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Les partenaires du développement discutent de l'urgence de la reprise en Côte d'Ivoire

20 avril 2011


WASHINGTON, le 20 avril 2011 - Les différents partenaires en charge des questions de développement, réunis à l’occasion d’une table ronde organisée dans le cadre des Réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), ont annoncé le lancement d’une évaluation commune des besoins, afin d’obtenir une idée réaliste des ressources nécessaires pour permettre à la Côte d’Ivoire de se relever de la violente crise que le pays traverse depuis les élections de novembre dernier.

Ces dernières, très disputées, faisaient suite à une période de près de dix ans d’insurrection armée qui divisait le pays depuis septembre 2002. L’impasse qui paralyse le pays depuis ces élections affaiblit considérablement les capacités de paiement de la Côte d’Ivoire face à ses créditeurs.

«Pour la première fois dans l’histoire du pays, en mars 2011 nous nous sommes trouvés dans l’incapacité de payer les salaires », a déploré lors de la table ronde le ministre de l’Économie et des Finances de la Côte d’Ivoire, M. Charles Koffi Diby, qui redoute que « si rien n’est entrepris de façon urgente, nous risquons de plonger dans une spirale infernale d’accumulation des arriérés ».

L’interdiction d’exporter la principale richesse du pays (le cacao), le retrait massif de dépôts, la prolifération d’armes légères et les importants mouvements de réfugiés ont concouru à aggraver la crise au cours des derniers mois.

« Nous devons agir de manière coordonnée et répondre à la crise humanitaire, tout en envoyant, dans le même temps, un signal fort en termes d’emplois », a expliqué aux participants de la table ronde Mme Obiageli Ezekwesili, Vice-présidente de la Banque mondiale pour la région Afrique.

Les partenaires du développement de longue date de la Côte d’Ivoire, parmi lesquels le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, la Banque africaine de développement, l’Union africaine, la CEDEAO, ainsi que des responsables chinois, français et américains, ont pris part aux discussions présidées par Mme Ezekwesili.

« Nous devons encourager les citoyens de Côte d’Ivoire à s’engager dans une coalition qui aidera à remettre sur pieds leur pays », a-t-elle proposé, en suggérant que les leçons contenues dans la dernière édition en date du Rapport sur le développement dans le monde – consacré essentiellement aux questions de conflits et de développement – pourraient être utile à la Côte d’Ivoire.

Ce rapport montre que les pays qui sortent de violents conflits se caractérisent souvent par un faible niveau de confiance envers les institutions publiques. Il conseille aux autorités qui doivent faire face à de telles circonstances de mettre en place un certain nombre de mesures fortement visibles et destinées à ramener et renforcer la confiance de l’opinion publique dans les domaines de la paix et de la sécurité, de l’égalité dans l’accès à la justice et de la création d’emplois. L’une de ces mesures, prise au Mozambique, a concerné la nomination d’un des principaux officiers rebelles au poste de commandant en second des forces armées unifiées, une fois le conflit terminé.

« Des signaux forts allant dans le sens du changement sont nécessaires et doivent comprendre l’assurance que le secteur privé est à nouveau en mesure de prospérer », explique Mme Ezekwesili. Dans ce sens, la simplification des réglementations commerciales peut apporter beaucoup, si l’on se réfère au Rapport sur le développement dans le monde 2011, qui cite pour le Rwanda une croissance de 6% du secteur formel, ainsi qu’une augmentation de 10% du nombre de créations d’entreprises, du simple fait d’une réforme de son régime d’application des contrats.

Une autre méthode qui permettrait de créer des emplois consisterait à soutenir le développement des professions indépendantes, grâce à des petits prêts et à la mise en place de formations pour les entrepreneurs, notamment les femmes. Les petites et moyennes entreprises contribuent à hauteur de 18% au produit intérieur brut ivoirien et emploient jusqu’à 23% de la population active du pays, selon une étude de la Banque mondiale publiée l’an dernier.

Les études préliminaires montrent une chute de trois à sept pour cent du produit intérieur brut du pays, à la suite du fort ralentissement de l’activité économique, au moment où les combats se sont intensifiés.

« Je porte avec moi les souffrances du peuple ivoirien », a proclamé M. Diby, expliquant que les taux de pauvreté se sont aggravés dans l’ensemble du pays, où des fournitures médicales et d’autres matériels d’urgence manquent cruellement.

Certains partenaires du développement de la Côte d’Ivoire se sont déjà engagés à soutenir le pays. La semaine dernière, la France a annoncé un plan d’aide de 400 millions de dollars et l’Agence française de développement travaille actuellement à une extension de l’aide nationale. Les autorités françaises ont également fait part de leur volonté d’aider la Côté d’Ivoire à rembourser ses arriérés envers les agences internationales dans les jours à venir.

Le FMI, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement devraient par ailleurs réactiver leurs portefeuilles après le remboursement des arriérés qui leurs sont dus. 

La crise qui a frappé la Côte d’Ivoire résulte de problèmes anciens, allant des questions de la nationalité à celles de l’intégration sociale et économique, et qui sont communs à de nombreuses sociétés africaines postcoloniales.

Les répercussions pour la région sont importantes. Le Libéria, où sont arrivés 125 000 réfugiés depuis décembre, est le plus directement touché par les conséquences de la crise. Cet afflux représente une pression de plus pour un pays qui est lui-même en phase de reconstruction à la suite d’un conflit et qui se bat pour apporter à sa population les services de base dont elle a besoin. Le réarmement de certains groupes libériens est également source d’inquiétudes concernant la stabilité du pays.

D’autres pays, comme le Burkina Faso, ont pris des mesures d’urgence destinées à faire face aux perturbations que connaissent les exportations d’électricité ou de produits pétroliers en provenance de la Côte d’Ivoire, ainsi que les échanges commerciaux avec le Burkina Faso et le Mali.

« Ce n’est pas uniquement au nom des Ivoiriens que je m’adresse à vous, mais bien au nom des 80 millions de personnes qui peuplent l’ensemble de l’Union économique et monétaire ouest-africaine », a poursuivi M. Diby lors de son adresse aux donateurs réunis lundi autour de la table ronde.

« L’intégration régionale souffrira aussi longtemps que persistera la crise. L’économie de la Côte d’Ivoire représente environ 40% du PIB total de l’UEMOA, et sans son leadership actif, il sera difficile de progresser dans l’agenda régional », a rappelé le Directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Togo, Madani M. Tall.

Si les violents conflits ne permettent pas de désigner de vainqueur incontestable, en raison d’un bilan de plusieurs milliers de morts et plus d’un million de personnes déplacées, il est au contraire simple de constater qui sont les perdants : les hommes et femmes ordinaires de Côte d’Ivoire, les enseignants, commerçants, entrepreneurs, communautés locales etc.

Les conflits violents blessent les pays et leurs peuples plus que tout autre et c’est une image publiée en une de l’hebdomadaire français Courrier International au début du mois d’avril 2011 qui l’exprime le mieux. On y voit un éléphant – le symbole national de la Côte d’ivoire – transpercé par ses propres défenses. Cette image ne doit pas représenter le destin de la Côte d’Ivoire.


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