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CAMEROUN : Le FBR Redonne Vie aux Services de Santé

28 septembre 2012


LES POINTS MARQUANTS
  • Un an après l’introduction du FBR, ou Financement Basé sur les Résultats, l’amélioration des services de santé est visible dans les centres de santé impliqués
  • Un forum organisé autour de l’expérience a constaté les progrès réalisés, les défis restants, et plaide pour sa poursuite
  • Des recommandations pertinentes ont été faites pour la réussite de la mise en œuvre et la préparation de la pérennisation de cette expérience au Cameroun

Yaoundé, 28 Septembre 2012 –« Quand je suis arrivée, j’ai été impressionnée par la propreté des salles et surtout par l’accueil chaleureux qui m’a été réservé et j’ai tout de suite compris que la vie était déjà là ! ». Quelle autre vie Rose Enama a-t-elle ainsi découvert au Centre de Santé « Perpétuel Secours de Loum Chantier »? Garde-malade heureuse de sa prise en charge, cette patiente venait de redécouvrir son centre de santé après l’introduction du Financement Basé sur les Résultats (FBR). Son innocent témoignage en dit long sur les changements positifs observés depuis un an dans les districts de santé du Cameroun où se pratique le FBR.

Comme Rose Enama, nombreux sont les patients qui se réconcilient avec leurs hôpitaux et centres de santé parce que la qualité des services est désormais au rendez-vous. Dans les quatre districts sanitaires du Cameroun (Littoral, Nord-Ouest, Sud-Ouest et Est) bénéficiaires de cette expérience, les témoignages sont éloquents pour attester de l’amélioration de la qualité des services : disponibilité du corps soignant, modération des prix du traitement, disponibilité des médicaments, propreté des locaux, conscience professionnelle, bonne prise en charge des malades, retour massif des patients aux centres sanitaires, gestion rationnelle et transparente des ressources, motivation du personnel soignant etc.

Bref, un an après l’introduction du FBR au Cameroun, tout va au mieux dans le monde hospitalier. Et cette amélioration se traduit en termes de chiffres par des résultats impressionnants. Dans le Littoral par exemple, le taux de fréquentation est passé du simple au quadruple soit de 10% au 1er trimestre 2011 à 49% au 2ème trimestre 2012. La disponibilité des médicaments a augmenté de 52% à 75% et le coût moyen de soins a baissé en même temps de 36.000 FCFA (US$72) à 17.000 FCFA (US$34). En huit mois d’activités, le niveau de satisfaction des bénéficiaires de la région a atteint les 73%. Partout les indicateurs sont prometteurs. Ces données sont consolidées par les résultats préliminaires de l’enquête de base menée par l’Institut de Formation et de Recherche Démographique (IFORD) de Yaoundé qui révèlent que 92% des personnes interrogées dans les quatre régions sont satisfaites de la qualité générale des services fournis dans les centres de santé du FBR.

Le forum a constaté les progrès réalisés, les défis restants, et plaide pour sa poursuite

Un an donc après la mise en œuvre de cette expérience financée par la Banque mondiale à hauteur de 12,5 milliards FCFA (US$ 25 millions), un forum a été organisé à Yaoundé le 13 septembre 2012 pour permettre à tous les acteurs impliqués de tirer les principaux enseignements en vue de son réajustement. On retiendra que l’enthousiasme des acteurs a pris le pas sur les doutes qui entraveraient la poursuite voire l’extension du FBR à d’autres districts du pays. Le Secrétaire d’Etat à la Santé a été le premier à donner de la voix à l’ouverture des travaux : « les progrès enregistrés sont très encourageants », a-t-il affirmé devant quelque 120 participants.

Pour autant, l’optimisme généralement affiché n’a pas occulté l’analyse en profondeur de ce qu’on peut qualifier de paradoxe camerounais. En effet, le Cameroun est très mal situé dans le classement OMS de l’équité de la contribution financière pour l’accès aux soins parmi les 191 pays membres. Avec un ratio de mortalité maternelle estimé à 600 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes en 2008 et un taux de mortalité des moins de 5 ans à 154 décès pour 1000 naissances vivantes en 2009, le Cameroun est quasiment hors course pour l’atteinte des OMD 4 et 5 en 2015 soit 170 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes et 46 décès des moins de 5 ans pour 1000 naissances vivantes. « Pourtant, le pays injecte d’importantes ressources financières dans son système de santé », a tenu à faire savoir Cia Sjetnan, Coordonnatrice Principales des Programmes au Bureau de la Banque mondiale au Cameroun en démontrant qu’en 2008, « les dépenses de santé se chiffraient à 67,5 dollars américains par habitant, un niveau relativement élevé comparé à celui de certains pays d’Afrique sub-saharienne qui était de 10 dollars américains ». Or certains de ces pays sont en bonne voie pour l’atteinte de leurs OMD.

Ce qui suggère que la crise du financement du système de santé au Cameroun remet moins en cause le montant de ce financement que la cohérence et la pertinence de son organisation avec les fonctions qu’il doit remplir. « Le Cameroun ne tire pas le meilleur de ses investissements dans le secteur de la santé à cause de l’inefficacité dans les dépenses qui ne conduisent pas aux résultats escomptés en termes de quantité et de qualité de services », s’est plaint Gregor Binkert, Directeur des Opérations de la Banque mondiale pour le Cameroun. Par conséquent, « la motivation de cette approche au Cameroun est de trouver des instruments et des mécanismes afin de faire un appui beaucoup plus efficace aux services de santé, en rupture avec les approches traditionnelles », a-t-il souligné. En somme, il s’agit pour lui de voir comment on peut, avec l’argent disponible, obtenir des meilleurs résultats et une meilleure santé pour les populations bénéficiaires.

Pertinences des recommandations pour la réussite de la pérennisation de l’expérience

Ainsi, la problématique des arrangements institutionnels et des incitants des prestataires parfois oubliée dans les débats de réforme des systèmes de santé au Cameroun se retrouve au centre des débats menés avec enthousiasme par la communauté des spécialistes des systèmes de santé, notamment les médecins venant de différents districts sanitaires, les politiques et autres experts représentant les partenaires au développement, dont la Banque mondiale.

Une forte tendance s’est dégagée pour signifier que le financement basé sur la performance constitue une intervention prometteuse pour améliorer la production des services de santé au Cameroun. Cette approche qui bénéficie du soutien de la Banque mondiale, à travers le Projet d’Appui aux Investissements dans le Secteur de la Santé (PAISS) au Cameroun, est « une stratégie de financement matérialisée par une relation contractuelle entre les différents acteurs, et à travers laquelle les prestataires et les structures de santé sont rétribués financièrement ou matériellement suivant l’atteinte des objectifs. Il se distingue du financement classique de type input (intrants) où les structures de soins reçoivent les intrants nécessaires à leur fonctionnement sans aucune obligation contractuelle de résultats », a expliqué Gaston Sorgho, Responsable de l’Equipe du Projet au Bureau du Cameroun.

Le FBP permet ainsi de financer les soins et services de santé en fonction de la performance réalisée par les structures de santé et sur la base d’indicateurs définis préalablement. C’est une stratégie qui peut servir de catalyseur et contribuer à transformer profondément les secteurs publics dans les pays à faible revenu. Ceci se traduit dans cette stratégie par exemple par la mise en exergue de certaines mesures négligées dans les réformes antérieures et qui pourraient être efficaces, telles que mieux séparer les fonctions et mieux structurer les relations entre les différents acteurs dans un système de santé.

Cependant, le forum a fait ressortir dans ses conclusions que plusieurs préalables doivent être pris en compte pour anticiper la réussite d’une telle stratégie dans le contexte camerounais. Le défi premier et le plus évoqué dans les discussions demeure son institutionnalisation ; en d’autres termes, sa pérennisation qui passe par l’intégration de cette stratégie dans les cadrages budgétaires et de finances publiques, des règles de passation de marché et des textes de loi et autres décrets fixant les prérogatives des missions publiques.

D’ores et déjà on peut dire que l’optimisme se pointe à l’horizon. A en juger par la détermination affichée par M. André Mama Fouda, Ministre de la Santé Publique sur les perspectives du FBR : « Nous fondons beaucoup d’espoir à l’avenir du financement basé sur la performance au Cameroun ».


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