ARTICLE

En Gambie, l’approche « développement conduit par les communautés » permet d’autonomiser les populations pauvres en milieu rural

13 octobre 2010


LES POINTS MARQUANTS
  • Les priorités sont définies par les communautés elles-mêmes, ce qui leur donne les moyens de participer activement à leur propre développement
  • Chaque projet comporte des mécanismes visant à assurer la pérennité de ces investissements au-delà de la contribution initiale des partenaires

KAIAF (Gambie), 13 octobre 2010 - L’aspect qu’offre le village de Kaiaf à 170 kilomètres de Banjul, la capitale de la Gambie, ne diffère sans doute pas de celui des autres villages du pays en cette matinée pluvieuse. Sauf que la frénésie et l’enthousiasme des femmes qui dansent en déclamant des poèmes en sosseh, la langue de la zone, en dit long sur la perception que cette communauté a du Projet de développement communautaire, connu par tout le monde ici sous le nom de « CDDP ».

Le CDDP est financé par des subventions fournies par le gouvernement du Japon (4,8 millions de dollars américains) et par l’Association internationale pour le développement (IDA), la branche de la Banque mondiale qui vient en aide aux pays les moins avancés (12,3 millions de dollars). Le CDDP a déjà financé 737 projets dans 391 villages et 42 communautés rurales (appelées « ward »), et 361 projets additionnels sont prévus avant sa clôture en 2012.

Le « développement tiré par les communautés » est une approche à travers laquelle les bailleurs de fonds viennent en aide aux populations en mettant à leur disposition des financements qui leur permettent de faire des investissements à petite échelle. Ces investissements sont orientés vers des projets identifiés et implémentés par les populations elles-mêmes après concertation. Ces investissements touchent plusieurs secteurs, notamment l’agriculture, les routes, l’eau et l’assainissement, la santé, l’éducation, la pêche et le commerce.

Kaiaf est la capitale d’un ward qui compte huit villages dont deux – Ganiere et Madina Sancha - se sont associés pour bénéficier d’une subvention de 28.350 dollars du CDDP. Les deux villages qui ont une population totale de 1715 habitants ont choisi mettre en œuvre un projet de construction et de gestion d’une boutique communautaire installée à Kaiaf.

L’accouchement n’a cependant pas été facile, comme le rappelle Mme Madioula Diouf, présidente du Comité de développement de la communauté rurale (WDC). « En demandant aux villages de sélectionner trois projets prioritaires pouvant bénéficier d’un financement du CDDP, nous sommes retrouvés avec une dizaine de projets », indique-t-elle. Après des discussions qui ont duré plusieurs jours, « nous avons été obligés de procéder à un vote pour identifier finalement trois projets : boutique communautaire, engrais et achat d’un tracteur ».

Le consensus réalisé, le CDDP a commence à décaisser au profit du ward et aujourd’hui à Kaiaf, les populations montrent fièrement leur boutique bien fournie dans un bâtiment réalisé par la communauté. « Son impact est réel », selon Lamine Sané, membre du comité de développement composé d’autant d’hommes que de femmes. « Le CDDP a frappé un grand coup en finançant une des communautés les plus pauvres du pays », ajoute-t-il.

Résultat, à Kaiaf, presque toutes les marchandises coûtent moins cher qu’ailleurs. En effet, dans la zone, c’est véritablement les pauvres fixent les prix et les autres commerçants ajustent leurs prix pour refléter ceux de la boutique communautaire. « Avant le sac de riz coutait 900 dalasis (36 dollars), avec notre boutique, nous avons décidé le céder à 600 dalasis (30 dollars) et tous les commerçants ont baissé leurs prix pour pouvoir vendre. Il en va de même pour le sucre, le thé et les autres produits depuis neuf mois que notre boutique a été ouverte », renchérissent Fodé Danfa et Malick Sané, habitants du ward.

« Nous ne voulons pas faire du profit exorbitant, car cela rendrait les marchandises inaccessibles aux populations », souligne Lamine Sané.

Pour parvenir à leurs fins, les villageois font preuve d’ingéniosité dans l’approvisionnement et dans la gestion de leur boutique. Chaque mois, un contrôle communautaire est effectué sur la gestion du magasin. Ce contrôle est réalisé par quatre personnes appartenant à des villages différents qui rendent compte à la réunion du WDC qui se tient tous les deux mois.

Aujourd’hui, la boutique répond aux attentes de la population et elle a même un compte en banque dont le crédit est de 90,000 dalasis (3300 dollars), soulignent fièrement les membres du WDC.

« La communauté toute entière veille ce que notre boutique reste au service des populations et non des spéculateurs », assure Lamine Sané.

Souci de pérennisation

Entre temps un peu plus loin à Jalanbang, localité située à 26 kilomètres de Banjul, les représentants des 680 habitants représentants de cette communauté prennent part à une réunion du Comité de développement du village (VDC) sous les toits de leur marché flambant neuf financé par le CDDP.

Ici, faire le marché est une corvée des femmes qui prélèvent chaque jour 14 dalasi (0,50 dollar) des maigres revenus de la famille pour se rendre dans la ville de Brikama, 10 kilomètres plus loin, pour y acheter les denrées alimentaires.

Pour Adama Nyassy, présidente du VDC, « la construction d’un marché a été immédiatement considérée comme la première priorité quand nous nous sommes réunis pour pouvoir bénéficier du projet CDDP. »

Le village a bénéficié d’un financement total de 13.475 dollars du CDDP, soit la majeure partie des 14.000 dollars requis pour parachever l’édifice. « La communauté a fait une importante contribution en nature, en assurant toute le main d’œuvre, les hommes faisant les briques et les femmes apportant l’eau pour la maçonnerie », selon Aladji Bah, le secrétaire du VDC.

Tout comme à Kaiaf, la communauté de Jalanbang voulait garantir la pérennité du projet au-delà des financements du CDDP. Ainsi le VDC a décidé de faire louer les espaces de vente et l’argent issu de la location de ces espaces servira à entretenir le marché et même à financer d’autres projets de la communauté.

« Notre marché va attirer les femmes des autres villages alentours qui n’auront plus à dépenser de l’argent pour aller à Brikama », selon Binta Ba, une des femmes présentes a la réunion. « En évitant de dépenser 14 dalasis par jour, nous pouvons consacrer plus à la nourriture de la famille», assure-t-elle.

« Notre ambition, c’est devenir un exemple de développement à la base en Gambie », souligne l’Alkaly (chef de village), Lamine Diatta. Un ambitieux pari que les hommes et les femmes de Jalanbang se disent prêts à relever.

Api
Api

Bienvenue