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L'Afrique de plus en plus influente dans le monde multipolaire

27 mai 2010


LES POINTS MARQUANTS
  • L'Afrique est en passe de rejoindre le groupe des destinations privilégiées pour les investisseurs, selon Ngozi Okonjo-Iweal
  • L'Afrique subsaharienne gagne un siège au Conseil des Administrateurs de la Banque.
  • Les Africains nommés à des postes de direction au sein de la Banque sont des acteurs majeurs de la réforme.

Le 27 mai 2010—À ses anciens camarades d'Harvard réunis le 14 mai dernier, Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale à la Banque mondiale, a lancé une devinette :

« Quelle économie pesant plusieurs milliards de dollars a bénéficié d'une croissance plus rapide que celles du Brésil et de l'Inde entre 2000 et 2010... et devrait, selon les estimations du FMI, progresser plus vite que le Brésil entre 2010 et 2015 ?

« La réponse risque de vous surprendre : c'est l'Afrique subsaharienne ! »

Mme Ngozi Okonjo-Iweala a ainsi voulu attirer l'attention sur le fait que l'Afrique subsaharienne est en passe de rejoindre le groupe des BRIC – le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine –, ces puissances émergentes dont la richesse et le dynamisme ont fortement progressé au cours des dix dernières années.

L'Afrique peut devenir une nouvelle source de la demande mondiale, a-t-elle affirmé, avec une population qui pourrait rapidement rivaliser avec celles de la Chine et de l'Inde. Il faut que le continent africain attire les investissements, et « pas seulement l’aide ».

En l'espace de quelques années, le groupe des sept principales économies (G7) est devenu le G8, puis le G20 avec l'arrivée des BRIC et d'autres économies devenues récemment influentes. La part des pays en développement dans le produit intérieur brut (PIB) mondial en termes de parité de pouvoir d'achat est passée de 33,7 % en 1980 à 43,4 % en 2010.

Cette croissance s'est traduite à la Banque mondiale par une augmentation des droits de vote en faveur des économies en développement et en transition. Lors des Réunions de printemps qui se sont tenues en avril dernier, les 186 pays membres de la Banque ont en effet décidé d'augmenter le pouvoir de vote des pays en développement de 3,13 %, portant leur part du total des voix à 47 %.

Le président du Groupe de la Banque mondiale Robert B. Zoellick a, comme d’autres, clairement exprimé son souhait de voir, à terme, cette proportion passer à 50 %. Mais, à l’instar des réformes précédentes, cette décision appartient aux pays membres de la Banque.

La Chine devient ainsi le troisième principal actionnaire de la Banque. La part de voix attribuée à Turquie, au Mexique, au Brésil et à l'Inde va augmenter de manière significative, afin de refléter leur nouvelle position dans l'économie mondiale. Plusieurs pays plus pauvres, dont le Vietnam, El Salvador, le Liban et le Cambodge ont vu leur pouvoir de vote augmenter de 50 %.

La part de l'Afrique subsaharienne est quant à elle passée de 5,55 % à 5,86 %. La plupart des pays africains, comme l'Éthiopie, le Liberia, le Mali et l'Ouganda, bénéficieront d'une augmentation de leur nombre de voix.

De manière plus significative, l'Afrique subsaharienne a gagné un nouveau siège au Conseil des Administrateurs de la Banque mondiale, qui compte désormais 25 membres.

« Dans la mesure où la Banque prend ses décisions davantage par consensus qu’en recourant à des votes, ce nouveau siège autour de la table permettra de faire entendre – littéralement – la voix et les préoccupations de ces pays avec plus de force et de clarté », a déclaré Carlos Alberto Braga, directeur à la Banque mondiale.

Les Africains dans les instances dirigeantes de la Banque

La Banque mondiale, dont le personnel est originaire de 167 pays, est à l'image du monde dans lequel elle œuvre. Près des deux tiers de ces employés viennent de pays en développement ou en transition. La Banque a également entamé, au cours des trois dernières années, un virage significatif en faveur de la représentation des pays en développement au sein de ses instances dirigeantes.

Ancienne ministre des Finances et des Affaires étrangères du Nigeria, Mme Okonjo-Iweala est elle-même l'une des représentantes de cette évolution. En sa qualité de directrice générale, elle fait partie des membres les plus influents de la Banque mondiale.

On peut aussi citer le Sud-Africain Leonard McCarthy, vice-président du service de la Banque mondiale chargé des enquêtes anti-corruption, ou encore Obiageli Ezekwesili, ancienne ministre de l'Éducation du Nigeria et aujourd’hui vice-présidente pour la Région Afrique. L’ancienne ministre des Finances indonésienne Sri Mulyani Indrawati les rejoindra bientôt en tant que directrice générale.

Tous ces cadres dirigeants ont été d’éminents réformateurs dans leur pays. Leur expertise, reconnue dans le monde entier, bénéficie désormais à la communauté internationale.

« Il est grand temps que l'Afrique se considère et s’affirme comme le ‘cinquième BRIC’, qu’elle devienne une destination attractive pour l'investissement, et pas seulement pour l’aide », a déclaré Mme Okonjo-Iweala durant son discours à Harvard.

« Cette perspective est réaliste et à notre portée. Comme l'a dit Nelson Mandela, ‘cela paraît toujours impossible, jusqu’à ce que cela devienne réalité’. »

De fait, à mesure que les pays se relèvent de la crise mondiale, les investissements reviennent en Afrique, et la plupart proviennent des BRIC. Lors d’un discours au Woodrow Wilson Center for International Scholars, au mois d’avril, Robert Zoellick a annoncé que l'Afrique subsaharienne devrait bénéficier d'une croissance moyenne de plus de 6 % d'ici 2015.

« Ce n'est pas une question de charité », a insisté Mme Okonjo-Iweala. « Les entreprises recherchent de nouveaux marchés pour investir et le moment est venu pour l'Afrique d’en être. »

 

 

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