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Cameroun : de plus en plus d’élèves des zones rurales bénéficient d’un programme de distribution de manuels scolaires

03 juillet 2012


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« Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, demandez-vous quel est le prix de l’ignorance ! », Manjong Sixtus, délégué pour l’éducation de base, Donga-Mantung


LES POINTS MARQUANTS
  • Malgré des taux de scolarisation élevés, un élève sur deux au Cameroun quitte l’école sans maîtriser la lecture ou l’écriture, et le bilan est encore plus lourd chez les écoliers privés de manuels scolaires.
  • Dans le nord-ouest du pays et grâce à un projet de développement local, la distribution de manuels scolaires à plus de 27 000 élèves du primaire en milieu rural devrait considérablement renforcer leurs chances de réussite scolaire.
  • Dans cette région, la proportion d’élèves du primaire ayant accès à des manuels a progressé de 15 à 25 % entre 2005 et aujourd’hui.

YAOUNDÉ, le 3 juillet 2012. Dans le nord-ouest du Cameroun, ils sont plusieurs milliers d’écoliers à bénéficier du programme de distribution de manuels scolaires mis en place en co-investissement par l’ONG camerouno-néerlandaise Knowledge for Children (KforC).

Quatre-vingt quinze établissements en milieu rural avaient déjà pu participer à ce programme au cours de l’année scolaire 2010-2011 mais, grâce à un don de 20 000 dollars (10 470 900 francs CFA), KforC a pu élargir le programme à 15 nouvelles écoles pour l’année scolaire 2011-2012, portant ainsi le nombre d’établissements participants à 110 et le nombre de bénéficiaires à 27 500 enfants.

Ce don, l’ONG l’a remporté en participant à l’édition 2011 du concours Development Marketplace au Cameroun, qui a récompensé 14 autres lauréats. Le concours était organisé dans le cadre d’un programme (a) (PDF) de la Banque mondiale visant à s’attaquer aux problèmes de gouvernance au niveau sectoriel et de la demande au Cameroun. Son objectif était de permettre à des entrepreneurs sociaux d’obtenir des fonds pour des projets communautaires novateurs présentant un réel potentiel en termes de développement et de reproduction, dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de la gestion des ressources forestières.

Calé sur un cycle de cinq ans, le programme de distribution de manuels scolaires de KforC a pour objectif d’améliorer la qualité de l’éducation dans les écoles primaires rurales du Cameroun. La première année, une enquête de référence est organisée pour identifier les forces et les faiblesses de chaque établissement. En fonction d’une série de critères et d’objectifs à réaliser à l’issue des cinq ans, les parties prenantes décident du nombre de manuels à fournir dès la première année. L’ONG apporte 90 % des livres nécessaires alors que la communauté — à travers l’association des parents d’élèves et enseignants (APE) — assume les 10 % restants. Dès la deuxième année, les contributions respectives passent de 90 à 80 % et de 10 à 20 %, l’idée étant de parvenir à des contributions égales la cinquième année. Chaque partenaire verse les fonds requis au fournisseur des manuels, lequel garantit alors que les ouvrages sont directement livrés aux écoles concernées.

Pour Saah Ndia Peter, inspecteur de l’éducation de base pour le département de Bui, le programme a d’ores et déjà « nettement amélioré » les statistiques de la région : « Avant le lancement de ce programme, en 2005, 15 % des élèves du primaire seulement disposaient d’un manuel dans toute la région. Aujourd’hui, grâce à cette initiative, les estimations tablent sur un taux de 20 à 25 % ».

La pénurie de manuels a longtemps obligé les enseignants à consacrer une partie considérable des heures de cours à recopier des textes au tableau. Depuis le lancement du programme, l’enseignement et l’apprentissage dans les 110 établissements couverts se sont nettement améliorés. Les enseignants en soulignent les multiples avantages : déjà, ils n’ont plus besoin de recopier les textes au tableau puisque les élèves peuvent suivre le cours dans les manuels disponibles ; ensuite, la lecture et l’attention se sont considérablement améliorées ; et enfin, les enfants et les parents sont responsabilisés puisqu’ils réalisent à quel point il importe de faire bon usage des ouvrages empruntés et de les restituer à l’école en bon état.

Ce programme conjugue un investissement matériel (les manuels mis à disposition) à une opération de sensibilisation de la communauté scolaire pour instiller de saines habitudes de lecture, apprendre à utiliser les livres au mieux et comprendre tout l’intérêt d’une responsabilité collective. De surcroît, des programmes de formation sur mesure sont dispensés aux enseignants.

Les écueils de la généralisation d’initiatives efficaces

Pour participer au programme de distribution de manuels, les écoles doivent avoir l’aval officiel du ministère de l’Éducation de base, se trouver en milieu rural, avoir une APE et une communauté dynamiques et ouvertes au modèle de co-investissement et disposer d’un local sécurisé pour entreposer les ouvrages.

Pour beaucoup d’établissements, ces conditions restent difficiles à remplir. En avril, soit deux mois avant la fin de l’année scolaire, certains n’étaient pas encore parvenus à acheter le stock de manuels correspondant à leur contribution de 10 % (soit environ 74 000 francs CFA ou 3 500 francs CFA par élève). C’était le cas de l’école publique de Ngotang. Aussi modique que puisse paraître cette somme, c’était trop pour cet établissement. Certains membres de l’APE ont indiqué combien il était dur de collecter des fonds pour recruter des enseignants, construire des infrastructures scolaires et acheter les manuels.

Comme le constate la Banque mondiale dans un rapport de 2004, « il y a un décalage entre le droit inscrit dans la Constitution à une éducation gratuite et les frais sur le terrain ». Tous les parents doivent cotiser chaque année à l’APE et, selon certaines familles rurales, cela impacte lourdement leur budget. Malgré l’abolition des droits de scolarité dans les années 1990, le poids des dépenses d’éducation sur les ménages freine l’accès à une éducation de qualité, surtout dans les familles démunies, dont la majorité vit précisément en milieu rural.

Pour l’équipe chargée du projet, l’accessibilité des établissements ruraux a soulevé d’immenses difficultés, les transports publics — qui permettent de s’assurer de la bonne exécution du programme dans ces communautés et d’effectuer un suivi — n’étant pas fiables. Le président de KforC, Maimo Jacob Shiynyuy, déplore cette situation, qui risque selon lui de compromettre le projet et de priver les zones isolées de cette opportunité. Comme l’équipe est tributaire des transports publics pour mener à bien ses activités dans les écoles, les coûts administratifs sont supérieurs et les services fournis aléatoires.

Grâce au don obtenu lors du concours Development Marketplace, KforC a pu associer 15 nouvelles écoles rurales à son programme de co-investissement. Mais l’ONG a cruellement besoin d’aide pour poursuivre cette initiative et contribuer à l’amélioration de la qualité de l’enseignement dispensé dans les écoles rurales du Cameroun.

Selon Manjong Sixtus, délégué pour l’éducation de base à Donga-Mantung, le programme de manuels scolaires représente « l’investissement le plus judicieux que la Banque mondiale [de même que les autres organismes bailleurs de fonds et les particuliers] puisse faire en faveur de l’éducation ».

« Ces livres contribuent au processus d’enseignement et d’apprentissage et donnent aux élèves davantage de chances de réussir à l’école et dans la vie », poursuit-il. « Des initiatives de ce type méritent donc d’être soutenues et généralisées ».

 


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