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Les pays en développement sont de plus en plus lésés par la crise

13 mars 2009


13 mars 2009 —À Bangkok, Witaya Rakswong, cuisinier âgé de 37 ans, gagne moins de la moitié de ce qu’il gagnait il y a deux ans, lorsqu’il était sous-chef dans un hôtel de luxe.

« En faisant attention aux dépenses, on peut s’en sortir », dit-il à propos de son salaire mensuel de 10 000 bahts (294 dollars). La baisse de son salaire l’a obligé à diminuer de 20 % l’aide qu’il envoyait à sa mère.
 
Comme Rakswong, les gens sont contraints de se débrouiller avec moins, du fait de la récession mondiale, la première depuis la seconde guerre mondiale.
 
Des millions de personnes ont perdu leur emploi suite aux fermetures de mines et d’usines ainsi qu’au ralentissement du secteur du bâtiment dans des pays qui connaissaient jusqu’alors une croissance rapide. Il s’agit peut-être du déclin le plus important qu’ait connu le commerce mondial au cours des 80 dernières années.
 
Un nouveau document de la Banque mondiale, rédigé en vue de la réunion des ministres des Finances du G-20, organisée ce week-end à Horsham, en Angleterre, signale que la crise économique pourrait avoir des conséquences à long terme pour les pays en développement.
 
Nombre d’entre eux voient en effet leur situation financière se détériorer, risquant de rendre moins accessibles aux plus pauvres les services de base, de santé ou d’éducation par exemple. Selon les estimations de la Banque, le déficit de financement est de l’ordre de 270 à 700 milliards de dollars dans 98 pays.
 
Seul un quart des pays les plus vulnérables auront des ressources financières suffisantes pour atténuer les conséquences de la crise financière en mettant en place des dispositifs de protection sociale ou des programmes de création d’emplois, souligne la Banque mondiale.
 
En 2009, la crise pourrait faire basculer dans la pauvreté 53 millions de personnes supplémentaires (c'est-à-dire des personnes gagnant moins de deux dollars par jour). Selon les travaux de recherche de la Banque, les plus touchés pourraient souffrir de malnutrition, être contraints de vendre des biens qui leur permettaient jusqu’ici d’assurer leur subsistance ou de retirer leurs enfants de l’école.
 
Un aperçu des différentes régions
 
Asie de l’Est et Pacifique (a)
 
Bien que considérablement mieux préparés à affronter la crise actuelle que celle qui les a frappés en 1997, les pays d’Asie de l’Est ont essuyé les plus lourdes pertes commerciales, conséquence de la chute des exportations, de la baisse des prix et de la dépréciation des monnaies, selon le document préparé pour le sommet du G-20. 
 
Les exportations chinoises ont baissé de 25 % par rapport à l’année dernière, a annoncé le gouvernement le 11 mars. Selon les estimations du ministère du Travail, la Chine compte 20 millions de chômeurs. Le pays met en œuvre un plan de relance de 586 milliards de dollars. Plusieurs autres pays de la région (notamment la Corée, la Malaisie et la Thaïlande) ont proposé d’importants plans de relance budgétaire pour 2009 afin de compenser le ralentissement de la croissance des exportations, comme l’indique la Banque mondiale dans son état de la situation dans la région Asie de l’Est et Pacifique (a) .
 
Europe et Asie centrale (a)
 
L’Europe de l’Est et l’Asie centrale ont été particulièrement touchées par la chute rapide des exportations, de l’investissement étranger et des envois de fonds, ainsi que par le resserrement du crédit, explique le document préparé par la Banque mondiale pour le sommet du G-20.
 
Le Groupe de la Banque mondiale s’est associé avec la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement afin de fournir jusqu’à 24,5 milliards de dollars de soutien au secteur bancaire dans la région et de financer des prêts aux entreprises touchées par la crise économique mondiale.
 
Selon les recherches menées par la Banque mondiale, la situation pourrait s’aggraver dans les pays de la région si les envois de fonds baissaient autant que l’indiquent les prévisions. Plusieurs de ces pays sont en effet fortement tributaires de l’aide financière provenant des travailleurs émigrés et deux d’entre eux comptent parmi les plus grands bénéficiaires d’envois de fonds à l’échelle mondiale : le Tadjikistan (où les envois de fonds représentent 45 % du PIB) et la Moldavie (38 %).
 
Afrique subsaharienne
 
Tout d’abord préservés de la crise financière, certains pays pauvres d’Afrique subsaharienne sont aujourd’hui confrontés à une pression fiscale du fait de la baisse des prix des matières premières, une importante source de revenus pour le gouvernement, selon le document de préparation au sommet du G-20.
 
La forte chute des prix du pétrole a eu des répercussions dans des pays comme le Congo, la Guinée équatoriale, le Gabon et le Nigéria, où le pétrole génère plus de la moitié des revenus globaux. La dépréciation des matières premières autres que le pétrole a atteint la Côte d’Ivoire, la Guinée et plusieurs autres pays, selon le même document.
 
Celui-ci souligne que les pays pauvres de la région sont largement dépendants de l’aide extérieure, mais que même avant la survenue de la crise, les pays développés avaient dû diminuer leur soutien d’environ 39 milliards par an.    
 
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord
 
Comme en Afrique subsaharienne, le secteur bancaire du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (région MENA) a, dans les premiers temps, moins souffert de la crise financière, du fait de sa moins forte intégration dans l’économie mondiale, toujours selon le document préparatoire au Sommet du G-20.
 
Cependant, ce sont les répercussions de cette crise sur l’économie réelle et sur la vie des gens qui sont aujourd’hui au cœur des préoccupations. La plupart des pays de la région MENA enregistrent déjà une baisse marquée de la croissance de leurs exportations du fait du ralentissement économique mondial et de la chute des prix du pétrole. Certains pays exportateurs, caractérisés par une population importante mais des réserves de devises limitées, risquent de subir une baisse de leur balance des paiements courants de plus de 20% de leur PIB ainsi qu’une réduction de leur espace budgétaire et pourraient de ce fait rencontrer de plus grandes difficultés pour répondre aux besoins sociaux. Les pays dont la croissance dépend des emplois, des envois de fonds et des investissements directs étrangers des pays du Golfe présentent déjà des signes de difficulté. Les pays non-exportateurs de pétrole, à l’économie plus diversifiée, ayant des liens plus étroits avec l’Europe sur le plan du commerce et du tourisme, seront probablement les grands perdants. Ils seront en effet davantage lésés par la baisse des exportations en direction de l’Europe et des dépenses liées au tourisme, ainsi que par la diminution des investissements directs en provenance d’Europe. Ces facteurs de fragilité rendent encore plus nécessaire la mise en œuvre de plans de relance adaptés et suffisamment financés dans de nombreux pays de la région MENA.
Asie du Sud (a)

Lorsqu’est survenue la crise financière, l’Asie du Sud s’était à peine remise (a) de la crise mondiale provoquée l’année dernière par la flambée des prix des aliments et du carburant. Cette crise avait considérablement accentué le déséquilibre budgétaire et celui de la balance des paiements courants et entraîné une hausse des taux d’inflation sans précédent, selon l’analyse de la Banque mondiale.
 
La région est aujourd’hui particulièrement vulnérable à la chute des envois de fonds provenant des travailleurs émigrés dans les pays du Golfe, comme l’indique le document préparatoire au Sommet du G-20. Celui-ci montre aussi que pour la première fois, l’Inde a enregistré une baisse de ses exportations par rapport à l’année précédente (de 15 %), alors que la croissance s’était maintenue à 35 % durant les cinq mois précédents. 
 
Amérique latine et Caraïbes (a)
 
Après cinq ans de croissance soutenue (5,3 % par an en moyenne), l’Amérique latine ressent les effets de la crise mondiale, principalement au niveau de son économie réelle. Les conséquences de la récession internationale (ralentissement de la croissance mondiale, augmentation des coûts de financement à l’échelle internationale, baisse du prix des matières premières et diminution des envois de fonds) n’épargnent pas l’Amérique latine (a).
 
La production industrielle décline et la croissance du PIB ralentit, selon les données du Bureau de l’économiste en chef de la Banque mondiale pour la région Amérique latine et Caraïbes.
Le Brésil a enregistré en décembre son premier déficit commercial depuis 8 ans, suite à une chute de 29 % des exportations, précise le document préparatoire au sommet du G-20.

Les pays en développement confrontés à de nouvelles réalités économiques

  • Au cours du second semestre 2008, la baisse de la demande a entraîné une baisse de 38% du prix des matières premières non énergétiques, qui constituent la principale source de revenus pour de nombreux pays. Les prix du pétrole ont chuté de 69 % entre juillet et décembre.
  • Le commerce mondial s’effondre du fait que les importations entre pays riches diminuent et que pays développés sont moins demandeurs de produits provenant des pays en développement (eux-mêmes fortement dépendants des marchés de ces pays en ce qui concerne leurs exportations).
  • Les flux de capitaux privés vers les marches émergents et les pays en développement se tarissent. L’Institut de la finance internationale estime que ces flux n’ont été que de 467 milliards de dollars en 2008, soit la moitié de leur niveau de 2007, et prévoit une nouvelle baisse pouvant aller jusqu’à 165 milliards de dollars en 2009.
  • Les travailleurs émigrés devraient envoyer moins d’argent à leurs familles cette année, ce qui risque d’accentuer la pauvreté et l’inégalité dans de nombreux pays où les envois de fonds représentent une part importante du PNB.
  • L’aide officielle au développement (AOD), dont dépendent de nombreux pays pauvres, est compromise : certains bailleurs de fonds ont en effet déclaré qu’ils devaient revoir à la baisse leur budget réservé à l’AOD.

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