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Un sommet international pour sauver le tigre et préserver la biodiversité

18 novembre 2010


LES POINTS MARQUANTS
  • Le président de la Banque mondiale et plusieurs chefs d’État se réunissent la semaine prochaine afin de décider d’un plan d’action pour sauver les tigres.
  • En 2010, il ne reste plus que 3 200 tigres vivant à l’état sauvage, contre 100 000 il y a un siècle. Au cours des dix dernières années, l’espèce menacée a connu une perte de son habitat de 40 %.
  • Un programme doté d’un budget de 350 millions de dollars va être adopté afin de mieux préserver l’habitat naturel des tigres et renforcer les contrôles contre la contrebande.

18 novembre 2010 – Pendant des siècles, les forêts tropicales d’Asie ont retenti des cris stridents des langurs et des oiseaux chanteurs annonçant la présence d’un tigre. Aujourd’hui, elles restent silencieuses de plus en plus souvent.

Le tigre, roi de la jungle asiatique, est en voie de disparition, victime du braconnage, de l’empiétement du développement humain et de la déforestation. En 2010, Année du tigre, il ne resterait même pas 3 200 individus dans la nature, contre plus de 100 000 il y a un siècle. Et, au cours des dix dernières années, l’espèce menacée aurait connu une perte de son habitat de 40 %.

Du 21 au 24 novembre prochain, les dirigeants des treize « États du tigre » vont se retrouver à Saint-Pétersbourg pour un événement historique sans précédent : le premier sommet de haut niveau consacré à la sauvegarde d une espèce en danger.

Organisé par la Fédération de Russie, ce forum international pour la protection du tigre a pour objectif de s’attaquer d’une part au trafic illégal des parties du tigre et, d’autre part, de préserver la richesse de la biodiversité des forêts constituant l’habitat du félin.

« Ce sont les braconniers, et pas les tigres, qu’il faut mettre derrière des barreaux », tance le président de la Banque mondiale Robert Zoellick. « Les treize pays abritant encore des tigres sont parvenus à adopter des plans d’action spécifiques visant à doubler la population de l’espèce d’ici à 2022, la prochaine année du tigre. Et nous sommes déterminés à leur apporter notre appui. »

M. Zoellick sera donc présent au forum, aux côtés des chefs d’État et des ministres des treize pays concernés, ainsi que de l’Allemagne, du Japon et de la Corée. Des représentants des Nations Unies, du Fonds pour l’environnement mondial, de la Banque asiatique de développement, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, de la Banque islamique de développement et d’organisations écologistes régionales et internationales vont également y participer.

« Nous voulons aller jusqu’au sommet de la volonté politique. Il faut prendre des mesures fortes et effectives pour mettre fin à l’extinction », avertit Keshav Varma, directeur de programme au sein de l’Initiative pour la protection des tigres mise en place à la Banque mondiale.

Stopper la perte de la biodiversité

Le forum pour la protection du tigre s’inscrit dans le sillage de la conférence des Nations Unies sur la biodiversité qui vient de se tenir à Nagoya, au Japon. Les dirigeants du monde entier s’y sont engagés à prendre des « mesures d’urgence » et à augmenter le niveau des financements pour la lutte contre la perte de la biodiversité dans le monde, tandis que la Banque mondiale annonçait l’adoption d un programme pilote de « comptabilité verte » destiné à mesurer la richesse des écosystèmes de la planète.

Ces initiatives reflètent une véritable évolution du paradigme traditionnel du développement, souligne M. Varma. « Il faut tourner le dos à la vieille image d’un développement purement matériel. Préserver la biodiversité, sauvegarder les îlots de nature sauvage, c’est capital pour l’humanité. »

« Le tigre est une espèce parapluie », ajoute M. Zoellick. « En sauvant les tigres, nous sauvons aussi la biodiversité au sein des espèces qui constituent leurs proies et celle de leur habitat. Ce qui est en jeu dépasse donc la sauvegarde d’une seule espèce. L’Initiative mondiale pour la protection du tigre illustre symboliquement la manière dont nous pouvons prendre soin de notre planète. »

Renforcer la répression

Le Forum va donner le coup d’envoi au Programme internationale pour la protection du tigre (Global Tiger Recovery Program, GTRP), fruit de 30 mois de travail entre les pays du tigre et de nombreux partenaires, dont la Banque mondiale, le Fonds pour l’environnement mondial, le WWF, la Smithsonian Institution et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

Conçu sous la forme d’un plan quinquennal et doté d’un budget de 350 millions de dollars, ce programme a notamment pour objectifs la gestion de l’habitat des tigres, le renforcement des contrôles dans les zones sensibles (postes frontaliers le long des routes de contrebande notamment), ainsi que l’alourdissement des peines et l’augmentation des taux de condamnation pour les braconniers.

Ces efforts bénéficieront de la création d’un nouveau « consortium de lutte contre le crime à l’encontre des espèces sauvages » comprenant Interpol, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, le Conseil de coopération douanière, la Convention sur le commerce international des espèces menacées et la Banque mondiale, qui est impliquée dans les questions de gouvernance des forêts, précise M. Varma.

Ce dernier ajoute qu’un des éléments clés du projet consistera à créer l’architecture institutionnelle permettant de combattre trafic et commerce illégaux. « Nous devons renforcer les capacités en première ligne, pour faire en sorte que les zones protégées soient bien surveillées. »

Au cours du sommet, la Banque mondiale annoncera la mise en place de deux programmes financés par son fonds dédié aux pays les plus pauvres. L’un aidera le Bhoutan, le Bangladesh, le Népal et l’Inde à renforcer les contrôles. L’autre concernera le Cambodge et la RDP Lao.

Un marché noir sophistiqué

Les efforts de sauvegarde du tigre devront cependant faire face à un marché noir des parties du tigre très sophistiqué et mobile – une dépouille de tigre peut se vendre 50 000 dollars, selon l’organisation TRAFFIC, un des partenaires du GTRP.

Les partenaires du GTRP étudient les différentes options de financements additionnels qui permettraient de dynamiser les efforts engagés. Un plan comprend le renforcement du programme de Réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation des forêts (REDD), qui permet aux investisseurs de percevoir des crédits carbone en échange de leur soutien. Ce REDD-plus amènerait à la création d’un marché pour la préservation des espèces. Le Népal et la Malaisie ont fait part de leur intérêt à l’égard d’une proposition de programme pilote qui permettrait de tester cette idée, précise M. Varma.

D’autres pistes concernent l’écotourisme ou l’émission d’obligations par lesquelles les investisseurs pourraient soutenir les efforts de préservation. Mais tous ses efforts seront vains sans le soutien des populations vivant à proximité des tigres, prévient M. Varma. « La biodiversité, cela ne concerne pas seulement les forêts, cela concerne les communautés surtout. La bataille sera perdue tant que les communautés, les peuples indigènes qui vivent dans les forêts n’auront pas compris qu’un tigre vivant a plus de valeur qu’un tigre mort, et nous ne pourrons rien faire alors pour le sauver. »


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