ARTICLE

Nouveau coup de projecteur sur la fraude et la corruption

09 décembre 2011


LES POINTS MARQUANTS
  • Le Conseil des sanctions s’apprête à publier pour la première fois l’intégralité de ses décisions en matière de corruption, de fraude et de collusion.
  • C’est une « étape majeure » pour plus de transparence et de responsabilité, estime le président de la Banque mondiale, M. Zoellick.
  • Un nouveau recueil de jurisprudences du Conseil des sanctions résume les affaires et les principes de droit concernés.

Le 9 décembre 2011 — Alors que plus d’une dizaine d’entreprises avaient participé à un appel d’offres pour un projet financé par la Banque mondiale dans le secteur des transports, il s’est avéré que les offres étaient truquées. Une enquête de la Banque mondiale a en effet révélé que les fournisseurs s’étaient entendus, les « perdants » désignés recevant en dédommagement des pots-de-vin, des dessous-de-table et autres versements. L’affaire a finalement été renvoyée devant le Conseil des sanctions du groupe de la Banque mondiale, une juridiction d’appel indépendante. Résultat, sept entreprises et un particulier ont été exclus des marchés de la Banque mondiale, dont deux à titre définitif — la sanction suprême.

Si la décision a fait l’objet d’un communiqué de presse, elle n’a presque pas donné lieu à d’autres communications sur les délibérations ou les preuves apportées au dossier — l’un des plus graves jamais soumis au Conseil des sanctions — ou sur des cas similaires. Cela ne sera désormais plus le cas, annonce la Banque mondiale, tandis que l’on célèbre aujourd’hui la journée contre la corruption.

Conformément aux nouvelles procédures en faveur de plus de transparence et de responsabilité, le Conseil des sanctions va en effet commencer à publier l’intégralité de ses avis dans des affaires de corruption, fraude ou collusion impliquant des entreprises sous contrat. Ces avis seront publiés sur le site de la Banque mondiale : www.worldbank.org/sanctions.

Le Conseil des sanctions publie également un nouveau recueil de jurisprudences qui recense tous les dossiers traités en appel depuis sa création, en 2007, et rappelle les principes de droit qui ont guidé ses décisions.

« Le groupe de la Banque mondiale a fait un grand pas en avant pour plus de transparence et de responsabilité en autorisant la publication des décisions rendues dans le cadre des futurs dossiers de sanction », a déclaré le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick. « La parution du premier recueil de jurisprudences du Conseil des sanctions est un autre tournant dans la politique du groupe, qui prouve son attachement envers des processus de sanctions équitables et responsables ».

En publiant davantage d’informations, le Conseil espère constituer un corpus sur les cas de fraude et de corruption et prouver à toutes les parties qu’elles bénéficient d’un traitement équitable tout au long du processus.

« La transparence exige la publication des décisions. Il faut produire des documents juridiques de qualité qui montrent que nous considérons chaque dossier en fonction de son bien-fondé, que nos décisions s’appuient sur les éléments de preuve qui nous sont présentés et que nous appliquons en toute impartialité les principes de droit », explique Fathi Kemicha, un avocat tunisien spécialiste en arbitrage international qui préside le Conseil depuis 2009. « Chaque partie est traitée en toute équité, qu’elle appartienne ou non à la Banque mondiale. Telle est la philosophie de nos décisions. Il en va de la crédibilité du système ».

Un pas en avant dans l’effort global de transparence

Cette nouvelle initiative s’inscrit dans la volonté de la Banque mondiale d’ouvrir ses données et d’élargir l’accès aux informations. L’institution vient d’être classée au premier rang des bailleurs de fonds en matière de transparence. Le fait de publier les dossiers soumis au Conseil des sanctions permettra au public « d’exiger des comptes et de vérifier que nous appliquons bien les mêmes critères à tous, de manière objective, transparente et équitable », souligne Hartwig Schafer, membre du Conseil et directeur de la stratégie et des opérations au sein du Réseau pour le développement durable de la Banque mondiale.

« Assurer la clarté et la transparence de ces dossiers apporte un énorme plus, pour la Banque mondiale et la communauté du développement certes mais aussi, au bout du compte, pour le contribuable », indique Hassané Cissé, autre membre du Conseil et conseiller juridique adjoint chargé des programmes de recherche à la Banque mondiale.

Le Conseil des sanctions — organe indépendant composé de quatre experts juridiques de renommée internationale n’appartenant pas à la Banque mondiale et de trois membres du personnel de la Banque — examine en appel des dossiers liés à des cas de corruption et de fraude qui ont fait l’objet d’enquêtes de la vice-présidence de l’Intégrité (INT) de la Banque mondiale et d’un premier examen par le Responsable de l’évaluation (EO).

À ce jour, la Banque mondiale a sanctionné 456 personnes physiques ou morales et en a suspendu à titre temporaire 150 autres. Sur l’ensemble des entrepreneurs ayant fait appel auprès du Conseil pour un deuxième — et dernier — examen, environ 70 % ont été sanctionnés pour des peines allant jusqu’à l’exclusion définitive. Aucune sanction n’a été prononcée pour les 30 % restants, souvent faute de preuves suffisantes.

Au titre d’un accord d’exclusion croisée conclu en 2010, les entrepreneurs radiés par la Banque mondiale le sont aussi par les autres banques multilatérales de développement.

Alors que les sept membres du Conseil des sanctions se réunissent cette semaine à Washington pour examiner de nouveaux cas présumés de fraude et de corruption, leurs décisions seront les premières à être rendues publiques.

Le président du Conseil s’en félicite, en espérant que « la publication du recueil de jurisprudences, de même que la divulgation des décisions du Conseil, contribueront à développer sensiblement le droit international public et à soutenir les efforts de lutte contre la fraude et la corruption ».

La volonté de créer un corpus jurisprudentiel

Auparavant, en cas de fraude, corruption ou collusion avéré, la Banque mondiale divulguait simplement l’identité de l’entreprise ou de l’individu concerné, le type d’infraction et la sanction appliquée, les affaires qui n’entraînaient pas de sanction n’étant pas rendues publiques.

Désormais, les décisions fourniront aussi le contexte des faits et leur analyse en droit, pour que chacun puisse avoir accès au même corpus jurisprudentiel et comprendre en quoi les personnes mises en cause ont mal agi. Une évolution qui, d’après M. Kemicha, devrait être particulièrement bénéfique pour les entreprises et les particuliers opérant dans des environnements où la corruption est généralisée.

« Nous espérons qu’en divulguant ces informations, nous parviendrons à mieux sensibiliser le public à nos règles en matière de fraude et de corruption, à renforcer notre crédibilité et notre responsabilité en montrant comment nous abordons chaque dossier selon son bien-fondé mais aussi à ajouter un nouveau garde-fou face aux malversations », analyse la secrétaire du Conseil des sanctions, Elizabeth Lin Forder.

Cette transparence accrue pourrait aussi, poursuit Mme Forder, inspirer d’autres banques multilatérales de développement soucieuses de renforcer leurs systèmes de sanctions administratives.

« L’ouverture permet au grand public d’en savoir plus, aux journalistes d’approfondir leurs investigations, aux universitaires qui travaillent à plus long terme sur la fraude et la corruption d’élargir leur champ de recherche et aux groupes de la société civile d’en faire de même, conclut M. Cissé. Je crois que cela va vraiment changer les choses ».

Api
Api

Bienvenue