Restaurer la stabilité en République centrafricaine : faciliter le relèvement après la crise en s’appuyant sur des projets d’urgence dans les services publics et les infrastructures

01 décembre 2016


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© Stephan Gladieu/World Bank

Pendant les trois années de transition qui ont suivi le putsch de 2013, la Banque mondiale s’est mobilisée pour éviter l’effondrement de l’État en assurant le versement des salaires des fonctionnaires. Par ailleurs, les programmes de travail contre rémunération ont renforcé la cohésion sociale et les projets d’urgence sont venus atténuer les conséquences de la crise sur le secteur de la santé et la sécurité alimentaire du pays. Aujourd’hui, alors que la République centrafricaine (RCA) tourne la page de la pire crise de son histoire, une nouvelle génération de projets axés sur le redressement du pays s’appuie sur ces interventions d’urgence.

Le défi

État enclavé et entouré de voisins instables, la RCA est l’un des pays les plus pauvres et fragiles du monde. Le conflit récent a mis à terre une économie déjà mal en point, délité le tissu social et entraîné une situation dévastatrice sur le plan humanitaire, sécuritaire et des droits humains. Au plus fort de la crise, en janvier 2014, près d’un quart des Centrafricains avaient fui leur foyer, avec pratiquement 1 million de déplacés à l’intérieur du pays et plus de 200 000 réfugiés dans les pays voisins. Cette même année, le revenu national brut par habitant a chuté à 600 dollars tandis que la parité de pouvoir d’achat renouait avec les niveaux catastrophiques des années 90. La plupart des infrastructures, y compris les écoles et les dispensaires, ont été détruites et le versement des salaires des fonctionnaires suspendu pendant pratiquement toute l’année 2013, perturbant profondément les services publics. Le gouvernement, extrêmement dépendant de l’aide, n’a pas pu assurer les services les plus essentiels ni garantir la sécurité des citoyens, ce qui est venu affaiblir le contrat social déjà bien malmené entre la population et l’État. Les abondantes ressources naturelles du pays (forêts, or et diamants notamment) sont pour l’essentiel aux mains de groupes armés qui contrôlent une bonne partie du territoire, ce qui alimente l’insécurité et l’instabilité. Les autorités doivent relever un défi immense : stabiliser le pays tout en investissant dans des mesures de redressement rapide mais aussi dans des efforts durables de construction de la paix pour sortir du piège de la fragilité.

La démarche

Une note sur l’action menée en RCA a été présentée au Conseil des administrateurs de la Banque mondiale en juillet 2015. Ce document décrit la poursuite des activités engagées face à la crise et les mesures envisagées pour accompagner le relèvement et le développement du pays sur une période de 18 mois (juillet 2015 à fin 2016). La stratégie se décline en deux phases : il s’agit, dans un premier temps, d’appuyer la stabilisation de la RCA en accompagnant les initiatives internationales visant à rompre le cycle des violences et à maintenir la confiance dans une transition fragile. Dans un deuxième temps, la Banque mondiale soutiendra le redressement initial et le développement. Jusqu’ici, les activités se sont concentrées sur la première phase de la stratégie, et notamment sur la restauration des fonctions gouvernementales de base ainsi que sur le soutien aux moyens de subsistance et aux services sociaux essentiels. Elles visent avant tout à remédier aux principaux facteurs qui alimentent les conflits et à restaurer la confiance envers les institutions publiques, en permettant par la suite d’apporter un soutien budgétaire externe à un gouvernement assez mal armé en la matière.


« Avec l’argent que j’ai gagné, j’ai pu acheter des chaussures pour femmes et faire du commerce ambulant. Et j’utilise ma nouvelle bicyclette pour transporter mes marchandises.  »

Romanic

19 ans

Les résultats

Les projets d’investissement financés par l’Association internationale de développement (IDA) ont contribué aux résultats suivants :

  • Le Projet d’appui au système de santé a pour objectif d’améliorer la qualité des soins de santé maternelle et infantile dans les zones rurales visées et d’accroître le recours à ces services. Plus de 1,1 million d’habitants, dont une moitié de femmes, en ont bénéficié entre septembre 2012 et juin 2016, tandis que 3 500 femmes victimes de violences ont pu être traitées. Pendant cette période, plus d’un million de personnes ont pu accéder à un ensemble de services de base dans le domaine de la santé, de l’alimentation et de la santé génésique.
  • Le Projet d’urgence de réhabilitation et d’entretien des infrastructures et des services urbains aide les autorités à venir en aide aux résidents des quartiers les plus déshérités de Bangui. Depuis son lancement en juin 2010, près de 85 000 personnes ont bénéficié de l’amélioration des systèmes d’évacuation des eaux usées et plus de 37 000 habitants de l’accès à une source d’eau améliorée. Ce projet soutient les efforts du gouvernement pour améliorer de matière tangible et concrète le quotidien de ses concitoyens, une ambition cruciale pour le maintien d’une stabilité sociale et politique durable dans le pays.
  • Le Projet d’urgence en réponse à la crise énergétique entend rétablir partiellement la fourniture d’électricité aux usagers de Bangui et améliorer les résultats financiers et la performance du secteur. Il s’attachera à remettre en état les centrales hydroélectriques de Boali 1 et 2, afin d’accroître la fiabilité de l’approvisionnement énergétique. Depuis son lancement en 2008, les hôpitaux et les services d’eau de Bangui ne subissent plus de délestages. Parallèlement, 150 kilomètres de lignes de transmission ont été construits ou remis en état avec, à la clé, une réduction des pertes électriques de 9 % par an.
  • Le projet LONDO fournit des emplois temporaires aux personnes vulnérables dans l’ensemble du pays. Pendant les deux premières phases du projet (janvier 2015-juin 2016), 8 500 personnes ont bénéficié de programmes de travail contre rémunération, qui ont permis de remettre en  état et d’entretenir 650 kilomètres de routes dans 17 districts.
  • Le Projet d’intervention d’urgence en réponse à la crise alimentaire et de relance de l’agriculture entend protéger et restaurer les moyens de subsistance et le capital humain (notamment des enfants) en aidant les ménages pauvres. Notamment en leur offrant des solutions afin qu’ils ne recourent pas à des stratégies négatives pour s’en sortir (vente des actifs, endettement et diète alimentaire forcée) et en relançant la productivité agricole. Entre mars 2014 et mars 2016, 720 000 personnes en ont bénéficié et 140 000 agriculteurs ont augmenté leur production. Sur la même période, plus de 150 000 enfants ont participé à des programmes pour prévenir la malnutrition. Ils ont reçu des aliments spécifiques à haute valeur nutritionnelle, des compléments ciblés et de repas scolaires d’urgence.
  • Le Projet d’urgence de restauration des services publics a rétabli le système de gestion financière et de paie des fonctionnaires. Ainsi, depuis mai 2014 l’État a réglé sans interruption et de manière ponctuelle les salaires. Par ailleurs, les administrations publiques ont repris leurs fonctions centrales.

La contribution du Groupe de la Banque mondiale

En septembre 2016, le portefeuille de financements de l’IDA en faveur de la RCA recouvrait sept projets nationaux et un projet régional dans différents secteurs, pour un total d’engagements s’élevant à 265,8 millions de dollars, dont une enveloppe de 100 millions pour les interventions d’urgence en appui à la réponse à la crise. Il a fallu pour cela restructurer le portefeuille en cours et mobiliser les financements au titre d’IDA-17 (une actualisation soumise au Conseil des administrateurs le 21 janvier 2014). L’ensemble des opérations d’urgence prévoyaient : i) une aide au versement des salaires et un appui aux réformes de la gestion financière dans la fonction publique pour maîtriser les dépenses et améliorer les recettes (40 millions de dollars) ; ii) des programmes de travail contre rémunération pour offrir des emplois temporaires et soutenir la cohésion sociale dans Bangui et aux alentours pendant la crise mais également dans 17 préfectures du pays (30 millions de dollars) ; iii) un appui aux besoins sanitaires d’urgence à travers la fourniture gratuite de médicaments par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des ONG internationales (10 millions de dollars) ; et iv) un projet de réponse à la crise alimentaire pour aider 500 000 personnes par des distributions d’aliments et de semences, mis en œuvre par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM) (20 millions de dollars). Cette aide est complétée par le Projet d’urgence pour la riposte à la crise énergétique, de 8 millions de dollars.


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Les bénéficiaires du projet Londo récupèrent leurs bicyclettes gratuites À Bouar, une ville du nord-ouest de la RCA gravement touchée par le conflit. Ce projet fournit des emplois temporaires aux personnes vulnérables dans l’ensemble du pays. 

© Stephan Gladieu/Banque mondiale

Les partenaires

Tout au long de la crise et pendant la période de transition, la Banque mondiale a pris part à des réunions hebdomadaires avec les différents partenaires du pays, organisées sous l’égide de l’Union africaine (UA) et rassemblant des représentants des Nations unies (ONU), de la France, de l’Union européenne (UE) et de l’UA, ainsi qu’un médiateur et un représentant de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Cela a contribué à installer un climat de collaboration et garantir l’adoption d’une approche conjointe durable en appui au redressement et à la stabilisation de la RCA. Ce principe s’est traduit dans les faits par le lancement d’une évaluation de la fragilité, conduite en consultation avec les autorités nationales par la Banque mondiale en concertation avec l’ONU, le ministère britannique du Développement international (DFID) et l’Agence française de développement (AFD). Le Projet d’intervention d’urgence en réponse à la crise alimentaire a été mis en œuvre par la FAO et le PAM, l’OMS prenant en charge les besoins sanitaires d’urgence. La conception des nouveaux projets tient compte des autres partenaires de développement, notamment du Fonds monétaire international (FMI), de l’AFD et de l’UE pour tout ce qui a trait au soutien budgétaire, et de l’ONU pour le volet réintégration du programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) ainsi que pour l’examen des dépenses publiques dans le secteur de la sécurité et de la défense. La Banque mondiale examine la possibilité de création d’un fonds fiduciaire multi-bailleurs afin d’administrer les fonds DDR, qui pourrait être abondé par les États-Unis et la CEEAC.

Les perspectives

La Banque mondiale conduit actuellement un diagnostic systématique de la situation de la RCA, qui sera achevé au cours de l’exercice 2017 et qui servira de base au prochain cadre de partenariat avec le pays, qui devrait être finalisé au milieu de l’exercice 2018. Par ailleurs, avec l’ONU et l’UE, la Banque mondiale a codirigé une évaluation des besoins pour le redressement et la consolidation de la paix, qui a sous-tendu les discussions pendant la conférence internationale des donateurs organisée à Bruxelles le 17 novembre 2016. L’évaluation a permis de définir les priorités du pays à court et moyen termes à l’issue de consultations et en étroite concertation avec les partenaires internationaux et régionaux. Elle a débouché sur le Plan national de relèvement et de consolidation de la paix adopté par le pays et a inspiré la stratégie de la Banque mondiale et son programme de soutien au redressement au cours des cinq prochaines années, établis en fonction des priorités et des urgences du pays.


Les bénéficiaires

À travers le projet Londo (« debout » dans la langue officielle du pays), qui a fourni des emplois temporaires à 8 500 hommes et femmes dans 17 districts en dehors de Bangui alors même que l’insécurité sévissait encore, la Banque mondiale a soutenu les efforts de pacification et de stabilisation. L’un des objectifs consistait à favoriser la cohésion sociale en attribuant de manière  transparente, par tirage au sort, des postes ouverts à tous. Le projet a par ailleurs nourri l’esprit d’entreprise des bénéficiaires, qui ont tous reçu une bicyclette neuve et été incités à économiser une partie de leur salaire pour démarrer une activité à leur compte.

Romanic a 19 ans et vit à Bimbo, une ville située à une vingtaine de kilomètres de Bangui. Le jeune homme a perdu beaucoup de proches pendant la guerre civile qui a déchiré le pays. « Mon petit commerce de chaussures a sombré. Ce projet m’a littéralement sauvé la vie. Avec l’argent que j’ai gagné, j’ai pu acheter des chaussures pour femmes et faire du commerce ambulant. Et j’utilise ma nouvelle bicyclette pour transporter mes marchandises. »

« Dans un contexte aussi difficile, vous ne pouvez pas imaginer le bien que ça fait de recevoir de l’aide. Le projet a énormément compté pour les habitants, en améliorant leur quotidien et en leur donnant du travail. C’était une véritable bouffée d’air pour tous ceux qui ont été livrés à eux-mêmes après la terrible crise que nous avons traversée », témoigne Jeannette Teya, maire de Bimbo.





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