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De meilleures conditions de vie pour les Libanais les plus pauvres

28 octobre 2011


Octobre 2011 - Abu Abdallah passe ses journées à fouiller les poubelles pour trouver de quoi nourrir les siens. Son logement se résume à une seule pièce où vivent aussi sa mère handicapée, sa femme et ses sept enfants. Le plus jeune n’a qu’un an et le plus âgé, 15 ans. Abu Abdallah n’a pas les moyens de les envoyer tous à l’école. C’est pourquoi les deux aînés travaillent dans un garage pour aider financièrement leur famille.

Même si de telles conditions de vie ne sont pas censées exister à grande échelle dans un pays à revenu intermédiaire comme le Liban, les dernières statistiques en date montrent qu’environ un million de Libanais, soit 28,5 % de la population, continuent de vivre sous le seuil de pauvreté supérieur, fixé à 4 dollars par personne et par jour. Quelque 300 000 personnes, c’est-à-dire 8 % de la population, vivent dans l’extrême pauvreté, avec moins de 2,4 dollars par personne et par jour, et ne peuvent pas satisfaire leurs besoins alimentaires et non alimentaires les plus essentiels.

La dégradation des conditions de vie touche non seulement ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté (et, plus spécifiquement, sous le seuil inférieur), mais elle représente aussi une menace pour les vastes catégories sociales qui se situent autour du seuil de pauvreté supérieur et sont très sensibles aux chocs internes et externes.

Afin d’améliorer les conditions de vie de ses habitants les plus pauvres et les plus vulnérables, le Liban a initié un Programme national de ciblage de la pauvreté (PNCP). Ce programme est mis en œuvre par le ministère des Affaires sociales et par la présidence du Conseil des ministres. Il a été lancé lors de la Journée internationale de la pauvreté, le 17 octobre, au cours d’une cérémonie nationale à Beyrouth, par le Président du Liban, Michael Sulaiman, le Premier ministre, Najib Mikati, et le président du Parlement libanais, Nabih Berri. De nombreux représentants de l’État, de la société civile, des donateurs et du secteur privé ont assisté à cet événement.

Le PNCP vise à instaurer un système national de ciblage, sur lequel les autorités libanaises s’appuieront pour effectuer les transferts sociaux et mettre à disposition les services destinés à améliorer le niveau de vie de la population, en particulier des personnes pauvres et vulnérables.

« Le programme a pour objectif de renforcer les filets de sécurité sociale, surtout le dispositif public, qui, au Liban, est fragile et fragmenté, a déclaré le ministre des Affaires sociales, Wael Abu Faour. Le PNCP a aussi un objectif plus large : renforcer le rôle de l’État vis-à-vis des citoyens. Le PNCP créera un mécanisme permettant aux pouvoirs publics d’atteindre directement les citoyens, sans tenir compte de leur confession religieuse, de leur origine ou d’autres facteurs. »

Le PNCP fait partie intégrante du Deuxième projet d’urgence à l’appui de la mise en œuvre de mesures de protection sociale (ESPISP II), qui consiste en un don de 6 millions de dollars octroyé par la Banque mondiale au Liban. L’ESPISP Il a pour but d’améliorer l’administration, la fourniture, la viabilité financière et le ciblage des services sociaux, via le déploiement de nouveaux systèmes et l’adoption de nouvelles politiques au niveau du Fonds national de sécurité sociale, du ministère du Travail, du ministère de la Santé publique, du ministère des Affaires sociales et du ministère de l’Éducation et de l’enseignement supérieur.

Le coût total du PNCP s’élève à 9,34 millions de dollars des États-Unis, dont 1,25 million financé par la Banque mondiale, 598 000 dollars des États-Unis apportés par le ministère des Affaires étrangères de l’Italie, 2 millions de dollars canadiens provenant de l’Agence canadienne de développement international et 5,5 millions de dollars des États-Unis injectés par le Liban.

Le PNCP comporte 3 phases :

1) Conception du mécanisme de ciblage: L’élaboration et le développement du mécanisme de ciblage, qui ont commencé il y a trois ans, reposent sur la méthode PMT (proxy-means testing), qui évalue les ressources des ménages d’après plusieurs indicateurs. Cette méthode s’appuie sur certaines caractéristiques observables (et facilement vérifiables) des ménages, dont les recherches empiriques montrent qu’elles sont corrélées au statut socioéconomique (biens, caractéristiques socioéconomiques des membres du ménage et caractéristiques démographiques). Les autorités pourront ainsi déterminer quels sont les ménages pauvres et vulnérables au Liban, et, partant, planifier et déployer différents programmes d’aide.

2) Phase pilote: En 2009, le mécanisme PMT a été piloté par le ministère des Affaires sociales dans trois quartiers de Beyrouth : Aïn el-Remmeneh, Chiyeh et Tarik el Jdideh. Les demandes déposées par les ménages auprès des centres de développement social dans ces quartiers ont été collectées et vérifiées par des inspecteurs des affaires sociales formés à cette tâche. Après enregistrement des données, un score a été assigné aux ménages, qui ont été classés en fonction de leur niveau de richesse d’après la formule PMT.

3) Programme national: Le Programme national est administré par une unité de gestion centrale, créée au niveau de la présidence du Conseil des ministres, et par une équipe constituée au sein du ministère des Affaires sociales. Le programme d’aide sociale ciblée doit être mis en œuvre par environ 350 inspecteurs et travailleurs sociaux, recrutés à cette fin dans les 96 centres de développement social. Ils ont été formés à l’utilisation de la méthode de ciblage retenue et à la collecte des données nécessaires auprès des ménages. Ces données seront vérifiées et traitées au moyen d’un système automatisé de gestion de l’information.

« Bien que l’économie libanaise soit depuis peu sur une trajectoire de croissance, les politiques sociales ont échoué, dans une large mesure, à combler le fossé entre croissance économique et développement social. Les plus démunis n’ont pas pu bénéficier de la croissance économique et de ses retombées monétaires, affirme Hedi Larbi directeur-pays de la Banque mondiale pour le Liban. Le Liban est un pays qui subit régulièrement des chocs économiques, sociaux, politiques ou dus à des catastrophes naturelles, externes ou internes, et il ne dispose pas de systèmes adéquats pour répondre aux besoins de ceux qui subissent ces chocs. À l’heure où les populations arabes, dans toute la région, réclament l’égalité et la justice sociales, le lancement de ce programme vient à point nommé. »

Le PNCP repose sur plusieurs principes fondamentaux : l’équité, la justice, l’aide aux plus indigents, l’objectivité et la transparence. Le mode d’évaluation de l’éligibilité à ce programme est automatisé, et laisse donc peu de place à des décisions arbitraires dans l’attribution d’une aide. Une procédure de plainte et de recours a également été mise en place.

Le PNCP aboutira principalement à la constitution d’une base de données crédible, précise et automatisée, qui renseignera en temps réel sur les populations pauvres et vulnérables. Cette base de données couvrira plus de 150 000 ménages, avec une évaluation objective de leurs ressources et un classement. Lorsqu’elle sera pleinement opérationnelle, les autorités libanaises pourront l’utiliser pour cibler des programmes sociaux destinés à améliorer le niveau de vie de la population.

La situation économique et sociale des ménages bénéficiant de ces programmes sera entièrement réévaluée après ou juste avant l’expiration de la période d’aide. Celle de tous les autres ménages inclus dans la base de données le sera tous les deux ans.

« Le PNCP est conçu et mis en œuvre sur la base des expériences et des meilleures pratiques internationales, mais en tenant compte des spécificités du Liban, indique Haneen Sayed, chargée, au sein du Bureau de la Banque mondiale au Liban, de coordonner le développement humain. Le Liban rejoindra bientôt la quarantaine de pays en développement qui se sont dotés de programmes similaires pour cibler et aider les pauvres grâce à la méthode scientifique et objective actuellement utilisée dans le cadre du PNCP. »

Le PNCP améliorera les efforts axés sur la lutte contre la pauvreté, ainsi que l’efficience et l’efficacité des filets de sécurité sociale au Liban, et permettra à l’État d’atteindre les individus qui sont réellement les plus pauvres et les plus vulnérables.

Tous les ménages libanais peuvent déposer une demande d’aide à compter du 17 octobre 2011. La base de données sur les personnes pauvres et vulnérables devrait par conséquent être finalisée d’ici février 2012.


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