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Les projets de lutte contre les gaz à effet de serre des pays en voie de développement sont freinés par le congestionnement du marché du carbone

12 mai 2008


LES POINTS MARQUANTS
  • Les pays n’ont plus le temps de mettre en place des écoprojets dans le cadre du Protocole de Kyoto.
  • Les demandes d’agrément d’environ 2 000 projets de réduction des gaz à effet de serre sont confrontées à une attente de 2 ans.
  • Les pays attendent un signe indiquant clairement que leurs projets pourront céder leurs crédits de carbone au-delà de 2012.

Le 12 mai 2008 – L'intérêt lié aux enjeux du changement climatique ayant mondialement augmenté en 2007, un effort inédit en vue de réguler et diminuer les gaz à effet de serre a battu des records avec pour résultat des échanges représentant environ 64 milliards de dollars.
 
Cependant, ce succès a occulté un problème imminent : comment garantir que les pays en voie de développement ainsi que les pays riches puissent tirer profit du marché du carbone ?
 
« Alors que la coopération mondiale en vue de réduire les risques du changement climatique est plus active que jamais, l’éventualité que les pays en voie de développement profitent du marché du carbone est remise en question », a indiqué Karan Capoor, spécialiste en marché du carbone de la Banque mondiale et co-auteur du rapport « State and Trends of the Carbon Market 2008 » (Statut et tendance du marché du carbone en 2008) publié la semaine dernière à l’occasion d’une exposition sur le carbone à Cologne, en Allemagne.
 
Karan Capoor et Philippe Ambrosi, de l’équipe de la Banque mondiale travaillant sur les questions du changement climatique, indiquent que les pays en voie de développement manquent de temps pour démarrer des projets de réduction des gaz à effet de serre susceptibles d’être rentables sur le marché du carbone par la vente de crédits pour la réduction de la pollution. De tels projets sont appelés projets MDP du fait qu’ils sont agréés par le Mécanisme de développement propre de l’accord du Protocole de Kyoto en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
 
Les pays en voie de développement ont déposé plus de 3 000 demandes d’agrément pour des projets variés, allant des parcs éoliens à la capture de gaz d’enfouissement, mais le système n’a pas été en mesure d’absorber cette « demande extraordinaire », a indiqué Karan Capoor. «Environ 2 000 demandes attendent encore d’être acceptées et bon nombre d’entre elles sont confrontées à un délai de 2 ans », a-t-il ajouté.

« Il s’agit d’un problème sérieux car l’accord du Protocole de Kyoto qui est à la base de tels échanges doit être renouvelé en 2012. Afin de pouvoir récupérer les frais, les projets doivent démarrer en 2008 dans les pays en voie de développement ».
 
« Un délai de deux ans pour un projet qui est supposé démarrer en 2008 équivaut à 40 % des recettes qui auraient pu être obtenues grâce au marché du carbone »
a-t-il déploré. « L’enjeu est important : les pays et les projets perdent de l’argent. Nous ne savons pas encore quand ces derniers vont pouvoir aboutir, et quand ce sera le cas, y aura-t-il assez de temps pour les réaliser du point de vue financier ? »
 
Congestionnement
 
Le congestionnement est dû notamment à un manque de « certificateurs » qualifiés : des personnes qui vérifient que les gaz à effet de serre ont bien été réduits avant qu’un projet ne soit autorisé à vendre des crédits sur le marché. « Les entreprises agréées ont eu du mal à garder des certificateurs qualifiés sur le marché du carbone et n’ont pas pu combler le manque », a affirmé Karan Capoor.
 
« En même temps, les autorités de réglementation ont accru leur vigilance » a-t-il ajouté. « La combinaison de ces deux phénomènes fait qu’il n’est pas rare que le processus d’approbation prenne entre deux et trois ans. »
 
Les projets de la Chine représentent jusqu’à 73 % du marché des MDP, et d’autres régions ont témoigné leur grand intérêt dans ces projets au cours des deux dernières années.
 
« Malheureusement, les pays africains commencent à peine à intégrer le mécanisme » a déclaré Karan Capoor. « Et lorsqu’ils l’intègrent, ils découvrent qu’ils n’arrivent pas à rentrer dans le système car celui-ci est bloqué. »

Philippe Ambrosi, co-auteur du rapport, a ajouté : « Les projets concernant l’énergie renouvelable et le rendement énergétique, ainsi que les investissements dans les pays en voie de développement les plus pauvres représentent la majorité des projets de cette année et ce sont ces projets-là qui sont défavorisés, du fait des retards liés aux procédures et au congestionnement du MDP, compromettant ainsi leur éventuelle mise en œuvre ».
 
Nécessité d’une indication claire
 
« Afin de conserver cet élan, les gouvernements doivent faire savoir clairement si oui ou non les projets de réduction des gaz à effet de serre dans les pays en voie de développement pourront continuer à vendre des crédits sur le marché du carbone, dans le cadre des accords sur le changement climatique du Protocole de Kyoto », ont affirmé, entre autres, les auteurs de « State of the Carbon Market ».
 
« Pour que la croissance du marché et les investissements dans l’énergie propre se poursuivent, il est nécessaire que les décideurs politiques fassent savoir aux secteurs du développement de projets et des achats si ces mécanismes resteront en vigueur dans le cadre politique au-delà de 2012, afin d’aborder les problèmes liés au changement climatique et d’améliorer le rendement » a affirmé Jack Cogen, PDG de Natsource LLC, une banque leader en matière d’investissements dans les émissions et l’énergie renouvelable.
 
La Commission européenne a cependant proposé de geler les nouvelles demandes de projets émanant des pays en voie de développement, créant ainsi une incertitude quand au maintien du programme du MDP.
 
Karan Capoor a indiqué que le fait de perdre l’élan actuel en faveur des MDP représenterait une « occasion manquée » de favoriser les technologies propres dans les pays en voie de développement.
 
« Cet élan en faveur des projets est certainement à encourager. Il ne faut en aucun cas qu’il perde de sa force. Nous devons l’entretenir et le faire fructifier. C’est ça le vrai défi ».


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