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Afghanistan : programme de développement rural

20 décembre 2012



LES POINTS MARQUANTS
  • Lorsque les villageois, chassés par des talibans qui détruisaient tout sur leur passage, ont regagné leurs communautés d’origine voici dix ans environ, ils n’avaient plus rien.
  • Aujourd’hui la vie reprend, grâce au Programme national de solidarité qui a construit routes, écoles et autres salles communales pour assurer le développement rural et l’autonomisation.
  • Environ 80 % des projets communaux portent sur les infrastructures, essentielles pour le renouveau de l’économie et la stabilité dans les zones rurales.

« Nous avions un budget très serré et mes enfants ne pouvaient pas aller à l’école. Maintenant, nous vivons bien. Nous avons beaucoup de chance.  »

Sadiqi

Tisseuse

NOWABAD SHASHPOL, Afghanistan – Pendant de longues et douloureuses années, Nabi et ses voisins étaient convaincus que le monde les avait oubliés. Aujourd’hui, ils n’en reviennent pas de leur bonne fortune. « Imaginez un peu », raconte cet homme de 55 ans en désignant des dizaines de maisons pimpantes en torchis, accrochées à flanc de montagne. « Pour nous avant, cet endroit, c’était ‘l’abattoir’ [kasab khana en dari]. Maintenant, nous sommes vraiment gâtés. »

Nabi dit remercier chaque jour en son for intérieur les responsables du Programme de solidarité nationale (NSP), une initiative phare menée en Afghanistan pour assurer le développement rural et qui soutient des activités à petite échelle de reconstruction et d’autonomisation.

Financé par la Banque mondiale, le Fonds fiduciaire pour la reconstruction de l’Afghanistan (ARTF) et le Fonds japonais pour le développement social (JSDF), ce programme aide les villageois à organiser des élections pour désigner leurs conseils de développement communal qui décident ensuite des projets les plus urgents pour le village.

Environ 80 % des projets communaux concernent les infrastructures – irrigation, routes, électrification, adduction d’eau potable – qui sont essentielles pour le renouveau de l’économie et la stabilité dans les zones rurales.

Des projets qui transforment le quotidien

Dans le village de Nowabad Shashpol, dans la province de Bamiyan, où habite Nabi, lui et près de 140 familles ont décidé d’utiliser les fonds alloués par le NSP pour acheter des panneaux solaires et des métiers à tisser des tapis et pour construire une petite salle communale. Ces initiatives, dit-il, ont radicalement changé des vies bouleversées par la guerre : « À une époque, nous n’avions rien à manger et perdu tout espoir en l’avenir mais aujourd’hui, chaque famille vit dans une maison de trois ou quatre pièces et les gens sont à nouveau heureux. C’est grâce au programme. »

Comme des milliers d’autres, Nabi et ses voisins ont fui la province de Bamiyan dans les années 1990 et les talibans, qui détruisaient tout. Dans son ancien village, on déplore près de 370 victimes dont les maisons ont été complètement incendiées.

Nabi s’est réfugié au Pakistan avant de juger, voilà une dizaine d’années, qu’il pouvait rentrer chez lui sans risque. « Le premier hiver, nous l’avons passé sous des tentes, au milieu des montagnes et c’est tout. Nous étions partis à cause des talibans mais une fois rentrés, nous n’avions plus rien pour vivre, manger et dormir. Parfois, nous avions le sentiment que le monde nous avait abandonnés et puis voilà, regardez : nous avons une école, un dispensaire, des ânes et une bonne route. C’est un miracle. »

Cette prospérité, le village la doit surtout aux femmes, qui ont fait pression en 2006 sur le conseil communal pour acheter des métiers à tisser des tapis. C’est ce que nous raconte Rezai, membre du conseil et mère de neuf enfants : « Certaines d’entre nous avaient appris à tisser au Pakistan alors, quand nous sommes rentrés, nous avons voulu que les autres en profitent et que tout le monde puisse gagner correctement sa vie. Aujourd’hui, les gens sont heureux. Nous arrivons à tirer 10 à 15 000 afghanis de nos tapis, tous les deux ou trois mois. Avant, certains n’arrivaient pas à réunir les dix afghanis nécessaires pour acheter du pain. »

Nesa, une femme plus âgée, opine vigoureusement de la tête : « Nous ne sommes plus dépendantes des hommes. Nous avons gagné en égalité. »

Vivre en pleine lumière

Sadiqi, qui a sept enfants, estime que les panneaux solaires achetés par le conseil en 2007 font, eux aussi, une vraie différence. Trois familles se partagent un panneau. Chacune a acheté ses batteries pour alimenter ses ampoules, sa télévision et même quelques ordinateurs personnels : « Comme nous étions illettrés, nous ne savions pas que le soleil était une source d’énergie, raconte-t-elle. Aujourd’hui, nos enfants peuvent étudier le soir et moi, je peux cuisiner ou tisser. »

Nabi dit que les panneaux solaires aident les habitants à se sentir moins isolés : « Avant, nous étions comme des nouveau-nés et vivions littéralement dans le noir. Nous ignorions tout du monde et de notre propre pays. Aujourd’hui, grâce à la télévision, nous savons ce qui se passe. »

Un autre réveil a eu lieu également, à partir du moment où les villageois ont commencé à gagner suffisamment d’argent pour envoyer leurs enfants à l’école, raconte Sadiqi. Grâce à son activité de tissage, son fils aîné vient d’entrer en dernière année du secondaire et sa fille dans son avant-dernière année. « Nous avions un budget très serré et mes enfants ne pouvaient pas aller à l’école. Maintenant, nous vivons bien. Nous avons beaucoup de chance. »

En général, quelques femmes se réunissent chez l’une d’elles pour tisser, pendant que les enfants sont à l’école, poursuit-elle. À l’occasion, elles chantent ou écoutent de la musique mais elles n’ont guère le temps de bavarder : « Notre travail exige de la concentration » explique Sadiqi, en montrant le motif coloré complexe qui caractérise chaque tapis.

Des liens plus étroits entre voisins

La nouvelle salle communale, achevée en 2008, est une autre de ces initiatives qui rapprochent les voisins, estime Jafar, le trésorier du conseil.

Avec ses poutres apparentes et ses coussins colorés posés le long des murs, la salle sert aux réunions régulières du conseil, aux manifestations du village mais aussi d’école primaire informelle. Les habitants y ont tous contribué, couvrant plus de la moitié des frais, explique Jafar en désignant le registre des projets du conseil, parfaitement à jour.

Il est manifestement très fier de sa comptabilité, qu’il tient de manière scrupuleuse. « Déjà, cela relève de ma responsabilité. Mais en plus, nous avons tous travaillé dur, alors je tiens à en garder une trace pour la prochaine génération, qui verra combien nous avons œuvré pour son avenir. »

Jafar préfère aller de l’avant, sans se retourner. Il raconte comment il a tout perdu pendant le conflit avec les talibans : « Onze membres de ma famille ont été tués, sous mes yeux, et moi j’ai été blessé. Ici, la plupart ont connu ça. Mais aujourd’hui, nous travaillons d’arrache-pied pour reconstruire nos vies et notre pays. Nous serons toujours reconnaissants aux autres pays, pour leur aide. Nous ne l’oublierons jamais – et nous espérons qu’on ne nous oubliera pas non plus. »

 


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