la collecte de données difficile. De plus, elles sont capables de fournir des observations à grande échelle qui s'affranchissent des frontières. Un seul passage de satellite permet par exemple d'obtenir en quelques secondes une image en haute définition de l'intégralité du canal du Mozambique. 

« Parvenir à surveiller des zones très étendues avec des moyens limités constitue l'une des principales difficultés auxquelles les pays en développement sont confrontés », explique Zoubida Allaoua, directrice au sein du Réseau de la Banque mondiale pour le développement durable. « Dans nos activités, le recours aux technologies satellitaires est formidablement novateur en ce qu’il permet d’analyser des informations sur des centaines de milliers de kilomètres, et ce d'une manière à la fois très fiable, économique et non intrusive. »

Le système de surveillance maritime mis en place dans le cadre du partenariat et conçu pour les pays du canal du Mozambique, a par exemple détecté 38 déversements d'hydrocarbures sur une période de cinq mois et fourni en temps réel suffisamment d’informations aux autorités pour qu’elles puissent enquêter efficacement sur les auteurs présumés de ces pollutions.

À Sao Tomé-et-Principe, les opérations de cartographie et de surveillance du littoral menées dans le cadre d’eoworld se sont concentrées sur l'assistance aux autorités et populations locales dans le domaine de l'adaptation au changement climatique, en leur fournissant des données importantes pour les aider à planifier et positionner la construction d’infrastructures critiques et d'habitations dans des zones moins vulnérables. 

Pour Arlindo de Ceita Carvalho, directeur en chef de l'environnement à Sao Tomé-et-Principe, « les informations cartographiques produites par les satellites sont extrêmement précieuses pour faire face à l'érosion côtière et limiter les effets du changement climatique. »

« Ces informations nous servent de référence et d'outil de communication dans le cadre de notre démarche de gestion des risques participative avec les populations locales », explique-t-il.

La surveillance satellitaire du bassin du lac Titicaca, situé à cheval sur la frontière entre la Bolivie et le Pérou et classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, a montré une diminution de 7 % de la taille du lac entre 2003 et 2010, documentant ainsi pour la première fois la dégradation sans précédent que connaissent ces zones humides protégées.

« Il s'agit des seules données disponibles sur la couverture du sol pour cette zone spécifique de la Bolivie et du Pérou depuis plus d'une décennie, et des toutes premières avec une résolution spatiale de seulement 5 mètres », souligne Marco Otto, président du département de climatologie de l'Université technique de Berlin. « Elles constituent une ressource inestimable pour la recherche dans les domaines de la dynamique de la végétation et de l'évolution de la couverture du sol dans cette région où les données sont rares, et qui sera confrontée à nombre de difficultés à l'avenir en matière de gestion du climat et des ressources. »

L'ESA va lancer une flotte de 20 nouveaux satellites d'ici à la fin de la décennie afin de garantir la disponibilité de données au cours des 20 prochaines années. 

« Ces nouvelles missions de l'ESA feront partie du plus vaste programme d'observation de la Terre jamais entrepris », indique Maurice Borgeaud, directeur du département de l'ESA en charge des applications scientifiques et des technologies futures. « Et elles s'effectueront avec un accès libre et gratuit aux données. » 

Voilà qui constitue une excellente nouvelle pour le partenariat entre la Banque mondiale et l'ESA, alors qu’un rapport récent vient précisément de montrer l'immense potentiel que présentent les données d'observation de la Terre en matière d'aide aux pays en développement. Voici quelques-unes des réussites dans ce domaine : 

Surveiller les mouvements de terrain à Jakarta : les données satellitaires ont permis d'identifier précisément les évolutions des mouvements de terrain à Jakarta et dans d'autres villes, avec un niveau sans précédent de détail et de précision. À Jakarta, l'eau pompée dans des puits de grande profondeur provoque des affaissements de terrain pouvant aller jusqu'à 10 cm par an. Les informations générées par les satellites aident à mieux gérer l'extraction des eaux souterraines (la principale cause des affaissements de terrain) et permettent d'exercer une surveillance continue sur les immeubles de grande hauteur et les infrastructures de défense côtière. 

Collecter des données sur l'état des forêts au Libéria : les autorités libériennes ont tenté pendant des années d'obtenir une évaluation précise des ressources forestières du pays. En 2004, la plupart des cartes forestières étaient périmées ou fragmentaires, et ne donnaient pas une vision réaliste de l'inventaire forestier. En faisant appel au nec plus ultra des techniques satellitaires, l'équipe d’eoworld a pu fournir aux autorités du pays des données cartographiques exhaustives sur l'utilisation des terres ainsi que des niveaux de référence pour les forêts. Le gouvernement libérien dispose ainsi désormais d'une évaluation de l’évolution de la déforestation d'une précision inégalée, et exploite ces données dans le but d'améliorer la gestion des ressources forestières et d'identifier les options qui s'offrent à lui en termes de réforme de la politique d'aménagement du territoire.

Cartographier les ressources hydriques en Zambie : les communautés rurales de Zambie dépendent de réservoirs de petite taille pour leurs besoins en eau. Mais comme l'inventaire de ces réserves d'eau était incomplet, les autorités locales avaient du mal à gérer efficacement ces ressources. En faisant appel aux techniques de télédétection, le projet eoworld a été en mesure d'identifier et de cartographier précisément l'ensemble des réservoirs d'eau de la province Méridionale, ainsi que de fournir des informations permettant d'évaluer la qualité de l'eau du lac Malawi et l'évolution de l'érosion le long du bassin de la rivière Shire, au Malawi.

Dans la seconde phase du partenariat entre la Banque mondiale et l'ESA, l'assistance technique a été multipliée par trois et le programme a été étendu largement au-delà des simples démonstrations techniques initiales pour généraliser l'utilisation des données issues de l'observation de la Terre dans les pays en développement. 



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