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ARTICLE07 novembre 2023

Interview avec Mme Yedau Ogoundele, directrice générale de la Caisse Régionale de Refinancement Hypothécaire de l’UEMOA

The World Bank

Mme Yedau Ogoundele, directrice générale de la Caisse Régionale de Refinancement Hypothécaire de l’UEMOA. 

Crédit : Gazelle Prod.

La Caisse Régionale de Refinancement Hypothécaire de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (CRRH-UEMOA) créée en 2010, a pour mission de promouvoir l'accès à l'habitat décent dans les huit pays de l'UEMOA, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Nous avons rencontré la directrice générale, Madame Yedau Ogoundele, pour mieux comprendre le fonctionnement de l’institution régionale ainsi que son impact sur la promotion des prêts à l’habitat dans la sous-région. Elle répond à nos questions :

Comment est née la CRRH-UEMOA ? Quels sont ses objectifs et comment fonctionne-t-elle ?

La CRRH-UEMOA est une initiative de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), la Commission de l’UEMOA, la Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et de l’Autorité des marchés financiers de l’Union monétaire ouest-africaine (AMF-UMOA) pour trouver une solution permettant aux banques de la sous-région d’apporter une réponse aux besoins pressants de logements décents pour les ménages à revenus moyens et faibles.

Partant du constat que le frein majeur pour développer les prêts à l'habitat est la difficulté pour les banques d’avoir des ressources à long terme, la CRRH-UEMOA créée en 2010, et opérationnelle depuis 2012, a été missionnée pour servir comme une centrale ouverte aux banques et aux systèmes financiers décentralisés dans l’espace UEMOA. Son fonctionnement est simple. Elle lève des ressources à long terme sur les marchés ou auprès des partenaires de développement pour refinancer les prêts à l'habitat, donnant ainsi aux banques opérant dans l’espace communautaire les moyens de développer des prêts immobiliers à long terme et à des taux abordables pour leur clientèle. Avec l’appui de la Banque mondiale, nous avons renforcé nos actions et élargi nos activités aux institutions de microfinance, permettant ainsi aux ménages à revenus modestes ou irréguliers d’obtenir les prêts hypothécaires nécessaires pour construire leur maison.  

Quels sont les enjeux pour accéder à des prêts immobiliers dans la sous-région ?

En termes d'habitat, la difficulté est à plusieurs niveaux et essentiellement par rapport au cadre institutionnel et réglementaire. Tout d'abord, la faiblesse des infrastructures complique l'accès à des terrains viabilisés. L'accès à des titres de propriété est un processus souvent long, difficile et coûteux.

La difficulté majeure pour les banques réside dans l'accès aux ressources à long terme dont elles ont besoin pour accorder des prêts hypothécaires, donc des prêts à long terme à leurs clients. La CRRH-UEMOA leur permet d'accéder à ces ressources longues pour développer cette activité.

Enfin, pour les ménages, en particulier ceux aux revenus modestes, faibles ou irréguliers, la principale difficulté est l’inclusion financière, c’est-à-dire d'avoir accès au milieu financier.

Quel a été le parcours de la CRRH-UEMOA depuis sa création, et quels sont les grands défis pour le développement du marché de prêts hypothécaires ?

Lorsque la CRRH-UEMOA est devenue opérationnelle en 2012, nous sommes allés sur les marchés financiers de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) pour une première émission obligataire d’une maturité de 10 ans. Progressivement, nous avons pu allonger la maturité de nos émissions obligataires à 12 ans, puis à 15 ans. Notre dernière émission obligataire a été lancée en janvier 2023. En parallèle, nous avons développé une activité avec les bailleurs de fonds, y compris la Banque mondiale, pour accéder à des prêts concessionnels à des taux intéressants. Nous pouvons ainsi offrir aux banques et institutions de microfinance des financements de long terme à des taux compétitifs qu’elles répercutent sur leur clientèle.

Notre principale difficulté réside dans l’obtention des banques, de portefeuilles de prêts hypothécaires véritablement qualifiés comme tels, et non de prêts à la consommation détournés pour l'acquisition de logements. Pourquoi ? Parce que la difficulté réside dans la nécessité d’avoir des clients qui peuvent leur apporter des titres fonciers qu'elles puissent prendre en hypothèque.

La société régionale de refinancement hypothécaire de l'UEMOA (CRRH-UEMOA)

Que peut-on dire à ce jour des innovations apportées par la CRRH-UEMOA dans l’espace communautaire ?

Principalement le fait d'être un système solidaire entre les banques qui se sont regroupées pour lancer cette structure sous l'égide des grands institutionnels tels que la BOAD, la BCEAO et l’AMF. La CRRH-UEMOA est ainsi suffisamment solide pour lever des ressources à long terme et à des taux attractifs sur les marchés. Elle s’est également révélée un partenaire privilégié pour des bailleurs de fonds qui lui ont donné accès à des ressources concessionnelles. Ça, c’est de l'innovation.

La CRRH-UEMOA a été une première initiative en Afrique, en même temps qu'une institution similaire en Tanzanie. Elle a été imitée par d’autres pays, tels que le Nigeria en 2013 et le Kenya en 2018. Nous rayonnons dans les huit pays de l'UEMOA, contrairement aux autres institutions qui n'opèrent que sur un seul pays. Nous avons 58 banques actionnaires, à peu près les deux tiers des banques commerciales de l'espace communautaire qui détiennent les deux tiers du capital ; le tiers restant étant détenu par la BOAD, la Société financière internationale (IFC), la Banque d’investissement et de développement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BIDC), et Shelter Afrique.

Combien de bénéficiaires au total dans l’espace UEMOA et quels sont les impacts ?

Dans le cadre du Projet régional de financement de logements abordables financé par la Banque mondiale, 12 000 personnes dans l'espace UEMOA en ont déjà bénéficié. Une étude d'impact récente a révélé qu’il s’agit d’hommes et des femmes, âgés entre 40 et 60 ans, et avec moins de 400 000 FCFA de revenus mensuels. Précédemment, ces personnes étaient locataires, ou vivaient chez des parents et ne pouvaient pas avoir accès à un prêt. Elles sont désormais propriétaires de leur logement et y habitent avec leurs familles. N’oublions pas, en passant, tous les emplois qui ont été créés pour les petites entreprises de construction, compte tenu de la prédominance de l’auto-construction.

Par ailleurs, le financement de la Banque mondiale nous a servi de levier pour mobiliser des fonds deux fois plus importants, 275 millions de dollars en 2023, par le biais d’émissions d’obligations régionales et internationales. Nous avons pu élargir et compléter les ressources concessionnelles pour permettre à nos institutions financières partenaires d’offrir des conditions plus souples à leurs clients.

Quel développement peut-on espérer à l'avenir pour la CRRH ?  Quelles sont vos perspectives ?

Nous sommes en train de mettre en œuvre un plan stratégique de 5 ans (2023-2027) qui nous permettra d’avoir un impact encore plus fort et de multiplier par trois les réalisations effectuées au cours des 12 dernières années. Le refinancement des prêts hypothécaires restera le cœur de métier de la CRRH. Parallèlement, nous allons développer de nouvelles activités pour répondre aux besoins des banques, y compris un fonds de garantie régionale leur permettant de couvrir les risques, ainsi qu’une solution de titrisation du portefeuille de prêts hypothécaires. Nous souhaitons également étendre notre empreinte en ouvrant nos activités au-delà de nos banques actionnaires et des institutions de microfinance.

Qu’est-ce qui vous fait le plus plaisir avec le projet régional ?

Quand je revois ce que nous avons accompli avec le projet financé par la Banque mondiale, deux éléments me font plaisir. Tout d’abord, d’avoir pu consolider nos fonds propres pour renforcer notre activité et avoir un impact majeur dans l'UEMOA. Ensuite, et c’est le plus important, je suis particulièrement fière de l'impact que nous avons pu avoir sur les ménages, surtout les plus pauvres, et que des milliers de personnes soient devenues propriétaires de leurs propres maisons. C’est ma grande fierté !

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