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Pourquoi il est important de tirer tous les enseignements des grandes catastrophes

10 juillet 2014


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Province du Sichuan après le séisme de 2008, Chine.

© Wu Zhiyi / Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • La gestion des risques de catastrophe revêt une importance de plus en plus capitale en raison de la hausse de la densité urbaine à travers le monde.
  • Un nouveau rapport intitulé Learning from Megadisasters aborde les enseignements à tirer du violent tremblement de terre et du tsunami qui ont frappé l'est du Japon en 2011.
  • Même les pays pauvres aux ressources limitées peuvent renforcer leur capacité à se préparer aux catastrophes et à les gérer.

Si aucun pays ne peut empêcher une catastrophe naturelle de se produire, nous pouvons tous nous préparer à ces phénomènes dévastateurs en accumulant un maximum de connaissances sur leurs risques et leurs conséquences, et en prenant des décisions avisées pour gérer ces deux aspects. Tel est en substance le message d’un nouveau rapport présenté la semaine dernière à Londres à l'occasion d'un événement co-organisé par la Banque mondiale et University College London (UCL).

Selon le rapport Learning from Megadisasters publié conjointement par le Groupe de la Banque mondiale et le gouvernement japonais, la gestion des risques de catastrophe revêt une importance de plus en plus capitale du fait que l’économie mondiale est de plus en plus intégrée, que les conditions environnementales changent et que les zones urbaines du monde entier voient leur densité de population augmenter.

« À mesure que les villes grossissent, leurs vulnérabilités augmentent en raison de leur densité plus élevée, de l'accroissement rapide de leur population, de la multiplication des logements bâtis à la hâte et du manque de services de base », explique Abha Joshi-Ghani, directrice du département de la Banque mondiale chargé des questions de leadership, de savoir et d'innovation, et membre du panel d'experts qui a analysé les conclusions du rapport. Et ce sont bien souvent les habitants les plus pauvres qui sont aussi les plus vulnérables.

Par exemple, à Kampala, capitale de l’Ouganda, de fortes pluies ont inondé en 2012 les bidonvilles situés en contrebas de la ville, obligeant des milliers de personnes à abandonner leur habitation. « À Kampala, la difficulté est que la ville se développe à un rythme tel que la planification urbaine ne peut pas suivre », explique Musa Ecweru, ministre ougandais chargé de la gestion des risques de catastrophe, lui aussi membre du panel d'experts. « Les gens construisent des maisons sur des terrains périphériques, par exemple près des cours d'eau, et sont ainsi les premières victimes des inondations. »

Les catastrophes ne mettent pas seulement des vies en péril, mais aussi les économies dans leur ensemble. Les dégâts ont beau être très localisés, ils ont un énorme impact sur le plan du PIB. On estime à 4 000 milliards de dollars le montant des pertes économiques causées par les catastrophes naturelles durant les 30 dernières années. C’est pourquoi, souligne le nouveau rapport, il faut tirer les leçons de ces catastrophes et traduire celles-ci en actions concrètes.

Learning from Megadisasters rend compte des principaux enseignements que fournit le violent séisme dont a été victime l'est du Japon en 2011, cas unique d’une catastrophe qui a donné lieu à la fois à un tremblement de terre, un tsunami, un accident nucléaire, une pénurie d’électricité et une rupture des chaînes de production. La catastrophe a fait 20 000 victimes, mais le rapport souligne que les pertes humaines et matérielles auraient été encore plus lourdes si le Japon n'avait pas investi dans les mesures de prévention et ne s'était pas forgé une forte culture de prévention basée sur les acquis des catastrophes précédentes.

Avoir une approche proactive de la gestion du risque consiste notamment à se doter de bonnes stratégies d’aménagement du territoire et de normes de construction appropriées dans les zones à haut risque. C’est aussi donner à la population les moyens d'agir en première ligne. 

Ces deux démarches ont par exemple aidé la ville de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, à se remettre du violent tremblement de terre qu'elle a subi en 2011. « Tout le monde pensait que le séisme toucherait Wellington, et personne ne s’attendait à ce qu’il frappe Christchurch… Il y aurait eu bien plus de morts en l'absence de normes de construction adaptées », explique la maire de la ville, Lianne Dalziel. 


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« Le monde est un village planétaire : ce qui se passe à un endroit a des répercussions partout ailleurs. »

Musa Ecweru

Ministre ougandais chargé de la gestion des risques de catastrophe


Lorsque les premiers secours ont été submergés par les répercussions du séisme, des centaines d'étudiants et d’agriculteurs sont intervenus pour mobiliser des volontaires et du personnel médical ainsi que pour aider au déblaiement des décombres. « Je pense qu'après un désastre de cette ampleur, on ne peut pas s'attendre à ce que la réponse des autorités soit en mesure d'atteindre l'intégralité des populations locales touchées, auquel cas celles-ci doivent agir par elles-mêmes », poursuit Mme Dalziel.

Le rapport Learning from Megadisasters a pour objectif d'analyser et de compiler les enseignements acquis afin de créer une culture de la prévention pouvant être utilisée partout, même dans les pays pauvres aux ressources limitées. Selon le rapport, malgré leurs faibles moyens, ces pays sont capables de renforcer la résilience de leurs populations et de leurs institutions ainsi que de développer leur capacité à se préparer aux catastrophes, à y réagir et à préserver l'équilibre de leurs sociétés.

« L'Ouganda est en train de renforcer ses capacités de gestion des catastrophes. Ce processus d'apprentissage est très important », souligne Musa Ecweru. « Le monde est un village planétaire : ce qui se passe à un endroit a des répercussions partout ailleurs… Alors, si l'Afrique peut apprendre quelque chose de la manière dont les Japonais ont géré cette catastrophe et dont ils s'efforcent de prévenir celles à venir… c'est bon pour le Japon et aussi pour le reste du monde. »

Quelles seront les suites de ce projet ? L'initiative de la Banque mondiale et du Japon a pour but d'aider les autres pays à se protéger contre les catastrophes majeures en adoptant — et en adaptant autant que nécessaire — certaines des mesures prises par le Japon, mais aussi en comprenant les forces et les faiblesses de la réponse du Japon face à la tragédie de 2011.

« Nous ne pouvons pas prévoir les grandes catastrophes, nous ne pouvons que nous y préparer », insiste Mme Joshi-Ghani. « Il est vraiment primordial d'apprendre de l'expérience des autres, aussi bien en matière de préparation aux catastrophes que sur le plan des mesures de réduction des risques et des conséquences. »

Et Stephen Fries, économiste en chef du département britannique de l'Énergie et du Changement climatique, de renchérir : « Apprendre de l'expérience des autres est essentiel. Londres s’est beaucoup inspiré du Danemark en ce qui concerne la lutte contre les inondations. »

« Les questions abordées par le rapport Learning from Megadisasters sont appelées à gagner en importance à mesure que les pays en développement s'urbanisent, deviennent plus denses, plus connectés, mais aussi potentiellement plus fragiles. Apprendre comment renforcer leur résilience sera donc à l'avenir une priorité absolument centrale pour ces pays. »


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