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Une route réhabilitée permet de réduire les coûts de transport et de propulser le commerce dans l'Est de la République démocratique du Congo

15 décembre 2009


BUTEMBO (Nord-Kivu), 15 décembre 2009—Depuis la fin des travaux de réhabilitation effectués sur la RN4 entre Kisangani et Beni (au Nord-Kivu), la reprise du trafic routier fait de l'ombre aux avions qui jusque-là transportaient l'essentiel des marchandises dans cette zone de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).

Sur l'avenue du stade, au centre-ville de Butembo, des matelas emballés dans des sacs en plastique, des paniers d'oignons et d'ail ainsi que diverses marchandises jonchent le sol. Dans le plus grand désordre, des manutentionnaires chargent des sacs de haricot dans des véhicules poids-lourds. Sur chacun d'eux, on peut lire « Kisangani Express ».

« On ne manque jamais un véhicule à charger. C'est comme ça qu'on gagne notre vie ici », explique, tout haletant, Bamimbi Vumi, un chargeur très affairé. Un parking improvisé s'est installé ici depuis la fin de l’année 2008, juste à côté du bureau détaché de la plus grande des compagnies de transport terrestre des biens et des personnes, qui assure la liaison entre Butembo et Kisangani. Il y a quelques mois encore, on ne voyait guère de passagers se bousculer pour monter sur les véhicules et parcourir les 900 km qui séparent les deux villes.

Les transporteurs aériens en perte de vitesse

Avant la réhabilitation de cette route, le transport des personnes et des marchandises s'effectuait en grande partie par avion. Les transporteurs aériens régnaient alors en maîtres, mais leur marché est en chute libre depuis les travaux de réhabilitation effectués au coût de 55 millions de dollars américains dans le cadre du Projet d’urgence de soutien au processus de réunification économique et sociale (PUSPRES), financé par la Banque mondiale.

Un passage dans les dépôts vides des quelques compagnies aériennes qui résistent encore à l'avènement des véhicules illustre les effets de cette concurrence.

 « Les opérateurs des véhicules sur Kisangani bloquent vraiment notre marché », se plaint Dominique Mbavumoja, chef d'agence de la compagnie Mango Airline. « On est au bord de la fermeture, mais on imagine des stratégies pour garder les clients. »

Des 13 compagnies aériennes qui opéraient entre 2000 et 2005, seules trois essayent encore de résister.

 « Que voulez vous ? Le client voit où se trouve son intérêt. Et d'ailleurs, notre gouvernement a interdit le vol des Antonov depuis longtemps », argumente Pascal Karungu, vice-président de l'ACCO (Association des chauffeurs du Congo), pour qui le transport aérien « rapportait surtout aux pilotes étrangers alors que maintenant ce sont nos chauffeurs qui en profitent ». « Avant, nous taxions 1 kilo de fret à 1,4 USD, mais les camionneurs sont venus et ont diminué le prix jusqu'à 0,5 USD le kilo. Certains descendent même jusqu'à 0,25 USD », affirme Muyisa Kambine, responsable du marketing à la compagnie Galaxie Kavatsi.  « Avant que les transporteurs routiers n'entrent dans la danse, nous acheminions entre 150 et 200 tonnes de marchandises diverses par mois sur Kisangani. Maintenant c'est autour de 29 tonnes », affirme, amer, Dominique Mbafumoya.

« Par la route, on apprend à connaître notre pays »

Un autre atout joue en faveur des camionneurs : les passagers aiment bien les voyages par route qui sont l'occasion de découvertes.  « Prendre le véhicule est non seulement moins coûteux, mais surtout on apprend à connaître notre pays en traversant les multiples localités », apprécie Mulubwila Boya, un commerçant qui achemine des produits cosmétiques à Kisangani. Sur cette route se trouvent des villages comme Niania, réputé pour ses mines d'or, Mambasa connu pour ses Pygmées ainsi que la célèbre réserve d’okapis d'Epulu qui figure sur la liste du patrimoine mondial en péril établie par l’Unesco.

Kisangani-Beni : la nouvelle route des échanges commerciaux

La place communément appelée « Parking de Bafwasende », non loin du marché central de Kisangani, a retrouvé son ambiance d’antan. Ici, des dizaines de camions débarquent et embarquent tous les jours des centaines de passagers et des tonnes des marchandises en partance ou en provenance de Beni, Butembo, Goma, Bunia, Niania, etc. Il y a plus de 10 ans que les Boyomais (habitants de Kisangani) n’avaient plus droit à un tel spectacle. Ce parking avait disparu, les gros camions aussi.

Depuis plus de six mois, la réhabilitation de la route Kisangani-Beni a fait revenir ces véhicules dans les rues de la ville et le parking principal revit. Le chef-lieu de la Province orientale est à nouveau relié par route à Beni dans la province voisine du Nord-Kivu. Deux jours pour les camions et un seul pour les voitures et les jeeps suffisent pour effectuer ce trajet dont le coût a sensiblement baissé : 25 à 30 dollars contre 250 par avion.

Du coup, les échanges commerciaux s’intensifient entre les deux villes. Grâce à cette route, de nombreux jeunes gagnent désormais leur vie en travaillant pour leur propre compte. Le marché de la ville reçoit à bon prix diverses marchandises : ciment, tôles, matériel de construction, choux, pommes de terre, haricots, poissons salés, etc. De Kisangani, partent aussi divers produits manufacturés: laits de beauté, bière, savons, tomates, sardines… venus pour la plupart par bateau de Kinshasa, la capitale.

« Nous apprécions beaucoup les efforts du gouvernement pour la réhabilitation de cette voie, colonne vertébrale de l’économie de notre province », se réjouit Robert Osundja Bawa, directeur de la Fédération des entreprises du Congo, à Kisangani.

Approuvé en 2003, le projet PUSPRES a pour objectif d’aider le gouvernement congolais dans ses efforts visant à réunifier les provinces de l'Est au reste du pays. Le projet vise également à accroître l'accès aux infrastructures de base et les services sociaux pour les populations des provinces Orientale, du Maniema, du Nord et du Sud-Kivu, de l’Equateur, du Nord-Katanga, du Kasaï Oriental Nord. Le projet devrait être achevé en septembre 2010.




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