L’immolation de Mohamed Bouazizi en décembre 2010 en Tunisie est venue incarner les affres de la jeunesse arabe. Le suicide de ce jeune vendeur ambulant, poussé à bout par les restrictions dont son activité était l’objet, a allumé la mèche d’une révolte qui s’est étendue à l’ensemble du Moyen-Orient. Les frustrations s’étaient accumulées depuis un certain temps, avec de vastes pans de la société privés des progrès économiques, une classe moyenne pressurée et des services et emplois publics amputés par les coupes budgétaires.
Depuis le début des soulèvements, le débat dans les pays arabes a presque exclusivement porté sur des aspects d’ordre politique et d’identité nationale. Ce sont toutefois les questions économiques qui dictent les priorités : la réussite des transitions en cours repose sur la réponse qui sera apportée aux griefs économiques de la population.
Hafez Ghanem dresse un bilan approfondi du Printemps arabe, en se penchant sur les développements politiques depuis les révolutions ainsi que sur les changements à l’œuvre dans les cadres juridiques et institutionnels qui ont une incidence sur les économies. Alors que les pays arabes enregistraient avant les révoltes des taux de croissance économique vigoureux, les fruits de cette croissance n’étaient pas répartis équitablement. Si ceux qui étaient proches des milieux politiques en retiraient d’importants avantages, les jeunes diplômés ne parvenaient pas à accéder à des emplois décents, et les pauvres tout comme la classe moyenne avaient beaucoup de mal à joindre les deux bouts.
Selon Hafez Ghanem, les pays arabes doivent adopter de nouvelles politiques économiques qui améliorent l’inclusion, élargissent la classe moyenne et favorisent la croissance des régions en retard de développement. Pour cela, il convient fondamentalement de renforcer les institutions économiques ; développer les petits entreprises ; réformer les systèmes éducatifs afin de mieux préparer les jeunes au marché du travail moderne ; promouvoir l’égalité des sexes en vue d’accroître la participation des femmes à la population active ; et, enfin, mettre en place des programmes de développement rural et régional afin de réduire les inégalités et d’éliminer l’extrême pauvreté.
Hafez Ghanem est vice-président de la Banque mondiale pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord et chercheur invité à la Brookings Institution au sein du programme Économie et développement mondial. Il a auparavant exercé les fonctions de sous-directeur général au sein de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et de directeur-pays à la Banque mondiale. Il a cosigné l’ouvrage After the Spring: Economic Transitions in the Arab World et est l’auteur de nombreux articles consacrés aux économies arabes.