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Cameroun : Soutenir la société civile pour plus d’efficacité dans le suivi des investissements publics

02 décembre 2011


YAOUNDÉ, 2 décembre 2011 — Comment sont gérés les fonds d’investissements publics au Cameroun ? Nombreux sont les projets d’investissement  publics engagés et exécutés « sur papier » : des projets mal effectués ou inachevés mais pourtant réceptionnés. Cette situation est d’autant plus sérieuse que les populations locales censées bénéficier de ces projets ignorent pour la plupart qu’ils existent.

Aujourd’hui, des changements majeurs se font sentir dans la gestion du budget d’investissement public (BIP) lorsque des organisations de la société civile (OSC) s’essayent dans le suivi de l’exécution des projets engagés. Ces OSC ont développé des approches et méthodologies diverses, et contribuent donc à l’amélioration du taux de réalisation des infrastructures prévues et de la qualité des ouvrages effectués. Ces initiatives sont d’autant plus importantes dans le contexte de décentralisation engagée il y a quelques années avec un transfert de fonds de plus en plus important vers les communes (voir Cahiers Economiques du Cameroun, juillet 2011). 

« Nous avons des résultats sur le plan quantitatif et qualitatif : il y a eu une amélioration du taux d’exécution des projets qui est passé d’environ 54% en 2005 à 83 - 85% aujourd’hui. Un exemple qualitatif est l’implication des populations : la formation de la conscience citoyenne pour que les populations s’impliquent d’avantage dans le suivi des affaires publiques, de même que la prise en compte des analyses et résultats des OSC dans les comités locaux du BIP », souligne Christine Andela, responsable de l’organisation Dynamique Citoyenne.

Dans un contexte où le taux de réalisation du BIP est faible, la corruption enracinée et la décentralisation en cours, le suivi indépendant et participatif du BIP se révèle un mécanisme efficace stimulant la relation de redevabilité entre autorités et citoyens.
Afin de faire le bilan de cette expérience plutôt récente du suivi budgétaire citoyen au Cameroun, la Banque mondiale et la GIZ (Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit, agence de coopération allemande) ont co-organisé un atelier les 20 et 21 octobre 2011 avec pour objectifs de : capitaliser les différentes approches et méthodologies mises en œuvre dans le cadre du suivi du BIP, identifier les facteurs de succès, relever les problèmes rencontrés et proposer des pistes de solutions pour un meilleur suivi budgétaire citoyen au Cameroun.

La participation citoyenne : un facteur de succès

Quatorze organisations de la société civile avec une expérience avérée dans le suivi du BIP ont participé à cet atelier. Il apparait que les OSCs concernées impliquent différemment les citoyens dans le suivi du BIP au Cameroun.

L’approche participative « IRAD » (Information, Renforcement des capacités, Accompagnement des chantiers  et Documentation) de l’organisation Voies Nouvelles a été largement dupliquée depuis 2007. Selon cette approche, l’OSC fournit aux citoyens l’information et les détails sur le budget et les infrastructures publiques prévus dans leur localité, ainsi que des rudiments de connaissances sur les normes de construction. Le citoyen informe ensuite l’OSC par téléphone sur l’état d’avancement des travaux et les malfaçons repérées. L’OSC, forte de son expertise, vérifie et documente les plaintes pour ensuite les relayer aux autorités.  
Au fil des années, Voies Nouvelles a obtenu des résultats très encourageants dans le suivi du BIP dans la Région du Centre Cameroun, en particulier dans le secteur de l’éducation, et les plaintes des populations envoyées à l’OSC même après leur départ attestent de la capacité des communautés à pouvoir identifier les malfaçons et suivre le BIP.

Un parcours qui n’est pas exempt de difficultés

« La grande difficulté est l’accès à l’information. Mais derrière cette difficulté, il y a surtout la question de la qualité de l’information que nous avons. Par exemple, tout le BIP n’est pas décliné dans le ‘Journal des Projets’. Nous avons des projets à gestion centrale sur lesquels nous n’arrivons pas à en être informés. Nous avons aussi quelques cas de transferts ratés ou tout simplement des détournements de projets. Ce sont ici des espèces de disfonctionnement qui sont dans la chaine du transfert des ressources et des compétences sur lesquels il nous faut réfléchir », précise Christine Andela.

En effet, « pas de suivi sans information », note Cyrille Onésim TOMO, Secrétaire Exécutif de Voies Nouvelles. Pourtant garantie dans la loi, l’accès à l’information est un véritable parcours du combattant pour le citoyen, dans un contexte où la culture de la suspicion de la part des fonctionnaires envers la société civile reste forte : « Qui êtes-vous? Qui vous a autorisé à collecter ces informations? Qu’allez-vous en faire? ». Par conséquent, toutes en viennent à développer des stratégies basées sur des liens interpersonnels avec des fonctionnaires clés pour avoir accès à une information à laquelle elles ont droit.

Outre l’accès à l’information,  les ressources humaines  et financières font également défaut. Les visites de vérification sur le terrain se révèlent coûteuses : certains sites sont difficiles d’accès, et l’expertise d’un ingénieur civil est chère.

Mutualiser les ressources et l’expertise d’un ingénieur est une solution identifiée par les participants lors de leurs échanges, de même que la décision de mettre en place une coalition pour un plaidoyer plus efficace sur l’accès à l’information et le suivi du BIP au Cameroun.

Dans sa  nouvelle stratégie pour l’Afrique adoptée en mars dernier, la Banque mondiale désigne les partenariats avec diverses parties prenantes – dont la société civile  – comme premier instrument de mise en œuvre de ses opérations sur le continent. L’institution s’engage également à « renforcer la voix des citoyens au moyen d’instruments de responsabilisation sociale ».


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