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Enseignement supérieur et réduction de la pauvreté en République du Congo

28 mai 2010


LES POINTS MARQUANTS
  • L’état des lieux de l’enseignement supérieur au Congo révèle des lacunes à plusieurs niveaux, dont une insuffisance des infrastructures physiques et une absence de formation des formateurs
  • Soucieuses de lancer le pays sur la voie du développement axé sur le savoir, les autorités congolaises se sont réunies début 2010 autour des chefs d’établissements
  • La Banque mondiale soutient le gouvernement dans l’élaboration de la stratégie sectorielle de l’éducation qui couvre l’enseignement primaire, secondaire général, technique et supérieur

BRAZZAVILLE, 28 mai 2010—Le savoir est le facteur-clé du développement parce qu’il est la source de création de la valeur ajoutée, de la croissance et de la diversification de l’économie, mais aussi de création d’emplois, d’amélioration du revenu individuel et de réduction de la pauvreté, et enfin de création d’avantages comparatifs et de compétitivité. C’est pourquoi les chefs des établissements de l’enseignement supérieur de Brazzaville ont échangé sur le thème « Enseignement Supérieur et Réduction de la Pauvreté », autour du Représentant Résident de la Banque mondiale et du ministre congolais de l’Enseignement Supérieur.

Dans son allocution d’ouverture, le Représentant résident de la Banque mondiale au Congo, Midou Ibrahima a déclaré : «Il y a deux raisons pour que nous puissions échanger sur l’enseignement supérieur et la réduction de la pauvreté. La première est que le Congo est engagé dans un processus de réduction de la pauvreté et la deuxième est relative au développement basé sur le savoir ».

Le développement axé sur le savoir est le processus d’accroissement du revenu réel (et de transformation des structures économiques intellectuelles et institutionnelles) basé sur la qualité de l’éducation, la solidité des institutions, la facilité de communication et de diffusion des informations techniques, les compétences dans les domaines de la gestion et de l’organisation.

Trois stages de développement

L’enseignement supérieur est passé par trois stages dans les stratégies de développement du Congo. Au départ, la Stratégie de promotion des exportations primaires avait pour objectif de former des cadres nécessaires à l’administration coloniale. Puis vint la Stratégie de substitution aux importations manufacturières qui s’est consacrée à la formation des cadres nécessaires au fonctionnement des industries mises en place. Dans le stage de la libéralisation et l’ouverture (des années 1980 à nos jours), la place accordée à la formation et à l’enseignement supérieur est toujours insignifiante du fait des restrictions budgétaires.

La stratégie actuelle tient compte également de plusieurs paramètres, à savoir le NEPAD, les OMD et le DSRP, qui énumère ainsi l’objectif principal de l’enseignement supérieur : « produire et diffuser des connaissances scientifiques et technologiques de haut niveau, former des cadres moyens et compétitifs, utiles au développement national, assurer un enseignement supérieur de qualité et d’utilité, et diffuser la culture ». Cependant les priorités retenues dans le NEPAD, les OMD et le DSRP ont été définies sans tenir compte des besoins correspondants en professionnels hautement qualifiés pour mettre en œuvre efficacement ces programmes.

Ainsi, l’état des lieux de l’Enseignement Supérieur au Congo révèle : une insuffisance des infrastructures physiques ; des bibliothèques limitées et obsolètes, ne répondant pas aux besoins d’information et de documentations des étudiants ; des équipements et matériels didactiques insuffisants ; une insuffisance du nombre d’enseignants permanents et des recours massifs aux enseignants vacataires ; une absence de formation des formateurs ; une insuffisance d’enseignants de rang magistral ; une insuffisance de pré-requis au niveau des étudiants issus du secondaire.

Les dépenses budgétaires dans l’Enseignement supérieur au Congo constituent actuellement 26% du total des dépenses consacrées à l’Education. Ceci place l’Enseignement supérieur au Congo parmi les budgets les plus élevés en Afrique, mais reste cependant très en dessous des besoins actuels du secteur. Face à toutes ces insuffisances, un certain nombre de modalités devraient être mises en œuvre pour une contribution efficace de la formation du capital humain à la réduction de la pauvreté.

Il s’agit, en premier lieu, de la création d’autres centres d’enseignement supérieur dans les grandes villes du pays, en commençant par Pointe-Noire (capitale économique), afin de maintenir les jeunes à proximité des potentiels employeurs. Il faudra par la suite assurer la formation d’une main-d’œuvre qualifiée et ayant la faculté d’adaptation au marché du travail, assurer la création de meilleures opportunités d’emploi et de revenu pour les étudiants défavorisés et réduire des inégalités (en permettant aux enfants venant des couches défavorisées d’accéder à des revenus plus substantiels). Il faudra aussi faciliter la formation à l’auto-emploi pour pallier à la capacité d’absorption très limitée de la fonction publique et soutenir le reste du système éducatif par la formation des enseignants, des instituteurs, des enseignants des collèges et lycées et la formation des inspecteurs de l’enseignement.

L’appui de la Banque mondiale à l’Education au Congo a surtout concerné l’Education de base. Depuis la réouverture de son Bureau à Brazzaville en 2001, la Banque a financé un projet d’appui à l’Education de Base, en deux étapes, pour un montant global de 35 millions de dollars, dans le cadre (i) du Renforcement des capacités de planification en gestion et formulation des politiques éducatives ; (ii) de la Réhabilitation des infrastructures scolaires et gestion communautaire des écoles ; (iii) de l’Amélioration de la qualité de l’éducation et la rénovation pédagogique ; (iv) de l’appui à l’éducation qualifiante de la jeunesse déscolarisée et la scolarisation des enfants pygmées.

La Banque soutient également le Gouvernement du Congo dans l’Elaboration de la stratégie sectorielle de l’Education : enseignement primaire, secondaire général, technique et professionnel et enseignement supérieur.

Enseignement supérieur, innovation et réduction de la pauvreté

Il existe une politique scientifique nationale et des programmes de recherches dans le pays. Cependant, des faiblesses ont été relevées dans la domaine, parmi lesquelles on citera : un cadre stratégique non finalisé et une pertinence des programmes non démontrée ; une faible proportion de chercheurs parmi les enseignants, et l’insuffisance et le sous-équipement des laboratoires de recherche.

« Pour rendre la recherche universitaire plus efficace à la réduction de la pauvreté il faudrait mettre en place un système national d’innovation qui consisterait en un ensemble complexe d’institutions et de pratiques ayant pour objet la production et la diffusion du savoir scientifique et technologique », a déclaré le Professeur Hervé Diata, le Doyen de la Faculté des Sciences Economiques à l’Université de Brazzaville. Un tel système, a-t-il ajouté, devrait être accompagné par un cadre macroéconomique et réglementaire approprié, ainsi que d’organisations productrices du savoir ― centres de recherche, laboratoires, sociétés savantes, communauté de pratiques, entreprises et réseaux d’entreprises innovateurs.

Ces réformes requièrent l’implication des enseignants chercheurs par la participation directe aux instances de décision politique (gouvernement, parlement, partis politiques) et la mise en place d’organes spécialisés (groupes de pression, centres de recherche, observatoires, comités de conseillers). La création de pôles de formation à l’intérieur du pays permettra aussi d’accompagner le développement local.

Recommandations

Les participants au forum de Brazzaville ont proposé un certain nombre de conditions à remplir pour une implication plus efficace dans la mise en œuvre des réformes. Il s’agit, entre autres, de la formulation, par les chercheurs, de recommandations plus attrayantes ; de l’acquisition de compétences dans le domaine du marketing des idées nouvelles ; l’élaboration d’une pensée scientifique originale, riche en débats théoriques et méthodologiques ; et l’ouverture des décideurs publics au conseil des chercheurs universitaires.

En conclusion, il a été admis que le rôle de l’enseignement supérieur est déterminant dans la promotion d’un développement basé sur le savoir et dans la réduction de la pauvreté. Ce rôle passe avant tout par la formation d’un capital humain utile au développement, la constitution d’un capital social et le soutien au reste du système éducatif.

Il passe ensuite par la capacité de l’enseignement supérieur à innover, qui dépend à son tour de la mise en place d’un système national d’innovation, de la mise en œuvre de réformes profondes du système d’enseignement supérieur et de l’implication des enseignants chercheurs.


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