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Au Mali, l’engagement communautaire dans la lutte contre la pauvreté passe par le théâtre

15 janvier 2010


BAMAKO, 15 janvier 2010—Au Mali, le « Nyogolon » est un genre de théâtre populaire et d’animation mélangeant comédie, acrobatie, musique, danse, interaction avec le public, participation. Ce théâtre populaire, joué dans la rue pour aborder directement la population, a aussi un rôle de sensibilisation. Cette large gamme de disciplines réunies en une seule fait du « Nyogolon » un puissant véhicule de communication en direction des populations à la base.Quoi de plus indiqué alors pour la sensibilisation sur la Stratégie nationale de réduction de la pauvreté à travers la tradition orale ?

Le Cadre Stratégique pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (CSCRP) pour la période 2007-2011, trois ans après sa mise en œuvre, est encore mal connu des acteurs locaux qui doivent non seulement contribuer à sa mise en œuvre, mais également à son suivi quotidien et à son évaluation régulière. C’est pourquoi le programme Renforcement des capacités pour le Suivi Evaluation du CSCRP au niveau local, soutenu par le Partenariat Luxembourgeois pour la Réduction de la Pauvreté et géré par la Banque mondiale, a retenu la troupe de théâtre malienne « Welekan » (l’Appel), pour sensibiliser les populations villageoises sur « la lutte contre la pauvreté », tel que conçu dans le CSCRP.

Ainsi, la tournée théâtrale dans six villages de deux communes rurales de la région de Koulikoro, aux environs de Bamako,  a visé à améliorer la compréhension par les populations rurales de leur rôle dans la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation du CSCRP. Il s’agit d’abord de responsabiliser ces populations villageoises, en suscitant confiance en soi et forte implication, de mettre ensuite le doigt sur le caractère endogène du développement du village (valorisation des ressources locales, y compris humaines) et, enfin, dans un contexte de décentralisation, de donner un pouvoir de décision à l’ensemble des villageois, en particulier aux femmes et aux jeunes.

La pièce est bien conçue, les thèmes sont variés et pertinents, allant de l’exode rural, l’éducation, la santé, au rôle des femmes et des jeunes, la prise en main du développement local... Le message est clair sur ces thèmes : « L'aide et l'appui aux initiatives locales ne sont que des appoints », « la contribution des populations est toujours demandée pour l'effort d'investissement au profit du développement », ou encore « Personne ne viendra nous développer à notre place ».

Interaction avec le public

Devant une foule joyeuse, sur la place du village plus animée que de coutume, éclairée pour la circonstance, la pièce commence par une séance d’animation musicale et de danse au son du tam-tam, comme pour chauffer le public et annoncer la couleur. Ensuite, vient le salut de la troupe à toutes les composantes hiérarchiques du village (le chef de village et les notables à qui on remet dix colas pour leur dire merci de l’accueil), les femmes « piliers sans lesquels le village ne peut tenir », les jeunes « en charge de l’avenir ».

Commence alors le jeu dans une pièce dont le genre participatif consiste en des questions-réponses entre acteurs et spectateurs. A la fin de la pièce, un récapitulatif de compréhension est animé soit par le directeur de la troupe, soit par un représentant de la Cellule Technique en charge du CSCRP. La clôture du spectacle se fait encore et toujours dans une bonne ambiance de musique et de danse impliquant acteurs et spectateurs.

Les acteurs jouent juste et sont au plus près des situations, aussi proches que possible de la réalité locale. D’où cette réaction de Silamankan Traore, le chef de village par intérim de Bougouni Sotiguila : « Nous avons compris le message. Ce que vous avez dit décrit très bien notre situation et donc nous concerne au plus haut point. C’est pourquoi nous n’avons pas eu tord de sortir si massivement pour participer à cette fête ».

« Nous ne pouvons que vous remercier pour cette prestation qui décrit la réalité de notre village. Nous en sommes conscients et travaillons d’ailleurs dans cette direction », a dit pour sa part Wre Traore, un habitant du village de Seliba, Commune de Sanankoro Djitoumou au sud-est de Bamako.

En fait, le théâtre est apprécié par les populations, surtout rurales, comme un divertissement. A chaque représentation on pouvait évaluer le public sur la place du village à plusieurs centaines dont une très grande majorité de femmes et de jeunes. L’interactivité de la pièce de théâtre permet d’ancrer le sujet dans le vécu des gens et de leur fournir une plateforme de discussion.

Les dialogues de la pièce de théâtre utilisent un langage compréhensible et adapté au public et la troupe conçoit sa contribution comme un ensemble constitué de la pièce, de l’animation musicale et de la modération d’une discussion avec le public. Cette animation crée une atmosphère ouverte et joyeuse et la pièce peut faciliter ainsi une discussion animée.

Adopté en 2006, le Cadre Stratégique pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté du Mali vise à promouvoir une croissance partagée et la réduction de la pauvreté, notamment par la relance des secteurs productifs et la consolidation des réformes du secteur public.


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