ARTICLE

La gestion de l’administration et des finances publiques est désormais informatisée aux Comores

25 mai 2017


Image
Photo : Diana Styvanley/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • L’administration des Comores fait face à d’énormes défis logistiques qui nuisent à son bon fonctionnement et à l’efficience de ses dépenses publiques.
  • Un don de 1,8 million de dollars de l’Association internationale de développement a permis d’accompagner les réformes lancées par le gouvernement pour combler ces lacunes.
  • Depuis décembre 2016, l’adoption de deux nouveaux systèmes informatiques permet de gérer et centraliser la paie des fonctionnaires et les dépenses et recettes des îles de Ngazidja (Grande Comores), Anjouan et Mohéli (les trois îles composant le gouvernement de l’Union des Comores).

MORONI, le 25 mai 2017 ̶ « Je suis là depuis des années et je n’ai jamais eu accès, ni aux cadres organiques, ni aux dépenses de l’administration de l’île de Mohéli alors que je suis le contrôleur financier », se plaint Rakim Baco Moingarie, contrôleur financier de l’île de Mohéli.

Comme sur l’île de Mohéli, Ngazidja et Anjouan ont longtemps fait face à d’énormes problèmes organisationnels : augmentation sauvage de la masse salariale due à des recrutements inefficients, fonction publique désorganisée, opérations financières infructueuses, manque de transparence, trésorerie insuffisante… Soit des défis immenses pour l’administration comorienne, censée maîtriser les effectifs, la masse salariale et la chaîne des dépenses de l’État.

« Les finances publiques et la fonction publique sont hautement primordiales dans le développement d’un pays. Car le fonctionnement de l’État et la fourniture de services publics aux populations en dépendent. », précise Anne-Lucie Lefebvre, spécialiste principale en administration publique à la Banque mondiale et chargée du Projet d’appui à la bonne gouvernance économique (ABGE).

C’est pour aider le pays à relever ces défis que la Banque mondiale, appuie depuis 2011 le gouvernement des Comores à travers un don de 1,8 million de dollars de l’Association internationale de développement (IDA). Objectif ? Accroître l’efficacité, la redevabilité et la transparence dans la gestion des finances publiques et améliorer la gestion des ressources humaines et des salaires dans la fonction publique. C’est dans ce contexte que les Initiatives à résultats rapides (IRR) ont été lancées en 2016, afin d’accompagner étroitement les trois gouvernorats, ainsi que l’Union des Comores, à mettre en œuvre efficacement sa réforme de gestion des effectifs et de la masse salariale ainsi que la chaîne des dépenses.

Depuis lors, deux systèmes informatiques ont été adoptés. Le logiciel GISE (Gestion Intégrée des structures et des Éffectifs), permet de payer les salaires de tous les fonctionnaires et le SIM _BA, intègre toutes les dépenses et recettes de l’exercice budgétaire. Par ailleurs, les agents de diverses directions (Fonction publique, budget, contrôle financier et Trésor public) ont reçu des formations pour renforcer leurs capacités en administration et finances publiques. Des coachs IRR ont également été déployés au niveau de chaque gouvernorat pour accompagner tous les acteurs impliqués dans le processus.

« Ce fut une expérience éprouvante mais très utile. Les agents publics impliqués dans ces réformes n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble et au début du processus, ils s’ignoraient et se renvoyaient les responsabilités. À force de persévérance, de la forte implication des chefs hiérarchiques, des gouverneurs eux-mêmes, de la société civile et du Collège des Sages, ils ont dépassé leur mésentente, leurs limites, et ont commencé à explorer d’autres pistes pour aplanir les difficultés rencontrées dans l’étape d’informatisation. La majorité d’entre eux ont fait de nombreuses heures supplémentaires », constatent ensemble, Helmi Youssoufa et Mohamed Badrouzamane, respectivement coachs IRR à Ngazidja et Anjouan, ainsi que Saïd Mahamoudou, anthropologue social.

« Nous savions que nous avions atteint une partie de notre objectif quand le tout nouveau trésorier payeur général a pris l’initiative d’appliquer le nouvel arrêté ministériel interdisant tout paiement effectué en dehors du système GISE. Il a décidé qu’à partir du mois de novembre 2016, aucun salaire manuel ne pourrait être pris en charge par le Trésor. Cela impliquait un travail colossal pour enregistrer informatiquement l’ensemble des fonctionnaires avant le 25 décembre. Mais on a réussi », se félicite Hassani Malik, coachs IRR à l’Union des Comores.

Fin Décembre 2016, tous les paiements des agents de l’Union des Comores, Ngazidja et Mohéli ont ainsi été effectués par le nouveau système de GISE, tandis que seuls 14 fonctionnaires (soit 0,3% du total des effectifs), étaient encore payés manuellement à Anjouan. Par ailleurs, les rapports d’exécution budgétaire ont été contrôlés, effectués et publiés pour 2015 et 2016, une première pour les Comores.

On observe également des changements de comportement chez les agents de l’État.

« L’approche IRR, comprenait notamment des réunions hebdomadaires entre les agents impliqués dans la GISE et le SIM _BA. Ils ont gardé cette habitude et ont tissé une franche collaboration entre les directions de la Fonction publique, du Budget, et du Trésor. En seulement sept jours, 1 497 dossiers d’agents ont pu être saisis. C’est un résultat qui va au-delà de nos estimations », explique Anwadhui Mansour, coach IRR à l’île de Mohéli.

« La GISE et le SIM_BA me permettent aujourd'hui de connaître précisément le montant des dépenses salariales et en biens publics, alors qu'avant, je ne savais rien de ce qui se passait », confie Abdou Djabir, commissaire aux Finances de l’île de Mohéli. « Auparavant, même l’informatisation des dossiers des agents de l’État s’effectuait au niveau de la direction du Budget alors que c’est une compétence assignée à la Fonction publique. Ce travail se fait aujourd’hui à notre niveau », renchérit Fatima Said Ali, directrice de la fonction publique à l’île d’Anjouan.

La réussite de la mise en œuvre de la GISE et du SIM_BA tient non seulement à l’approche IRR, initiée dans le cadre de la collaboration avec la Banque mondiale, mais aussi à la volonté des agents publics et à la forte implication de la société civile et du Conseil des sages.

Aujourd’hui de nombreuses initiatives prennent le relais. On peut citer entre autres, l’Initiative citoyenne sur la transparence budgétaire (ICTB) ou la réalisation d’émissions interactives avec les médias sur la question de la transparence budgétaire, la publication de communiqués périodiques pour renforcer le suivi participatif du budget, ou encore des tournées de mobilisation et de sensibilisation sur la transparence budgétaire et la redevabilité sociale. 


Api
Api

Bienvenue