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Selon un rapport de la Banque mondiale, la mondialisation impose une réforme du système éducatif au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

04 février 2008


LES POINTS MARQUANTS
  • L’apprentissage par la résolution de problèmes est préférable à l’apprentissage par cœur.
  • Les emplois du secteur public faussent le marché du travail.
  • Des incitations devraient être mises en place pour récompenser les bonnes performances.

Le 4 février 2008 – Les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord doivent effectuer une refonte de leurs systèmes éducatifs s’ils veulent répondre aux demandes d’un monde de plus en plus concurrentiel et réaliser le potentiel d’une population jeune dont les effectifs importants ne font qu’augmenter.

C’est l’une des principales conclusions tirées du rapport de la Banque mondiale, The Road Not Traveled: Education Reform in the Middle East and North Africa (L’autre voie : Réforme de l’éducation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord). Ce rapport présente une analyse économique exhaustive de l’impact des investissements pour l’éducation dans cette région, ainsi que les changements démographiques, la mondialisation, la migration de la main-d’œuvre et le rôle du marché du travail.

Ce rapport, qui a été publié aujourd’hui à Amman, en Jordanie, souligne qu’une réforme de l’éducation ne suffira pas à elle seule à stimuler la croissance économique. Cette région abrite de grands marchés non officiels et manque, dans l’ensemble, de secteurs dynamiques suffisamment importants pour être compétitifs sur le plan international – des caractéristiques qui les distinguent fortement de l’Asie orientale et certaines économies d’Amérique latine.

Le rapport encourage les décideurs politiques à favoriser des mesures d’incitation, la responsabilisation du secteur public, des programmes d’études et une réforme du marché du travail afin de dynamiser l’économie régionale.

Après 40 ans d’investissements dans l’éducation qui ont permis d’éliminer la disparité entre les sexes au niveau de l’enseignement primaire et d’assurer l’éducation pour tous ou presque, la région fait face à de nouveaux défis posés par la mondialisation et « l’importance croissante du savoir dans le processus de développement », a déclaré le rapport.

« Les systèmes éducatifs doivent être changés pour enseigner de nouvelles compétences »

Selon le rapport, la concurrence intense et la rapidité des changements technologiques dans le monde d’aujourd’hui nécessitent des aptitudes à la résolution de problèmes, à la communication et aux langues étrangères, lesquelles ne sont pas encouragées dans la plupart des écoles de la région.

« Puisque l’éducation est la principale source de création du savoir, la tâche est claire », y est-il indiqué. « Le système éducatif doit être modifié afin d’assurer l’apprentissage des nouvelles compétences et expertises nécessaires pour exceller dans un environnement hautement concurrentiel. »

Dans cette région, les pays ne bénéficient pas du même rendement sur leur investissement dans l’enseignement supérieur que certains pays asiatiques à forte croissance et revenu intermédiaire, tels que la Malaisie et la République de Corée, et « ne répondent certainement pas aux aspirations », a déclaré Michal Rutkowski, Directeur sectoriel pour le Développement humain dans la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) de la Banque mondiale.

« Ce que nous constatons actuellement dans cette région, c’est que les jeunes diplômés sortant de l’université ne trouvent pas de travail. » a-t-il ajouté. « Le taux de chômage est très élevé parmi eux. C’est pourquoi le rendement moyen que l’on peut observer n’est pas très haut, ce qui constitue un grave problème. »

« Les établissements d’enseignement supérieur ne reçoivent aucun signal du marché »

M Rutkowski a expliqué que le problème principal est dû à l’existence d’un marché du travail dominé par le secteur public dans de nombreux pays, où les diplômés universitaires préfèrent renoncer aux offres du secteur privé et attendre deux, trois ou quatre ans pour obtenir un poste de fonctionnaire garantissant un emploi à vie et des avantages sociaux supérieurs à ceux du marché.

« Ce qui engendre une distorsion majeure du marché du travail, mais crée également une situation où les établissements d’enseignement supérieur ne reçoivent aucun signal en termes d’aptitudes à développer ou d’aptitudes indésirables pour répondre à la demande », a-t-il ajouté.

C’est la raison pour laquelle le rapport examine aussi une des conditions préliminaires les plus importantes pour la bonne marche d’un système éducatif – un marché du travail fonctionnant correctement – et recommande que les réformes dans ce domaine s’accompagnent de réformes de l’enseignement, a noté Daniela Gressani, Vice-présidente de la Banque mondiale pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), dans l’avant-propos du rapport.

Les réformes de l’éducation seront vraisemblablement coûteuses. Le nombre d’étudiants à la recherche d’une éducation complémentaire devrait augmenter considérablement dans les prochaines décennies. Les pays devront également transmettre les connaissances et les compétences à un plus grand segment de la population pour rester concurrentiels, a indiqué le rapport.

Jusqu’à maintenant, les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord privilégiaient la construction d’écoles, le recrutement et la formation d’enseignants, ainsi que l’augmentation des inscriptions de garçons et filles dans les écoles primaires. Des efforts particuliers ont été faits pour inclure les filles, les enfants en zones rurales, les enfants de groupes ethniques spécifiques et les handicapés, a indiqué le rapport.

Mais la région accuse toujours un certain retard par rapport à l’Asie orientale et l’Amérique latine sur le plan de l’alphabétisation et du nombre moyen d’années d’instruction chez les jeunes de 15 ans et plus. Si la plupart des garçons et des filles sont inscrits à l’école primaire, beaucoup quittent l’école dans les 5e, 6e et 7e années de leur scolarité, surtout les filles, pour aller travailler ou suite aux pressions de la société, a expliqué M. Rutkowski.

Les gouvernements doivent examiner chacun de leurs investissements afin de voir dans quelle mesure ils contribuent au processus éducatif, notamment le mode de formation des enseignants, pour vérifier s’ils sont formés selon l’ancienne pédagogie de l’apprentissage par cœur ou la méthode socratique bien plus indispensable, a-t-il ajouté.

Des « compétences non techniques » considérées essentielles à l’accroissement de la productivité

Dans cette région, les étudiants ont besoin d’un apprentissage encourageant la capacité d’interrogation et d’un nouvel éventail de « compétences non techniques » – la résolution de problèmes, la communication, les langues étrangères – qui sont essentielles pour promouvoir un avancement futur.

« Pour devenir concurrentiel, il faut passer de la capacité à effectuer des tâches routinières à l’acquisition de compétences non techniques qui sont absolument essentielles à l’augmentation de la productivité », a déclaré M. Rutkowski. « Les pays commencent à remédier à ce décalage, mais ils se doivent d’accélérer le processus afin de rester concurrentiels. »

Selon le rapport de la Banque, les incitations telles que des récompenses pour une bonne performance des élèves aussi bien que des enseignants et la responsabilisation du secteur public seront des outils indispensables pour la réalisation des objectifs en matière d’éducation. Les autorités scolaires doivent s’informer auprès d’un certain nombre de personnes concernées, notamment les organisations non gouvernementales, les groupes de pression, les organismes de surveillance, les parents, les organisations professionnelles et autres. Le financement public doit être beaucoup plus lié aux résultats et à l’innovation, a ajouté M. Rutkowski.

« Il est très important que l’éducation devienne un secteur caractérisé par l’obligation de rendre compte à l’opinion publique », a-t-il dit. « Ce qui signifie qu’à la fois au niveau national et au niveau local, il importe réellement que le système éducatif soit performant ; les gens doivent pouvoir en être informés et demander une amélioration de l’éducation, les parents doivent pouvoir exercer une influence sur ce qui se passe à l’école, le gouvernement local doit avoir une influence sur le programme des cours et, lorsqu’il y a des évaluations internationales, les journaux doivent écrire à ce sujet pour que l’on connaisse le niveau des élèves. »

La place de l’éducation aujourd’hui dans la région

Les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord consacrent en moyenne 5 % de leur PIB et 20 % de leurs dépenses publiques au secteur de l’éducation – plus que les autres pays en développement avec un niveau de revenu par habitant similaire.

Ces pays ont presque réussi à instaurer l’éducation primaire pour tous et, entre 1970 et 2003, ont quasi-multiplié par trois les inscriptions dans les écoles secondaires et par cinq celles dans l’enseignement supérieur.

La parité entre les sexes en ce qui concerne l’éducation de base est pratiquement réalisée. Bien que la région ait débuté avec des niveaux de parité relativement bas, les indices pour l’enseignement secondaire et supérieur ne sont guère différents de ceux enregistrés en Amérique Latine et en Asie orientale.

Les taux d’analphabétisme ont baissé de moitié au cours des 20 dernières années et la différence absolue entre les taux d’alphabétisation entre hommes et femmes a connu un rapide déclin.


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