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Former une nouvelle génération de cadres en Afghanistan

13 janvier 2014


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Le projet a pour vocation d’améliorer les qualifications et l’employabilité des jeunes Afghans, en bâtissant un système de formation professionnelle et d’enseignement technique équitable, en adéquation avec le marché du travail et rentable.

Graham Crouch/Banque mondiale

Highlights
  • De la comptabilité à l’informatique, l’Institut national de gestion et d’administration (NIMA) enseigne les compétences dont a besoin la nouvelle génération de fonctionnaires et de gestionnaires afghans.
  • L’Institut bénéficie du soutien du Projet de développement des compétences en Afghanistan, dont l’objectif est d’accroître le nombre de personnes qualifiées employables, en améliorant le système de formation professionnelle et d’enseignement technique.
  • Environ 52 % des quelque 1 000 diplômés de la première promotion ont trouvé un poste à la sortie de l’Institut ; les autres ont choisi de poursuivre leurs études.

KABOUL, Afghanistan - Costumes sombres et cravates desserrées, têtes recouvertes de foulards colorés : des centaines de jeunes arpentent les couloirs de l’Institut national de gestion et d’administration (ou NIMA, selon son acronyme anglais).

Au NIMA, les étudiants portent la tenue des futurs cadres qu’ils deviendront. L’établissement, qui a vu le jour il y a quelques années, forme la prochaine génération de fonctionnaires et de gestionnaires du pays. Son directeur reconnaît que c’est un objectif ambitieux d’accueillir des centaines d’étudiants venus des 34 provinces afghanes et de leur enseigner les techniques administratives, informatiques, comptables et commerciales d’aujourd’hui.

« Mais notre pays manque cruellement de cadres dotés de compétences modernes, notamment dans les provinces plus reculées, où les capacités sont vraiment très faibles », précise-t-il.


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Graham Crouch/Banque mondiale

« Ce programme répond à une demande du marché. Nous avons pris connaissance des besoins du secteur privé et de l’administration, et nous avons basé notre programme d’enseignement sur ces besoins.  »

Baz Mohammad Baz

Directeur du NIMA

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Graham Crouch/Banque mondiale

C’est cette pénurie de compétences qui a conduit, sur la base des besoins des pouvoirs publics et du secteur privé, à la création du NIMA en 2008, dans le cadre d’une opération (le projet de développement des compétences en Afghanistan) soutenue par la Banque mondiale et le Fonds fiduciaire pour la reconstruction de l'Afghanistan (a).

Le projet a pour vocation d’améliorer les qualifications et l’employabilité des jeunes Afghans, en bâtissant un système de formation professionnelle et d’enseignement technique équitable, en adéquation avec le marché du travail et rentable.

Le NIMA forme aujourd’hui près de 982 étudiants, dont 220 jeunes femmes, dans les disciplines suivantes : comptabilité, gestion et technologies de la communication et de l’information.

Les 1 058 premiers étudiants en sont ressortis en 2011, titulaires d’un diplôme reconnu par l’université finlandaise de Jyvaskyla. Près de 52 % d’entre eux ont trouvé immédiatement un poste dans le secteur public ou privé ; les autres ont poursuivi leurs études en Afghanistan ou à l’étranger.

Le juste équilibre entre modernité et tradition  

« Je dis toujours à nos étudiants, notamment aux femmes, qu’ils sont la crème de Kaboul et de notre pays, s’enthousiasme Nazia Shah, professeur au NIMA. Ils reçoivent une formation et un enseignement de grande valeur, dans un environnement porteur de nombreuses opportunités. »

Nazia Shah est la responsable du département d’anglais de l’Institut. Elle enseigne également le droit commercial. Toutes les matières sont enseignées en anglais parce qu’il est important, selon elle, que les étudiants apprennent cette langue des affaires mondiale. « Pour certains, c’est parfois difficile. C’est une affaire d’équilibre : nous privilégions une approche moderne, dans le respect de notre culture et de nos traditions. »

Les filles, en particulier, peuvent trouver le cursus difficile : certaines familles s’inquiètent de l’indépendance toute nouvelle dont jouit leur fille. « Pour nos étudiantes, c’est un facteur d’autonomisation. L’Institut subvient à leurs besoins et leur offre une autonomie sur le plan économique, alors que nombre d’entre elles sont censées se marier et avoir des enfants, à cet âge-là », explique Nazia Shah.

Humaira Mohmand, 19 ans, fait partie de ces étudiantes. Ses parents veulent qu’elle réussisse et participe au développement de son pays, mais ce point de vue est loin de faire l’unanimité. Sa famille est originaire de la province de Nangarhar où, comme le rappelle la jeune fille, de nombreuses femmes ne peuvent toujours pas exercer une activité professionnelle en dehors de leur foyer.

« L’Afghanistan a connu trente années de guerre, et tout est détruit. Ce programme nous apprend à devenir des cadres compétents, dans l’objectif de remettre sur pied notre pays », confie Humaira.

« Mais, ce qui est tout aussi important à mes yeux, c’est d’aider les femmes à trouver du travail, à les aider dans leur carrière, à s’émanciper. Un jour, peut-être, je pourrai travailler en province, dans des bureaux où je les aiderai à acquérir de nouvelles connaissances. »

Âgée de 20 ans, Freshta Azami est reconnaissante du soutien offert par l’Institut : son père, propriétaire d’une boutique de prêt-à-porter, n’aurait pas les moyens de payer ses études. La sélection des étudiants s’effectue par un examen d’entrée rigoureux. Après admission, les frais de scolarité sont pris en charge par l’Institut. Les étudiants qui ne sont pas originaires de Kaboul sont pensionnaires de l’établissement. Freshta espère travailler dans le secteur bancaire, avoir un bon salaire et voyager à l’étranger. « Je crois que ce programme contribuera à notre épanouissement », conclut-elle.

Ahmad Maqsoud raconte que ses parents l’ont poussé à s’inscrire au NIMA afin qu’il puisse découvrir son potentiel. Fraîchement diplômé du NIMA, il a aujourd’hui l’intention de s’inscrire en licence d’informatique à l’université. « Ma famille m’a toujours conseillé de bien étudier, afin que je puisse servir mon pays et mon peuple. »

Environ 14 600 étudiants envoient un dossier de candidature au NIMA pour 500 places disponibles, indique Baz Mohammad. Après un examen d’entrée très relevé, ils doivent ensuite réussir un premier semestre d’études générales pour être autorisés à poursuivre leur cursus.

Une formation professionnelle pratique

Le programme privilégie avant tout l’acquisition de compétences, comme l’élaboration de livres de comptes ou l’analyse d’un bilan comptable, précise Baz Mohammad. « Nous offrons une formation professionnelle pratique que les étudiants peuvent immédiatement mettre à profit une fois embauchés. »

« Ce programme répond à une demande du marché. Nous avons pris connaissance des besoins du secteur privé et de l’administration, et nous avons basé notre programme d’enseignement sur ces besoins. »

Les étudiants du NIMA pourront être recrutés, par exemple, par le ministère de l’Éducation dont beaucoup d’agents en province ne savent pas tenir convenablement une comptabilité ou utiliser un ordinateur, constate-t-il encore.

En Afghanistan, seuls 3 % des comptables sont experts-comptables agréés, ajoute-t-il. Une modalité récente introduite dans le cadre du projet permet aux étudiants du NIMA qui veulent se perfectionner en comptabilité, gestion et informatique de postuler à une bourse d’études qui couvre leurs frais de spécialisation à l’Université américaine d’Afghanistan ou dans d’autres institutions internationales de la région.

Les enseignants du NIMA bénéficient eux aussi de bourses qui leur permettent de développer leurs connaissances à l’étranger. La plupart d’entre eux sont à présent titulaires d’un master dans leur domaine de spécialité, souligne Baz Mohammad.

Il est également prévu de multiplier par deux la capacité d’accueil du NIMA. De nouveaux bâtiments, dont une salle de sport, un centre médical et des dortoirs, s’ajouteront à l’ancien complexe scolaire bâti par l’URSS. Au semestre prochain, le NIMA proposera à ses étudiants deux nouvelles spécialités : la gestion hôtelière et la gestion des catastrophes naturelles.

« Nous mettons tout en œuvre pour apporter les compétences pratiques dont le pays a besoin. J’espère qu’un jour nous en aurons fini avec les catastrophes et que notre jeunesse pourra se consacrer à l’ordre et à la prospérité du pays », conclut le directeur du NIMA.


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